Entre le santal et moi, on ne pourrait parler de longue liaison. Oh, je ne joue pas les vierges effarouchées, disons que mes épousailles avec le santal blanc de Serge Lutens, merveilleux santal lacté que le cumin fondait sur la peau, se sont très vite plutôt mal terminées, me laissant dans le rôle de la veuve éplorée à sa disparition. Mais, le temps ayant fait son œuvre, je quitte ce qui n’était déjà plus qu’un fort petit deuil, le noir ne m’allant pas au teint, et recommence à envisager un futur avec le santal. Il y a notamment eu le fond de fleur cachée,Anatole Lebreton, qui m’a rendu le goût du flirt et, un santal menant à l’autre j’ai envisagé une situation plus nette, plus franche et me suis dit que je pouvais m’afficher publiquement en Santal Majuscule.
A vrai dire, il m’a courtisé avec beaucoup d’insistance, le Palais Royal m’envoyant presque systématiquement miniatures et échantillons de celui auquel elle avait fermement l’intention de m’unir. J’ai fait ma précieuse, ma difficile. J’ai refusé, dit non, le repoussant sans cesse au motif que, non, il n’était pas santal blanc et que je ne voulais pas faire l’honneur à Serge Lutens qui m’avait trahi de mes secondes noces. Mais je suis terriblement faible et santal majuscule est terriblement séduisant, j’ai peu à peu fini par être obsédé par lui, y pensant sans cesse, le désirant avec l’ardeur de la cousine Bette pour son sculpteur polonais.
Ce serait mentir que de faire de lui un simple santal, il vaut mieux que ça. Serge Lutens nous a d’ailleurs habitué à mieux que les simples variations autour d’une matière première. Mais le santal règne en maître et domine toute la composition de son aura majestueuse. À vrai dire, il serait plus juste de parler de santal rose tant la reine des fleurs est présente, au point qu’elle éclipse presque le bois.
Le départ est un peu amer, ferait redouter une rose acide, pourtant la fleur se développe, transparente et soyeuse, poudrée par du cacao qui lui confère cette amertume qui lui donne un genre un peu hautainement blasé malgré sa douceur caressante et veloutée. Le santal est perceptible d’entrée de jeu mais un peu en retrait, il se dévoile progressivement et prend sa première place dans ce décor bois de rose quelque peu poussiéreux.
C’est un santal boisé qui ne va pas chercher excessivement du côté laiteux et crémeux de la matière, gardant une certaine raideur, une posture digne, même s’il épouse parfaitement la peau. Le plus surprenant, c’est une note de fruits secs. Vous me direz que Serge Lutens est assez coutumier du fait, mais ici elles tendent à assécher le parfum, à prolonger un peu cette amertume de la rose du cacao. Le parfum est curieusement adulte, méditatif et un peu mélancolique. On dirait que le but était de faire un santal en évitant facile à porter en évitant à tout prix qu’il soit facile. Les pièges de la gourmandise, de la sensualité sont évités. Santal majuscule est beau et bon et cette union sur le tard me comble.
Santal majuscule, Christopher Sheldrake pour Serge Lutens, 2011.
NB : c’est quelques jours après l’avoir porté que je l’aime le plus, en retrouvant sa trace sur les vêtements, les coussins. Il est alors obstinément boisé et sec, mais conserve une douceur d’homme du monde qui sait vous entourer de prévenance sans jamais être pesant.
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