mal aimé

 

"Comme une fée hargneuse dépouille sa première apparence et se pare de grâces enchanteresse..."

Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, à l'ombre des jeunes filles en fleurs, 1919.

Parfum d’Empire, c’est la maison qui propose non pas un mais deux parfums verts. Mais dans un bel éclair de lucidité, le second se nomme Mal Aimé. Difficile en effet de voir une décision stratégique dans cette sortie, le vert n’a pas la cote. On peut sans problème sortit des vanilles racoleuses ou des muscs aguicheurs, mais le vert ne se vend que fort mal. Avec cet avantage d’avoir son public restreint d’amateurs qui rappliquent illico dès qu’on dit vert. (Oui, je parle de moi.) 
C’est probablement quelque chose dans ce genre le concept de niche au départ.


Si Corsica Furiosa était un vrai feu d’artifice qui partait dans toutes les directions mais restait dans une thématique naturaliste/paysagère façon l’eau de campagne (Sysley) assez facilement séduisante pour l’été, Mal Aimé le bien nommé joint un côté très classique de parfum bien construit, ciselé et très fluide, à une radicale nouveauté verte de notes jamais senties qui ne craint pas de rebuter. Comme quoi, il y a moyen de renouveler la parfumerie, d’apporter des créations vraiment neuve et intéressante sans sombrer dans l’excentricité ou le plaisir de choquer, juste en n'ayant pas peur de ne pas être la prom queen au bal du lycée.

Le parfum explore le registre des mauvaises herbes. C’est une longue ballade qui nous emmène au cœur de la forêt, qui explore un vert ambigu qui hésite entre la robe de la bonne dame verte, qui soigne, guérit, et l’émeraude de Lucifer, le plus beau des anges qui fut maudit pour sa révolta contre le créateur. Le départ se fait à l’orée du bois, là ou le soleil fait étinceler la blancheur des ombellifères et dore quelques pétales jaunes qui se détachent sur les tiges et les herbes folles.


Assez vite, on pénètre dans le bois, dans l’obscurité verte et humide où joue seulement quelques rayons de lumières qui passent à travers les feuillages. C’est dans cet atmosphère qu’on remarque le mieux le jeu sur les textures, le velouté mat du bel iris qui appuyé sur les bois charpente ce parfum d’orties. Sans que cela se remarque vraiment, Mal Aimé est un parfum luxueux qui utilise la belle matière discrètement, pour les effets qu’elle procure et non pour signifier la richesse.
arrière-plan: Méduse, Zuleika par Pierre et Gilles


F. Khnopff, le sang de méduse.
Je n’ai pas pu m’empêcher de penser à la figure de la Méduse sous la plume ou le pinceau d’un symboliste. Elle effraie par son pouvoir, la malédiction qui lui a octroyé ce pouvoir, mais fascine et attire par son étrangeté qui lui confère plus de beauté que la joliesse initiale qui fit son malheur. Pour moi, il était indispensable. Mais il est vrai que je suis incapable de sourire en photo. (Et que je n'ai pas été la prom queen au bal du lycée, c'est vrai aussi.)



D’ailleurs, j’ai reçu l’échantillon il y a un petit moment et j’ai guetté la sortie sur le site et j’ai commandé le jour même. (Et je n’ai pas été le seul, je ne vais pas dénoncer, parce que : être antipathique d’accord mais collaborer, ça, jamais !)

Mal aimé, Marc-Antoine Corticchiato pour Parfum d’Empire, 2021.

Commentaires

  1. Bonjour. Voilà une bien belle description de ce nouveau parfum .
    J'ai hâte de pouvoir le sentir ...
    La maison Parfum d'Empire est une de mes préférées et il me reste quelques jus à découvrir chez eux .
    Bon week-end

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    1. Bon, le vert, c'est mon truc et celui-là est très... vert et iris, c'est tout ce que j'aime mais livré de façon imprévue! (Sinon, j'aurais râlé, je me connais)

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