lectures

 


Toujours plongé dans les écrits de Madame de Lafayette, je me délecte, enfin, de la princesse de Clèves dont j’ai réalisé que je connaissais par cœur la première phrase « la magnificence et la galanterie n’ont jamais paru en France avec tant d’éclat que dans les dernières années du règne de Henri second. » que je trouve admirable tant en peu de mots elle place directement dans une ambiance de raffinement précieux en donnant tort à ceux qui ne voudrait voir dans ce mouvement que des tournures alambiquées, amphigouriques et ridicules parce qu’il est plus simple de faire référence à deux extraits de Molière destinés à amuser la galerie que de créditer les femmes d’une quelconque valeur intellectuelle.  (Et ce au nom de l’esprit français qui d’après certains se résumerait à la gauloiserie plus ou moins rabelaisienne, mais on permettra au belge que je suis de penser que l’esprit français vaut bien mieux que cela.)



Cependant j’ai fait un détour par la plume de Laure Murat qui m’a ramené chez mon cher Marcel avec Proust, roman familiale, délicieux essai qui est, je le précise, facile à lire. Quand je l’ai mentionné, des réticences, des craintes se sont exprimées face à un ouvrage supposé trop intellectuel, trop compliqué, il n’en est rien, je vous rassure. Certes, le livre est intelligent, mais aussi drôle, émouvant, d’une clarté parfaite. Je pense sincèrement que les œuvres véritablement intelligentes sont accessibles, qu’elles nous entraînent, nous élèvent et que les discours les plus abscons ne le sont que parce que la pensée est confuse, peu logique, qu’elle se dissimule pour nous perdre, tente de nous rabaisser pour s’imposer alors même que plus que boiteuse, elle ne tient pas debout. Le sommet du pire étant les gens qui nous imposent un « vous n’êtes pas en mesure de comprendre mais faites-moi confiance, je sais. » sans plus d’explication. L’argument d’autorité étant je l’avoue totalement inefficace avec moi. (Et pourtant comme je l’ai dit à l’un d’entre vous, je sais pertinemment que je ne suis pas un intellectuel, cela fait bien partie des choses qui ne m’ont jamais été reprochées, et Dieu sait qu’on m’a déjà reproché beaucoup de choses, mais je ne suis quand même point complètement stupide. Fais-je mon précieux en disant cela ? C’est fort possible. Il est vrai que j’adorerais que des spécialistes viennent disserter et m’expliquer les choses dans mon salon, hélas, autre temps, autres mœurs.)

 


Ce Roman familiale, en tous cas, se dévore, on peine à le lâcher, on arrive à la fin avec regret, se promettant de le rouvrir un jour et de retrouver Proust bientôt, alors même que j’avais prévu de ne le point relire cette année,  et son auteure à coup sûr. (Il faudrait juste que j’ai le courage de me rendre à la librairie, mais comme pour les cosmétiques, je tente avant tout de vider mon stock. Au moins un peu. Mais ma wishlist s’allonge, une liste étant somme toute moins impressionnante qu’une étagère qui déborde.) Qu’une livre donne envie de lire et de relire est un excellent critère de qualité à mes yeux.lorsque je tourne la dernière page et n’ai qu’une envie, celle de me précipiter sur une nouvelle lecture, je sais que celle que je viens de terminer était assurément bonne. Laure Murat réussit parfaitement, elle nous pousse aussi à nous interroger sur notre rapport à la vie, à la famille, au milieu, etc, mais aussi et surtout à la lecture. (Et quand une lecture nous permet de nous poser des questions, nous remet en question, nous fait avancer, ne trouvez-vous pas que c’est assurément une bonne et saine lecture ?)

