roses anciennes

 


On me dit dans mon oreillette que la rose redevient la fleur à la mode cet automne. Dans un sens, voilà qui me ravit, mais en même temps j’ai envie de lever les yeux au ciel, la rose ? à la mode ? Vraiment ? Sans rire, la rose n’est jamais vraiment démodée, jamais ringarde, tellement c’est un classique. S’il y a bien une senteur intemporelle en parfumerie, c’est celle de la rose qui se réinvente à toutes les modes… Mais voilà une bonne raison de se pencher à nouveau sur deux parfums que j’aime beaucoup, deux parfums qui sentent la rose, deux parfums merveilleusement démodés. (On alors on dit rétro parce que ça fait mieux ?) Pas question pour moi de porter la dernière rose à la mode (dit-il sans aucune crédibilité en guettant les nouveautés qui arrivent.)


NB : vous avez de la chance, je vais vous épargner Paris d’Yves Saint Laurent pour cette fois. Mais de justesse. Disons qu’on en reparlera la semaine prochaine…


Perfumista d’Anatole Lebreton porte bien son nom, c’est un délice pour initiés, un parfum pour frappadingues de parfums qui n’ont peur de rien, surtout pas du ridicule ni du démodé. Soyons honnêtes, un hommage à la grande parfumerie passée peut difficilement sentir la modernité. C’est jouable, mais le parti pris est ici d’assumer pleinement l’ambiance salon de douairière.  On passe en revue les classiques, sans citations littérale et sans impression d’étude appliquée, tout se passe avec fluidité pour donner du parfum une image lisse et unifiée alors même qu’il évolue sans cesse. 

L’effet aldéhydé est bien présent au départ avec une petite note cire de bougie bien présente qui peut rappeler l’ancien N°5 ou le Paloma Picasso, lorsqu’apparait la rose, elle s’épanouit lentement, veloutée et poussiéreuse à la fois. Est-ce une variété ancienne qui a été cueillie dans le fond du jardin ou un flacon de parfum retrouvé au fond d’une malle de l’arrière-grand-mère ? Le fond de chypre moussu, de patchouli antique et poudré oriente vars le flacon de l’aïeule. Si un parfum devait évoquer le poème de Baudelaire, ce pourrait être lui :

Charme profond, magique, dont nous grise

Dans le présent le passé restauré !

Charles Baudelaire, les fleurs du mal, 1857.


Autre salle, autre ambiance avec l’eau suave de Parfum d’Empire. Autre ambiance, pas vraiment.  Certes le départ évoque plus le pétillement fruité que la cire de bougie aldéhydée mais la rose qui s’installe en majesté impériale est tout autant une variété ancienne sur fond de chypre à l’ancienne, délicieusement historicisant.  Le parfum est plus changeant, moins lisse. Ce n’est pas une variété de rose ancienne mais un pot pourri de toutes les roses : fraîche, poudrées, fruitées, boisées… 

C’est purement végétal et soyeux, avec un effet coussin moelleux, matelas de rose façon « je traîne sur ma méridienne en robe de mousseline » absolument délicieux. Charmant mais terriblement égoïste. Comme perfumista, l’eau suave est un parfum à porter pour soi, pour tourner le dos au genre humain avec dédain. Et une sensualité certaine parce qu’abritée derrière Leurs épines, ces roses attendent qu’on les éveille à la vie d’un baiser et plus si affinités.

Perfumista, Anatole Lebreton, 2019.

Eau suave, Marc-Antoine Corticchiato pour Parfum d’Empire, 2005.


Commentaires

  1. Dominique, hier soir après avoir lu ton article j'ai mis sur un de mes bras Eau suave et sur l'autre Perfumista, (j'ai commandé l'été dernier, les sets d'échantillon des deux parfumeurs). J'ai beaucoup aimé les deux, ils sont différents en effet, qualitatifs, pensés, travaillés, de vrais parfums d'auteurs je trouve. Je n'aime pas trop la rose en général et pourtant Paris reste iconique pour moi et Portrait of a Lady m'a impressionné et séduite !!! Tu m'expliques ???

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    1. Oh, on entre dans Paris par la violette et puis il y a les notes de mimosa, d'aubépine, la poudre d'iris qui entourent la rose, c'est loin d'être un soliflore. Portrait, je le trouve beau et bien fait mais je ne l'aime pas, jamais je ne porterais ça.Ce n'est pas mon genre. Et ce n'est pas très rose d'ailleurs...

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  2. Merci pour tes explications, je comprends mieux pourquoi j'aime ces 2 parfums pas si rose donc. Comme toi il y des parfums que je trouve magnifiques mais que je ne porterai pas.

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    1. Je suppose que nous avons tous ça. J'avoue que ma méthode pour en profiter, c'est de les offrir pour avoir le plaisir de croiser leurs sillages de temps en temps. Oui, c'est un peu sournois.

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