vanille déguisée d'Anatole Lebreton

 


"Il ne déplaisait d’ailleurs pas à Mme Verdurin d’avoir l’occasion de jouer à la dame."

Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, Sodome et Gomorrhe, 1922.

 

Lorsque le « projet vanille » a été lancé j’y ai participé avec appréhension. La vanille, ce n’est pas une matière que j’apprécie particulièrement. (Et je ne suis pas très fan des parfums centré sur un élément.) Mais, enfin, j’ai confiance, je soutiens les jeunes créateurs et les petites marques et je n’ai pas envisagé une seule seconde de ne pas participer. D’ailleurs, c’est étonnant pour la marque, une vanille. C’est un peu moderne alors que l’univers était jusque ici assez rétro. Ou juste plein de références classiques alors que la vanille n’est pas tellement classique. Il y a Shalimar mais en dehors de lui peu de grands classiques à la vanille. La tendance semble assez moderne dans le fond.

 

J’avoue, ce n’est pas mon truc. C’est alimentaire et je boude toujours un peu. Je trouve très respectables une marque comme Comptoir Sud Pacifique qui explore toutes les facettes de la vanille et de la gourmandise régressive, mais pas pour moi, merci, je suis au régime. (Dit-il en terminant le saucisson.)

 

En réalité, Fleur Cachée porte fort bien son nom. (Une traduction du nom de la vanille dans une langue exotique que j’ai oubliée parce que je ne suis pas un blogueur sérieux.) La vanille est cachée. Les premières notes m’ont beaucoup surpris : un bois, sec, raide soutenu par des épices. (Du poivre noir ?) L’ambiance est celle d’un classique masculin, pour les hommes les vrais, alors que je m’attendais à une fille à la vanille. Je ne dis pas que la surprise est mauvaise, mais enfin, j’eusse aimé être prévenu. Je ne m’habille pas pareil pour un rendez-vous dans les bois avec un bucheron que pour aller à la pâtisserie avec des pensionnaires échappées de l’internat. Mais si la vanille veut jouer: jouons! Les choses se mettent en place rapidement et l’ambiance s’adoucit. Je ne dirais pas qu’on sombre déjà dans la vanille, pas encore. Un santal soyeux vient adoucir la première impression, joue les vedettes, se fait délicieusement crémeux et s’acoquine avec une vanille poudrée, safranée, qui se dévoile peu à peu pour ne se révéler qu’en fond.

 

NB : si vous atteignez le fond. Le parfum à une loooooooongue tenue, je n’ai senti une vraie note de vanille que sur mon écharpe après trois jours et sur mes mains après les avoir lavées. Prévoyez de vous parfumer le 23 si vous voulez sentir la vanille à Noël.

 


Le parfum est très séduisant. Pas séducteur (il n’a d’ailleurs pas un sillage envahissant, il est juste présent.) mais réconfortant, caressant. C’est LE parfum pour lequel je me dois de sortir la métaphore ringarde de l’étole ou du plaid en cachemire qui vous enveloppe de sa douce chaleur sensuelle. Je DETESTE cette métaphore, mais pour le coup, c’est ce qui décrit au mieux la sensation que j’ai éprouvé en portant fleur cachée. Précisons quand même que nous nous vautrons sur un matelas ferme, pas un truc tout mou. (C'est meilleur pour notre dos, parce que, quand même, se tenir droit, la dignité, tout ça...)

 


Mais du coup, c’est un parfum pour qui ? Alors, au choix : pour les bucherons qui lisent Jane Austen ou pour les jeunes filles en fleur qui portent des chemises à carreaux. (En gros, le parfum, c’est jamais fait pour personne et c’est toujours plus joli quand on détourne les codes.)

 

 

Fleur cachée, Anatole Lebreton, 2020.

 

PS : Si ça peut vous aider à le placer quelque part : c’est un parfum qui a tout pour plaire, pour être populaire auprès des fans de la collection l’Art et la Matière de Guerlain. Il aurait pu l’intégrer facilement ; il serait tout à fait à sa place entre Bois d’Arménie et Cuir Beluga. Bref, c’est niche mais pas expérimental ou trop difficile d’accès.

 

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