Cette année Zara à 50 ans…




L’enseigne le célèbre et il y a des gens pour s’en réjouir mais ça me désole. Oh, entendons-nous bien, je ne vais pas jouer les prix de vertu n’ayant jamais eu de fast fashion dans ses placards, prétendre que j’ai un comportement responsable et raisonnable. J’ai été et je suis une victime très consentante. Simplement, j’essaye de ne pas me voiler la face. Pas d’analyse pointue de la situation écologique mondiale ici, non, non, non, je vais rester à mon niveau de petit blogueur aigris et râleur parce que c’est ce que je fais de mieux. (Bon, ok, c’est la seule chose que je sache faire.)


On voit partout des articles louangeurs du succès de ce qui est devenu un empire et on parle beaucoup de la démocratisation de la mode que Zara et ses pairs ont rendue accessible à tous. Et… ça m’énerve. Premièrement parce qu’en termes de démocratisation, on oublie un peu vite que si la bonne renouvelle aujourd’hui, grâce à la fast fashion, ce n’est pas parce que ses conditions de vie se sont grandement améliorées, c’est surtout parce que grâce à la mondialisation, elle a pu trouver une main d’œuvre plus pauvre qu’elle à exploiter. Avec ce merveilleux avantage : c’est tellement loin qu’on peut facilement ne pas le voir.


Et puis surtout, ça n’a rien démocratisé du tout. Ça nous a asservis en nous poussant à acheter, à renouveler au nom de la mode et parce que la qualité des vêtements n’autorise pas à les garder longtemps. Ce qui est acceptable pour un occasionnel vêtement de fête, un vêtement d'enfant qui grandira vite, l'est-il pour notre quotidien? Mais Zara a surtout horriblement uniformisé la rue. Elle n’est ni plus à la mode, ni plus élégante.


Le noir est partout. Omniprésent. On tente de nous faire croire que c’est indémodable et flatteur mais… J’avoue que c’est assez flatteur : ça permet de masquer la vilaine matière, bien plus que la couleur, et aussi de dissimuler les économies de coupe ; avec du noir, si ça tire, si ça tombe mal parce qu’on n’a pas fait de pinces, ce qui est compliqué et prend du temps, si on n’a pas respecté le droit-fil, parce que ça coûte trop cher en mètres de tissus, ça se verra beaucoup moins, oui. Et en prime, ça permet de vendre la même chose partout sans tenir compte des goûts du marché, des cultures locales, au nom du chic !


L’autre merveilleuse économie, c’est de nous faire croire que c’est notre corps qui est mal fichu et qui devrait s’adapter au vêtement. Alors qu’une mode bien pensée, comme celle de Cristobal Balenciaga, par exemple, propose des modèles adaptés à tous, des modèles ajustés, taillés, coupés selon le corps et pas des trucs droits destinés à être jolis portés par des mannequins filiformes de 16 ans. Vous me direz qu'en invoquant Cristobal Balenciaga, je mets la barre haut. C'est vrai mais c'est en regardant des vêtements bien construit qu'on comprends ce que c'est que la couture. Pas en contemplant un T-shirt fruit of the loom.


Tout cela est infiniment triste. Je trouve la rue morne et ennuyeuse, plus que jamais. Pas à la mode. La personnalité, l’originalité semblent être portées disparues. On se clone de plus en plus sans aucune fantaisie. Nous sommes de plus en plus mal habillés en achetant de plus en plus, ce qui finit par nous ruiner parce que nous n’investissons plus dans des pièces qui durent. Je ne vois vraiment pas de démocratisation dans tout cela. Je ne pense d’ailleurs pas que la vocation de la mode soit d’être démocratique. Quelque part, la mode est et a toujours été une bonne vieille arnaque, un truc de commerçant roublard pour nous faire acheter ce dont nous n’avions pas envie en nous faisant croire que nous en avons besoin.


Un des bons vieux arguments qu’on nous ressort régulièrement est « mais moi aussi j’ai bien le droit de me faire plaisir ! » et je suis le premier à être d’accord mais qui a vraiment été jamais comblé par un vêtement ? Souvent d’ailleurs, lorsque nous disons ça en rentrant les bras chargés d’une expédition shopping, nous avons déjà d’autres vêtements en tête. Après, nous avons connu pire, bien pire, avec l’ultra-fast fashion. Mais ce n’est pas une raison de nous dire que Zara et consorts, finalement, c’est pas si mal. L’enseigne espagnole a ouvert une voie, nous nous sommes tous précipités et il n’y a vraiment rien à fêter là-dedans.


