Empires des Indes, Oriza L. Legrand

 


Empire des Indes oblige un peu à penser à Shalimar, qui fait référence lorsque nous parlons d’Indes ou d’orientaux. Pourtant, même s’il y a des relents de Shalimar, moins copié-collé que dans le Lion de Chanel, c’est plutôt à Bois d’Arménie, toujours chez Guerlain que cet Oriza Legrand faite penser. La même inspiration de départ, ces papiers à brûler, imprégnés de benjoin qui purifie l’air et embaume les appartements parisiens. (On a beau parler d’orient, c’est bien d’orientalisme qu’il est question.)

 


Mais Empire des Indes dépasse allègrement le parfum d’ambiance. Il serait délicieux de le vaporiser sur les rideaux, mais ce serait quand même un peu dommage. Le parfum est changeant sur la peau, facetté, enjolivé, même s’il garde une belle continuité, sans transitions abruptes, les notes se succédant en se fondant les unes dans les autres en donnant une belle impression d’unité. Un scintillement initial fait place à des fleurs épicées, à la fois douces et crémeuses, indéniablement blanche, bouquet de fleur posé sur un fond de baumes et de vanille. Le tout est baigné dans l’atmosphère fumée du benjoin qui par moment rappelle le lapsang souchong, alors qu’un instant avant, mariée à l’héliotrope elle évoquait la poudre de riz. Notez que comme beaucoup d’orientaux qui évitent les notes trop grasses, il se comporte fort bien dans la chaleur de l’été. (Mais il sera forcément merveilleux sur les doublures des manteaux d’hiver.)

L’identité de la maison est bien présente, un air de parfum ancien, vénérable, âgé, mais le registre oriental étant depuis 1925 revenu maint fois à la mode, le parfum ne fait pas trop vintage, plutôt classique. (C’est assez amusant d’écrire classique quand ce parfum crie baroque, mais même pour une œuvre baroque, il faut dire classique, c’est ainsi.) La référence à Shalimar et à l’orient en général peut faire penser au cliché habituel de la sensualité, lascive, un peu vamp, franchement séductrice, mais je le perçois, comme souvent les orientaux, je l’avoue, confortable avant tout.

 


Les nuances papiers indiens (Les papiers indiens d’Oriza sont bien plus doux et réussi que le papier d’Arménie grâces à ces fleurs qui sont bel et bien présentes) renforcent l’impression de parfum pour soi, pour rester chez soi, rideaux tirés, lumières filtrées (demi-obscurité et demi-monde pour un parfum un peu cocotte ?), dans l’ignorance volontaire des affres du temps. Étrange évocation du repli sur soi par un parfum dont le nom de baptême pourrait faire penser aux grands voyages, à la conquête. Loin de moi l’idée de le regretter, je trouve même que ce refuge qu’il nous offre vient bien à point.

 

Vaporisons, fermons les yeux et laissez-moi rêver.

 

Empires des Indes, Oriza L. Legrand, 2021.

 

PS: C'est tout à fait mesquin, mais L'Empire des Indes, tout nichu qu'il soit, est vendu au même prix que le mainstream Shalimar de Guerlain et bien moins cher que l'exclusif Bois d'Arménie ou que le Lion de Chanel. Et ce n'est franchement pas une question de qualité. Je peux comprendre qu'on préfère les autres mais... Je ne peux pas m'empêcher de penser que certaines grandes maisons abusent un peu. Oui, j'ai des réflexes de comparaison de prix d'une vulgarité très petite bourgeoise absolument indigne d'un esthète. J'assume complêtement. J'ai réalisé après achat, mais je regrette d'autant moins ma fidélité à Oriza.


Note pour plus tard : pensez à m’acheter un bâton de khôl.


Commentaires

  1. Bonjour Monsieur,
    je vous lis depuis un petit moment déjà, sans jamais oser commenter. Les réseaux n'étant pas mon fort, mais les parfums ma grande faiblesse, c'est ainsi que je vous ai "connu"...
    Et bien pour L'Empire des Indes j'ai eu le même ressenti, celui d'un parfum pour rester et se sentir bien chez soi. Je n'ai que l'échantillon que j'économise, et un de ces soirs de grande chaleur je m'en suis vaporisé tout le bras. Je craignais ne pouvoir le supporter vu la température, mais je l'ai fait quand même, un besoin urgent, vital, d'une senteur qui le transporte loin.... J'ai été trèèès agréablement étonnée, moi qui pensait faite une expérience téméraire, chaleur provence (hélas....) + chaleur de mousson, l'expérience fut des plus exquise. La chaleur ( la suffocation pour être plus réaliste) de la nuit provençale a mis en valeur des notes que l'hiver (de gueux quand même) provençal (et oui, encore...) avait laissé sous cape (celle du berger, non, ça, ça n'existe plus, il faut relire Pagnol pour la Provence sympathique). Des notes pas du tout sucraillones, mais profondes, envoutantes, et très élégantes. En même temps, j'ai eu envie de garder ce parfum pour chez moi, qu'il me fasse l'effet d'un châle que la température estivale interdit de porter. Aprés je me suis dit, mais alors pourquoi ne pas me contenter du parfum d'intérieur....? Mais je ne connais pas ce dernier. Est il similaire au parfum de peau ? J'ai déjà les petits papiers à faite bruler... et je suis une inconditionnelle d'Oriza! ( j'en ai 8 je crois, plus les sels, les savons...).
    Bien à vous.
    Barbara

