"En robe noire, comme toujours, parce qu'elle croyait qu'en noir on est toujours bien et que c'est ce qu'il y a de plus distingué..."
Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, du côté de chez Swann, 1913.
La petite
robe noire m’échappe complètement. Pas le jus en soi, cette confiture trop
sucrée, est typiquement ce que je déteste. Je comprends qu’on puisse aimer ce
genre et je conçois qu’une marque ait besoin de faire rentrer l’argent dans ses
caisses ; ce genre n’est pas le mien, voilà tout, je n’ai pas vraiment d’avis
en soi, je suis incapable de m’en faire un, de dire si X est mieux que Y, et
pas spécialement envie de m’attarder, c’est vrai. Non, ce qui m’échappe, c’est
le concept qui va avec, qui entoure le jus, l’imaginaire qui est bâti autour.
La Petite Robe
Noire, c’est le parfumeur qui s’invite dans le vêtement, la mode, après que les
couturiers se soient invités dans le parfum avec le succès que l’on sait. (On
laissera de côté Habit Rouge) La petite robe noire, c’est mythique, mais c’est
la mode à travers un classique soi-disant indémodable, un de ces classiques
dont les coupes doivent toujours être au goût du jour sous peine de ringardise
finie, d’uniforme de mémère. Pour ça, le contenu colle parfaitement au
contenant : un parfum bien dans son époque, jouant sans fausse honte et
sans fausse pudeur sur les codes actuels.
Mais, comme l’a dit Gabrielle Chanel, la mode, c’est ce qui se démode. Donc, ce parfum risque fort de se démoder et ne sera peut-être pas forcément l’un des classiques de la marque 100 ans après sa création, contrairement à l’Heure Bleue. Mais enfin, l’Heure Bleue et tous les autres étaient aussi dans le goût de leur époque et, qui sait ?, ceux qui ne l’aiment pas aujourd’hui trouveront peut-être un charme fou à cette petite robe…
Ce qui me chiffonne,
c’est plutôt l’imaginaire réducteur qui a été bâti… une parisienne à la mode et
sa petite robe noire. Le concept me semble plein de possibilités amusantes, et
la communication actuelle est exemplaire, mais terriblement formaté et un peu
stérile. Assez gadget. On dirait qu’aucune place n’est laissée à la rêverie
comme c’était le cas avant, avec à chaque fois, une histoire racontée, mais suffisamment
lointaine que pour ne pas enfermer le parfum. Cette Petite Robe me semble si
proche qu’il me semble aussi facile de la rejeter, de me sentir rejeté par
elle, que de l’adopter…
Après tout,
quid de celles qui n’aiment pas le noir ? Qui préfèrent l’élégance en
pantalon ? Qui n’apprécient pas la facilité du cliché ? Qui ne
veulent tout simplement pas d’une petite robe noire dans leur garde-robe ?
Et puis surtout, une robe, c’est quelque chose de transitoire, au-delà de la
mode, c’est quelque chose qu’on aime à remplacer, à jeter. Les couturiers et l’industrie
du vêtement nous ont surtout appris à jeter, à trier et à éliminer tout ce qui
est trop « last season » et ce n’est pas le destin dont on rêve pour
un parfum. C’est pourtant ce qui peut arriver puisqu’il devient un accessoire
comme les autres et non plus une partie de notre imaginaire. Guerlain aura
vendu, mais j’espère que ce n’est pas le destin qui attend ses parfums, tous
les autres pouvant être victimes par contagion…
Votre article est terriblement (dans tous les sens du termes) juste.
RépondreSupprimerÊtre étriqué, plutôt que rêver.
(j'ai éclaté de rire au tag "sucre" !)
Aurélie
Pas de ''ça" pour moi, Le flacon imprimé d'une robe noire ....Je m'y refuse catégoriquement...
RépondreSupprimerJe ne peux pas...Au point d'avoir testé en vitesse, ne m'a laissé aucun souvenir Pour cause de flacon.
Il ne fera jamais partie de ma collection.
Oh, le flacon, ma fois, je le trouve moins réussi que les originaux dont il s'inspire, mais je m'en fiche un peu... Ce qui compte, c'est l'ivresse. (Et là, non, hyperglicémie, mais pas ivresse.)
Supprimer