élitiste


Lorsqu’on est enfant, on se projette dans l’avenir: on imagine ce que seront les choses, le monde et notre vie… on pense à notre métier, notre maison, aux prénoms que nous choisirons pour nos enfants, à la vie que nous aurons et aux vêtements que nous mettrons. L’image est parfois très précise. Et la vie, bien sûr, se charge de nous donner tort et de nous décevoir. S’il est une chose qui ne m’a pas déçu, c’est First : il sent pour moi, ce que j’imaginais que devait sentir un parfum.*

First lancé en 1976 n’est pas vraiment de son époque. Il reprend le canon qui l’a précédé : aldéhydes, bouquet floral riche et abstrait sur fond boisé. Il se démarque par son envolée fraîche, vert, très marquée par le cassis et une surdose d’hédione qui le rend particulièrement aérien et diffusif, le poudré des aldéhydes est atténué et cela évite au parfum d'être daté comme le sont parfois ces créations. First est intensément classique, conservateur. Il y a même une certaine raideur en lui, qui vient peut-être de sa pureté, ce n’est pas un parfum de concession ou de compromis, il sort avec son vison sur le dos (imaginaire, on vous a dit) et ses diamants autour du cou (normal, c’est le premier parfum de joaillier) et il se tient droit. Pourtant, l’effet est nettement moins bourgeois que pour la plupart de ses petits camarades les grands floraux aldéhydés, à côté le N°5 et son énorme jasmin fait  carrément parvenu, First a quelque chose d’altier et un peu sec qui le rend plus princier. Dans le fond, il porte bien son nom, il trouve normal d'être premier partout. First est un élitiste.

First, Jean-Claude Ellena pour Van Cleef & Arpels, 1976.

(Et pour la petite histoire, je vivais dans une famille ou on ne se parfumait pas. Oui, je romps une tradition.)

Commentaires

  1. Hello,

    Oui je suis d'accord, First est élitiste mais il me semble aussi étrangement familier. Peut être justement parce que je l'ai découvert très jeune ? Ou bien parce que c'est Jean-Claude Ellena qui l'a composé, chose que bien sûr je ne savais pas à 10 ans ou à peu près^^. Je ne sais pas mais First a toujours été " là ", présent alors que je ne l'ai quasiment jamais porté !

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    1. Il y a la signature, oui, même si l'auteur semble parfois renier cette oeuvre. (parfois) Et l'age aussi. (Je peux, nous devons avoir quasi le même) qui fait que nous avons été éduqués avec des senteurs de ce genre... Je pensais plus en le trouvant difficile d'accès à la jeune fille qui a grandi en sentant sur sa mère l'eau d'Issey et Angel. La structure complexe et hautaine de First peut lui faire peur tant elle est loin de ses références.

      (Alors que la traversée des années '80 fait que RIEN ne peut nous faire peur!)

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  2. Je ne sais pourquoi, il ne me reste aucun souvenir de lui, comme ces hommes un peu trop convenus dont on attend rien...La sagesse venant et votre joli billet m'y incitant, j'irai humer!

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    1. Le côté convenu est toujours là, mais le fait qu'il soit un survivant dans un paysage dévasté pourrait bien le rendre plus attachant maintenant qu'à l'époque de son lancement...

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  3. La première fois que j'ai humé First j'ai tout de suite pensé, c'est bien du Jean-Claude Ellena, altier certes mais d'une certaine façon une aquarelle. Je pense que JCE a une signature qui devient très évidente pour quiconque puisse sentir l'Eau de Campagne (avant reformulation du 2009-2010) et First. Les parfums suivants signés JCE sont des calligraphies olfactives qui suivent parfois de bien près ces deux premiers chefs-d’œuvre.
    Très Cordialement,
    Sara

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    1. Je le trouve aussi très signé mais je pense qu'il faut pour cela connaître assez bien le travail d'Ellena. Se contenter de le sentir vite à côté d'une hermessence ne permettrait pas de comprendre. Pour moi c'est difficile de juger car j'ai commencer par l'eau de campagne il y a très longtemps ('80) et je connaissait First. Bien avant que les nez ne soit connu, bien avant de JCE ne soit une "star" et j'ai connu son travail par la suite, comme une évolution... Je sais difficilement me rendre compte de ce que ça peut être pour qui découvre l'oeuvre d'un coup sans avoir le temps de se familiarisé avec chaque pièce peu à peu. La pureté, pour moi serait caractéristique comme signature. Je préfère ce terme à celui de minimaliste qu'on lui colle souvent et que je trouve pour ma part terriblement réducteur dans la mesure ou il enfermerait dans une école de façon très réductrice alors que justement, le talent d'Ellena est aussi de pouvoir lancer des colognes fraîches et austères et un grand floral féminin luxueux avec le même bonheur.

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