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    1. Bonjour,

      Oui, les orientaux dans la canicule, c'est quelque chose que je valide à 100%, on devrais toujours essayé. Un Shalimar, c'est somptueux par plus de 30° il suffit pour ne pas être trop téméraire d'être parcimonieux. (Et lorsque c'est possible, de privilégier les quelques gouttes d’extrait à la vaporisation d'eau de toilette même si notre intuition nous dit de faire le contraire)

      Pour ce qui est du parfum d'intérieur, je ne vais pas être trop tranché car j'en possède un flacon et j'ai testé côte à côtes mais : acheté longtemps avant la production de parfum pour soi, c'est un autre lot, ce qui peut changer le rendu à cause de l'une ou l'autre différence dans les matières première, la macération Et ce n'est pas nécessairement la même concentration, ce qui change aussi le rendu

      Le parfum d'intérieur m'a paru moins changeant, moins facetté, moins profond et évolutif, il est plus "stable" (mais il offre une très belle tenue sur les étoffes, on le retrouve avec plaisir, fidèle à lui même, sur les rideaux, les plaids, les couvertures...) à celui-ci, c'est quand même le papier indien que je préfère, pour son atmosphère bleutée, le plaisir du geste, l'effet immédiat et plus enveloppant que la vaporisation. Vraiment, je les trouve plus satisfaisant, mais c'est une question de goût.

      La différence de prix entre le parfum d'intérieur et la recharge 100 ml de parfum de peau ne représente pas une économie substantielle si on prend en compte le joli flacon qui vaut l'investissement et que je n'aurais aucun scrupule à vaporiser sur les plaids de même que je n'ai aucun scrupule à vaporiser un parfum d’intérieur sur peau... (Il y a un léger risque d'allergie, certes, mais je n'ai jamais réagi.) Pour moi, dans le cas d'Oriza, le flacon compte. (Pour beaucoup de marque, je m'en fiche royalement, mais avec eux, j'ai un attachement à la passementerie, à l'étiquette...)

      Désolé, j'ai l'impression que je n'aide pas du tout. Mais je serai curieux de savoir.... (Si j'ai poussé au crime!)

      à bientôt

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    2. Bonsoir,
      je vous remercie de m'avoir répondu.
      Alors, alors... ai-je succombé ...?
      Et bien pas encore. Mes "raisons" vont surement sembler incohérentes mais il s'agit de parfum n'est-ce pas, alors le raisonnable.... Le problème avec Oriza, c'est que je les aime tellement, à la folie, passionnément, qu'il me faut que ce ne soit rien de moins que ça. Empire des Indes je l'aime beaucoup, mais s'il s'agit d'Oriza pour moi ce n'est pas assez. Ceux que j'aime chez eux me chavirent tellement que "malheureusement" quand j'en découvre un, j'en attends énormément. Même si j'apprécie aussi les "sent bon" tout simples parfois. Je n'ai pas envie tous les jours de porter une oeuvre d'art. Mais Oriza c'est Oriza. Je suis tellement déçue des outrages tant olfactifs qu'esthétiques que subit la parfumerie française qu'Oriza est mon dernier bastion à la gloire du beau en Parfumerie. Le jus, ou l'elixir au choix, bien sûr, mais l'emballage, la passementerie ( comme vous le disiez), leur sympathie et leur simplicité lorsqu'on les a au bout du fil ( rien que cette reflexion,
      je m'en rends compte, dévoile que je suis d'une autre époque ( la même que vous, à quelques années près ( en moins, oui je suis coquette) font que tout n'est que ravissement lorsqu'il s'agit d'Oriza. Alors, l'Empire des Îndes, je l'ai adoré cette fameuse
      nuit de canicule, les notes étaient explosives d'envoutement ( mais l'élégant, pas le vulgaire à la "vas y que je t'attrape"), mais le lendemain, le sur lendemain etc, je n'ai plus retrouvé la même intensité ni ses sublimes variations qui m'avaient offert un merveilleux voyage olfactif. Après moultes tergiversations j'ai renoncé à aller vivre dans une contrée où il fait 50 degrès à l'ombre pour pouvoir porter Empire des Indes comme je l'aime, j'ai alors décidé de m'en tenir au parfum d'interieur. Pour l'instant, car je ne suis pas fermée à de nouveaux essais, d'ailleurs je l'ai vaporisé sur mon poignet pendant que j'écris pour être sûre d'être d'accord avec ce que je dis! Pour l'instant je ne me contrarie pas... mais dans quelques mois, je peux avoir un coup d'éclat.
      Mais aussi peut être que sous un autre nom j'aurais capitulé. Je m'explique : Empire des indes, ça annonce un sacré bouquet quand même! Et celui-ci ne me ramène pas à Jaipur, alors que "Marions nous", oui! Quel délice... La première fois que je l´ai senti, j'ai été directement propulsée là-bas. Pas besoin d'un concorde, d'une croisière ce fut une téléportation instantanée... Donc déjà, pour moi, l'E des I souffre d'une comparaison. Puis il y a le Régent, je trouve qu'ils se ressemblent, même si c'est pas pareil...( c'est pourtant clair non ?). Je trouve le Régent plus facetté, plus raffiné. Je l'ai, mais je ne le porte pas car sur moi il a un petit côté sucré, ce que n'a pas du tout l'E des I et qui fait que je devrais le préférer, mais il est moins riche ( sur moi en dessous de 40 degrès). Le Régent sur une peau masculine est particulièrement raffiné, la testostérone sans doute qui annule le sucre, alors c'est comme ça
      que je profite du Régent...
      Pour le moment il souffre de ces comparaisons jusqu'au jour où..., peut être. Tout est possible....
      Barbara