Pouvons-nous revenir en arrière ? Objectivement, ce serait très difficile, surtout pour les jeunes qui n’ont connu que ça. Et l’argument « mais tu m’as élevé comme ça » est complètement entendable. Mais leur éco-anxiété donne peut-être de l’espoir ? Nous pouvons du moins redécouvrir certains plaisirs, comme celui d’acheter une vraie bonne paire de chaussures, tellement confortables, qui va durer longtemps, réparée régulièrement chez notre cordonnier préféré, et qu’on retrouve avec plaisir de saison en saison comme on retrouve avec plaisir nos vieilles copines, parce qu’elles nous comprennent immédiatement, qu’on sait qu’on peut toujours compter sur elles. Et nous émerveillé de découvrir que, après dix années de bons et loyaux services, l’investissement de départ qui nous faisait si peur, a été largement rentabilisé et que nous faisons en réalité des économies. Oui, c’est vrai, ça implique de ne pas choisir le modèle « à la mode » mais la mode n’est pas vraiment notre amie. Et rien n’empêche de prendre notre couleur préférée. Ni de mettre sur pied, petit à petit, une véritable collection qui nous permettra de toujours porter la bonne chaussure avec le bon vêtement pour la bonne circonstance. Et ça, ce n’est peut-être pas un fashion statement, mais c’est très élégant.


  


 


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Commentaires

  1. Je suis évidement d accord avec toi. J ai travaillé dans une maison luxueuse Jean Paul Gaultier et ce qu’il faut savoir c’est que mise à part la haute couture les autres collections ne sont pas blanches comme neige. Par exemple je me souviens de chemises vendues très cher fabriquées en Inde mais avec la mention Made In Italie parce que les boutons étaient cousu la bas et tout le reste était fabriqué par de la main d’œuvre exploitée des pays pauvres … Et toutes les marques comme Bash, Maje, Darel bien plus chères que Zara fabriquent aux mêmes endroits. Difficile de s’habiller proprement de nos jours mais pas impossible.
    Madame en Pyjama

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    1. Oh, l'hypocrisie du "made in..." je savais. C'est pour ça que je prends surtout le point de vue du consommateur et ce que ça nous fait à nous et pour nous, parce que c'est vraiment compliqué d'avoir une vue d'ensemble. Et même une fabrication (coupe-montage, etc) qui se ferait totalement en Europe ne signifierait pas grand chose, parce que le textile resterait probablement importé, tissé, teint en dehors de nos frontières et sans que nous soyons nécessairement conscient des conditions de travail, de la pollution, etc. Donc je pense que ce que nous pouvons faire, c'est investir dans de la qualité, porter longtemps, recycler et acheter moins… Même si ça ne sauve pas le monde, nous auront déjà été moins victimes du système, nous aurons plus d'argent pour d'autres projets, plus de temps aussi. (Je suis allé dans les magasins il y a peu regarder des vêtements, et je suis encore un peu traumatisé de l'épreuve, je crois.)

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  2. Mon truc pour sortir de ce cercle infernal: j'achète beaucoup moins et en solde des vêtements classiques/basiques de très bonne qualité. Ils restent chers mais finalement moins que des choses bon marché qu'on garde trois mois achetées à profusion. Pas de couleurs qui ne se mélangent avec rien, je les réserve aux accessoires. Ils ne se démodent jamais et ils me durent une éternité. Le dernier pull (cachemire marine) dont je me suis défait était devenu vraiment laid mais il avait 12 ans. Personne n'est démodé avec un kaki ni trop "slim", ni trop "baggy" et une jolie chemise blanche. Pour ce qui est du noir près du visage je déteste: ça donne mauvaise mine à 98% des gens. D'ailleurs Chanel disait que lorsqu'on est fatigués il faut mettre du blanc autour du visage (col qui dépasse d'un pull sombre par ex.).

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    1. Ma passion, ce qui me sauve un peu, c'est le pull marin que j'achète pour qu'il dure parce que c'est de la vraie bonne laine épaisse, pour un vêtement pas très raffiné mais chaud qui va m'accompagner longtemps (à condition que mon poids reste un peu stable) et qui est fort joli et par nécessairement bleu marine avec un chino (généralement beige) un peu plus élégant que le jeans, un peu plus solide. Et sinon: vive la chemise, oui! En blanc ou en bleu ciel parce que ça me va bien au teint, absolument indémodable qu'on ne remplace que quand elle est usée ou qu'elle a rétréci. (Non, je n'ai pas grossi!) Et puis ça va bien avec les carrés de soie qui m'évitent quelques angines. (S'il y en a une qui passe dans Bruxelles, elle est forcément pour moi, je suis fragile du cou.)