 


À vrai dire, j’ai déjà remis en question mon rapport aux livres en consatatant que j’avais été récemment un gros lecteur, gros lecteur que j’ai toujours été et que je continue à être, avec une moyenne d’un ouvrage lu par semaine. Je ne sais plus exactement quels sont les critères statistiques qui nous mettent dans la catégorie grands lecteurs, mais à chaque occasion où me sont mis des chiffres sous les yeux il m’apparaît comme évident que je remplis les conditions, alors même que je n’ai aucune conscience de lire beaucoup. Au mieux, ma lecture me paraît « normale » mais en ce moment ma pratique de la lecture me frustre. Même si les chiffres démentent -je liste mes lectures par mois, c’est grâce à cela que je connais ma moyenne- j’éprouve ce sentiment de manque, la sensation désagréable de ne pas lire autant que je le pourrais, de céder à la facilité des dramas, de l’hyper connexion, etc. De perdre mon temps d’une certaine façon.

 


Ou plutôt qu’on le perd pour moi et que je subis. Que je ne lis point autant que je le souhaiterais parce que me sont imposées tout un tas d’obligations qui me pèsent horriblement. Combien de fois ne me suis-je pas dit « que de temps perdu alors que j’aurais pu lire ? » C’est d’ailleurs pour ça que j’ai plus ou moins renoncer au sport, rien ne me donne autant la sensation de perdre mon temps à des choses sans intérêt. Il y a aussi le travail bien sûr, même si le mien est utile, mais enfin, il me faut bien dire que je rêve de gagner à la loterie afin de pouvoir dire adieu au labeur, à la sociabilité, de me retirer définitivement dans ma tour d’ivoire avec une pile de livres et qu’on me fiche la paix; conclusion d’un égoïsme certain qui ne fait pas de moi une bonne personne.  Mais enfin, elle n’est pas aussi tyrannique que celle de mes billets parfums « devenir le maître du monde et lui imposer mon goût, mais c’est pour son bien. » Et si je ne suis pas une bonne personne, concluons donc sur une note positive qui est que les livres nous rendent meilleurs ou du moins mettent à jour une moins pire version de nous…

Commentaires

  1. Merci pour ce beau billet littéraire. J'ai lu ce "Proust, roman familial " à sa sortie, j'ai été aussi totalement séduite par la prose de Laure Murat.
    Et comme à chaque fois que je lis sur/ autour de notre cher Marcel, oui la tentation est forte de relire La Recherche. Mais, tant de livres m'attendent encore, je résiste tant bien que mal.
    Si j'arrive à me raisonner facilement pour tout autre achat dans n'importe quel autre domaine, je croule avec délectation, sous mes multiples acquisitions livresques.
    Et même si là encore, je parviens à ne presque jamais me laisser distraire par d'autres occupations pendant mon temps libre qui est consacré presque exclusivement à la lecture, je ne parviens plus du tout à rattraper mon retard.
    Le temps, le temps, cette grande affaire, qu'on voudrait rendre élastique à l'infini pour ce qui nous fait vibrer , et raccourcir impitoyablement pour tout ce qui nous étouffe jour après jour, toutes ces obligations de vie en société.
    Bonne journée à vous.

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    1. Bonjour,

      Crouler sur les livres est très rassurant. Les livres à lire bien visibles sont rassurant, tout comme les livres lus, et jamais je ne pourrai comprendre ces maisons sans livres ou celles qui cachent les livres dans des placards. Enfin, comprendre... Je ne vais même pas essayer, c'est plutôt que je ne pourrai jamais m'y sentir bien. D'ailleurs, plutôt que d'une pièce-bibliothèque, je préfère de plus en plus des étagères à livres dans chaque pièce, à l'exception de la salle de bain, l'humidité n'étant pas bonne pour les livres (dit celui qui a déjà laissé tombé son livre dans son bain mais que celui qui n'a jamais lu dans son bain me jette la première bombe de bain lush.)
      Ce qui me retient d'acheter, c'est que je garde ma wishlist comme idée cadeaux quand on me demande ce que je veux pour mon anniversaire ou Noël puisqu'avec les livres, il y en a vraiment pour tous les prix et l'on peut faire grand plaisir en restant raisonnable.

      Le temps, ennemi assurément et il m'arrive parfois de me réjouir d'une insomnie pour en consacrer un peu à la lecture. Dans le fond, que je dorme mal, c'est un problème de journée...

      Bonne journée et bonne lecture!

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