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    3. Suite: Dans la série révélations par "nuit de brasier", Scotch Lavender m'a aussi beaucoup séduite. Cette lavande que je trouvais trop fermée par temps froid ou tiède s'est révélée, elle s'est épanouie grâce à quelques degrés de
      plus. Je vais réitérer l'expérience. En revanche, j'ai beau m'acharner avec Peau d'Espagne : impossible! Sur moi il vire complètement. Les premières notes m'avaient conquises puis dès que le coeur s´est ouvert: catastrophe, ce fut l'as qui pique! Pourtant je m'acharne, je m'acharne, je n'aime pas ne pas aimer un Oriza. Chez eux j'ai : Rêve d'Ossian, Zelmis, Jardins d'Armide, Marions-nous, Cuir de l'aigle Russe,
      Foin fraichement coupé, le Régent, Oeillet Louis XV, Royal Oeillet, Déjà le Printemps, Villa Lympia. Ça c'est pour les parfums de peau.
      Sinon et cela n'a rien à voir avec Oriza, mais j'adooore moi aussi " Mon Parfum Chéri" lorsque Goutal avait l'élégance, le respect de s'appeler encore Annick!!! Je l'ai aimé dés sa sortie, si j'avais su qu'elle annoncait le cataclysme de la Maison Annick Goutal qui allait devenir une "marque", moche, irrespectueuse, j'en aurais fait des stocks et des stocks! A bientôt et merci pour votre blog. Le seul que je lise... nous avons des goûts bien similaires et en plus, vous me faîtes découvrir d'autres
      belles choses. Merci. Barbara

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    4. Oh, bien merci!
      Oui le naufrage de la maison Annick Goutal est une catastrophe et un crève-cœur. Au point qu'après avoir fait des stocks, je ne porte quasi pas parce que c'est un peu trop douloureux. (Drama queens, les perfumistas? Je ne vois pas ce que vous voulez dire...)

      Heureusement qu'il y a encore des maison comme Oriza, où je n'aime pas tout mais beaucoup. Et encore, ceux que je n'aime pas porter, c'est pour le plaisir de les sentir sur d'autres. Il faudra que je teste la lavande qui ne me parle guère dans la chaleur, mais lorsqu'il est question de lavande, que je n'aime pas dans la nature, il n'y a que pour un Homme de Caron qui trouve grâce à mes yeux. Je ne l'aime pas, je l'adore. Peut-être justement parce qu'il marie deux notes, lavande et vanille, que je n'aime généralement pas beaucoup pour en faire quelque chose de bien plus joli.

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    5. Raisons incohérentes? Oh oui, peut-être mais depuis quand sommes nous cohérent? Depuis quand lorsque nous nous parfumons le matin devrions nous écouter autre chose que notre caprice? Non, non, non. À bas la cohérence! Le régent, je l'ai senti, bien aimé, mais trop proche de l'Empire, j'ai du faire un choix et l'Empire fut vainqueur. Pas parce qu'il est plus cohérent lorsque je brûle mes papier indiens pour ma purifier par la fumée, non, non, mais à cause de cette petite note alimentaire que j'ai cru percevoir aussi et qui ma plaisait un peu moins.

      La peau d'Espagne, elle me plaît, m'attire, mais je sais trop bien que c'est exactement le genre de parfum que je vais préfèrer sentir sur quelqu'un d'autre que moi. (En pensant aux anciennes réclames Guerlain qui posait la question "Are-you her type?" je serais bien obligé de répondre "non" sans véritables explications.)

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  2. Bonjour Dominique.
    Très joli billet pour un bien joli parfum ! Décidément Oriza nous propose des choses vraiment intéressantes et c'est pour ça qu'on les aime !
    Tes photos d'illustration sont toujours très belles. Bon week-end

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    1. Alors, ce n'est pas nécessairement celui que je trouve le plus intéressant de la bande, même s'il a beaucoup de charme, dans la mesure ou ce n'est pas la proposition la plus neuve et la plus signée de la marque, mais justement, en restant dans les codes, il peut amener un public nouveau et le séduire là ou d'autres, plus radicaux peuvent surprendre un peu trop et faire dire que c'est trop typé...(Et puis surtout, je le trouve très agréable à porter et c'est le plus important!)

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