toucher le fond

 


C’est toujours un moment particulier qu’une fin de flacon chez un perfumista. La logique serait de dire qu’un flacon de moins parmi plusieurs centaine passerait inaperçue, qu’un flacon de moins alors que plusieurs identiques attendent dans le placard pour voir enfin la lumière du jour, ce n’est pas une bien grande affaire, et pourtant…


Il y a un certain sentiment de victoire. Finalement, nous avons cette preuve manifeste que nous portons, que nous ne collectionnons pas pour le simple plaisir d’acheter trop et aligner les jus dans nos placards comme autant de cadavres des rêves qu’ils ont suscités en nous, rêves bien alignés et étiquetés dans les jolies petites fioles de verre qui leurs servent de cercueil. Non, non, nous portons, nous continuons de rêver, d’espérer, nous sommes vivants et nos parfums vivent et meurent aussi. Il y a aussi cette petite perspective d’un achat indispensable puisque… Avec une parfaite mauvaise foi dirons ceux qui ne peuvent pas comprendre alors que clairement ces trois flacons achetés la semaine passée n’ont RIEN À VOIR avec ce Monsieur de Givenchy que je viens de terminer, c’est vraiment n’importe quoi ce que vous me dites là !


Il y a de la tristesse aussi. Parce que les prix ont bien augmenté, surtout si la maison a décidé que son vieux fond de catalogue qui se vendait encore un peu à quelques fidèles a atteint le statut de « mythique » qui permet de vendre à des prix délirants un parfum largement rentabilisé. Mais de façon plus générale, la question du remplacement se pose souvent parce qu’il y a dans nos placards et dans les rayonnages des parfumeries quantités de choses similaires avec des variations d’un quart de ton. Pour Monsieur de Givenchy que j’ai pris beaucoup de plaisir à porter, rien ne me force à racheter Monsieur de Givenchy pour rester dans cette belle ambiance, si élégante (selon les normes d’il y a bien longtemps.)




C’était une eau chyprée, d’avant les eaux chyprées. Un parfum qui jouait les fraîches notes de la cologne sur un fond plus tenace de mousses et bois. Ce qui fait son charme, c’est que contrairement aux parfums modernes qui prolongent la fraîcheur à l’infini à grand renforts de muscs blancs un peu trop propres ou de vilains bois ambrés qui pulsent et vous vrillent les naseaux, Monsieur se réchauffait, s’arrondissait doucement. Le parfum n’est pas mémorable en soi mais il est un vestige d’une époque qui suivait les lois de la nature qui veut que la fraîcheur ne dure qu’un instant, ce qui donne une certaine profondeur au parfum, une petite nostalgie, un air de fête qui ne peut pas durer.


Mais c’est une ambiance que je peux facilement retrouver avec d’autres, changer un peu, mais pas trop, parce que c’est toujours bien d’avoir un joli parfum de monsieur distingué dans sa garde-robe, un truc poli et discret qui à la fois est facile à porter et vous place en dehors du game.


Bref, une histoire à suivre.


(Dans le prochain épisode, je termine une tubéreuse complètement hystérique et je vous explique qu'on a toujours besoin d'un parfum pour se mettre à quatre pattes sur la moquette en hurlant prends-moi. Ou peut-être pas?)


x

Commentaires

  1. Ah celui-ci reste vraiment un de mes préférés malgré toutes ses reformulations! Il n'est plus aussi tenace qu'autrefois mais nous donne tout de même cette impression de propreté élégante un peu démodée que j'adore tout au long de la journée. Et sans le fond trop musqué ou trop boisé écoeurant comme vous le dites si bien.
    Je dois dire que le nouveau flacon me plaît plus que celui de votre photo.
    Et pour ce qui est des achats j'essaie toujours d'avoir en réserve quelque flacons des parfums dont je me doute bien qu'ils vont disparaitre...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, il a vraiment de jolies qualités, comme beaucoup de parfums anciens qui étaient lancés parfois sans grande originalité mais toujours avec une attention portée à la qualité et aux finitions. Alors qu'aujourd'hui, on fait beaucoup de lancement, en ajustant un peu le tir avec les flankers en espérant que dans le lot il y en aura au moins l'un ou l'autre qui tombera juste. C'est désolant...

      Supprimer
    2. Je ne sais pas si je me trompe mais il me semble que les parfums anciens, à défaut d'être tous mémorables étaient au moins honorables. Pas sûr que ce soit le cas pour tous les lancements en 2025...

      Supprimer
    3. Certains lancement de 2025 ne seront probablement plus produits avant que l'année se termine. Et on nous dira la bouche en cœur "mais c'était une édition éphémère" alors que nous saurons que c'était juste un lancement pas abouti dont il aurait mieux valu se passer puisque même la marque n'y croyait pas.

      Supprimer
  2. Comme c’est agréable de te lire lorsque tu parles parfum. Belette.

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire