"Monsieur de Charlus avait fait transporter chez lui une grande partie des admirables boiseries de l'hotel Guermantes au lieu de les échanger, comme son neveu, contre du mobilier modern style."
Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, à l'ombre des jeunes filles en fleurs, 1919.
La gamme de l’art et la matière, exclusive et trop chère n’est pas ma préférée chez Guerlain. Je ne suis pas très aimable quand j’y vois de grosses vanilles, des gourmandises, mais elle n’est pas très aimable envers Guerlain quand elle réduit la guerlinade à une caricature vanillée et gourmande non plus. Certes, c’est plutôt bien fait et il n’y a pas de mal à aimer les notes vanillées, la gourmandise, ni à se faire du bien, mais ce n’est pas mon truc. J’ai cependant fini par céder et m’offrir un flacon l’art et la matière en choisissant, forcément, ce qu’il y avait de moins doux, de moins gourmand : bois d’Arménie.
Le départ est assez étonnant, les épices, l’encens et quelques notes de coriandre fusent comme un vrai feu d’artifice qui peut presque sembler agressif. Le parfum se pose et installe une ambiance calme de bois anciens et de papier d’Arménie (aka le benjoin, la vedette du parfum), de notes fumées et encensées. C’est à la fois austère et confortable, mystique et domestique. Bois d’Arménie raconte peut-être l’histoire d’une mère supérieure qui aurait perdu la foi et ferait de la philosophie dans le boudoir ? Les notes musquées, poudrée, vanillées qui se développent en fond rendent la fragrance plus charnelle, plus peau, mais sans la sortir vraiment de sa sécheresse fumée. Un orientalisme installé parmi les boiseries néogothique d’un cabinet de curiosité fin de siècle qui mérite assurément qu’on lui laisse sa chance; un parfum plus poétique qu’une variation de plus sur une matière.
Bois d’Arménie, l’art et la matière Annick Ménardo pour Guerlain, 2006.
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