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  3. Je trouve ça très difficile de s'habiller éthique/écologique, car comme le montre Madame en Pyjama dans un des commentaires, les marques sont faussement transparentes à ce sujet.
    J'essaie de n'acheter que ce dont j'ai vraiment besoin ou alors un coup de coeur sur un modèle essayé en plus, que j'adore immédiatement (un par an, donc!) et que je sais que je vais porter jusqu'à mort du vêtement. Et si l'envie de faire du shopping devient trop pressante, j'ai la chance d'habiter dans une ville dans laquelle il y a deux très bonnes boutiques de seconde main: il est rare que je trouve quelque chose que j'adore et qui soit aussi à ma taille, mais si c'est le cas, je peux le prendre en me sentant moins coupable. Et sinon, j'ai satisfait mon envie de faire les boutiques.
    Et je suis d'accord avec Dominique, pour des enfants qui grandissent, concrètement, on n'a pas le budget pour renouveler toute leur garde-robe en évitant la fast fashion. Mais maintenant que ma fille a 18 ans et qu'elle se cherche un peu moins au niveau style, quand elle a besoin (pas juste envie) de quelque chose, j'essaie de faire un achat réfléchi avec elle, de prendre le temps de chercher quelque chose qui lui plaît vraiment et qu'elle va mettre et garder longtemps. Elle commence à adhérer à mon principe de "si je n'adore pas, je n'achète pas" qui m'a évité pas mal d'achats inconsidérés.
    Mais la plupart des marques nous poussent à faire le contraire, en ne gardant les collections qu'une quinzaine de jours, ce qui signifie qu'on ne prend pas le temps de réfléchir à l'achat qu'on fait par peur de passer à côté d'une bonne affaire. C'est important de s'en souvenir en allant en magasin il me semble.

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    1. C'est très compliqué, oui. C'est pour ça que je pense que nous devons d'abord faire ce qui est bien pour nous, d'essayer de réfléchir et de sortir du piège de "la pièce qu'il faut absolument avoir " pour trois mois grand maximum" même si ce n'est pas facile et qu'on fait tout pour nous tenter et nous mettre la pression. Je sais que je suis un vrai champion pour m'inventer des excuses et me découvrir des besoins… Mais j'essaye de le garder à l'esprit. Parce que c'est important aussi de ne pas trop culpabiliser et se prendre la tête, juste essayer de faire au mieux. Les envies de faire du shopping, si je cède, je vais plus m'orienter vers les accessoires: un nouveau sac, un carré en soie, quelque chose qui va durer très longtemps et qui n'est pas soumis à la mode même si j'avoue que je change et qu'au cuir plus élégant et solide, je préfère de plus en plus la toile plu légère à transporter même si c'est moins solide et durable. Bien que mes sacs à commission en pliage Longchamp aient plus de 20 ans pour les plus vieux et me semblent increvables alors que je les charge au maximum!

      Le réassort constant, c'est effectivement une façon de nous pousser en disant "si vous attendez ça aura disparu" et une méthode pour nous faire revenir, contrairement aux boutiques d'autrefois on on allait une fois voir, une fois acheter et une fois faire les soldes. Zara et consort, c'est un autre magasin toute les trois semaines donc il ne faut pas laisser passer la chance de trouver le pièce qui sera parfaite pour nous donc il faut y passer au moins une fois par semaine etc. En fait non. Nous n'avons pas besoin d'une troisième petite veste noire avec une subtile différence de coupe qui changerait tout. (Parce qu'en réalité si ça change tout, c'est que ce sera très vite démodé.)

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  4. Vaste sujet très intéressant. J’ai acheté de belles pièces chez de petits créateurs ou de belles maisons, de belles chaussures….je garde mes affaires très très longtemps…je suis soigneuse et j’ai une tenue pour le boulot donc ça s’use moins vite!! J’ai certains vêtements depuis plus de 20ans….Lorsque je suis lassée, je donne ou revends… Avec le temps, j’achète moins et prends le temps de choisir, j’achète en seconde main aussi. Mais ce qui est sûr, c’est que j’aime les imprimés et la couleur!! Belette.

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    1. Et acheter moins avec le temps, je précise pour les plus jeunes, ce n'est pas vieillir, c'est mieux se connaître, savoir ce qu'on aime et ce dont on a besoin... Et c'est une chance! (Et vive la couleur!)

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