dérobade

« Entre les troncs, le sol nu de l’hiver s’emplissait d’anémones, de coucous et de violettes, et les rivières, hier encore sombres et vides, de ciel tendre, bleu et vivant qui s’y prélassait jusqu’au fond. »

Marcel Proust, les plaisirs et les jours, promenade, 1896.
après l'ondée, Guerlain

Il est resté un bout de temps dans mon placard. Le temps de m’habituer à lui, de le redécouvrir, mais j’ai fini par le porter: après l’ondée. Pas la version ancienne, à la beauté lancinante et mélancolique que j’ai portée jadis, mais une version actuelle. Je ne sais pas si elle  a été retravaillée récemment, mais je redécouvre ce parfum que je ne reconnaissais plus il y a quelques années et je le trouve plutôt bien, même s’il est modernisé, a perdu ses nuances anisées et son amertume amandée.
après l'ondée, Guerlain

Après l’ondée évoque toujours le végétal, les fleurs, le mimosa surtout, la violette et l’aubépine un peu,  dans un sous-bois humide, une légère brume d’iris enveloppant le tout. Le ciel que l’eau de toilette contemporaine nous laisse découvrir entre les branches nues est d’un bleu pur et clair. Et au moment où je lève les yeux pour le contempler, tombe sur moi une goutte glacée, dernier reste de pluie, heureusement réchauffée par un léger fond ambré. Si l’extrait évoquait l’automne, tout ici évoque le début du printemps, juste au sortir de l’hiver.

Poétique et délicat, jouant sur la demi-teinte, la nuance, presque la grisaille, ce Guerlain est moins poule, moins cocotte que ses frères Shalimar ou l’Heure Bleue, un peu plus aristocratiquement hautain. Il n’est pas facile à porter, son esthétique, impressionniste par certain côté, repose sur le mystère, la dérobade, le charme d’un regard croisé qui se détourne aussitôt pour garder ses secrets et l’époque veut de la surexposition impudique face caméra. Disons que Après l’Ondée est démodé mais qu’il est aussi une façon de faire le tri… (#snobisme)

après l'ondée, Guerlain



Après l’ondé, Jacques Guerlain, 1906.

Commentaires

  1. Bonsoir Dau !
    Merci pour ce billet sur un de mes parfums préférés. Celui-là est dans mon top 5, celui qui fera toujours partie de mon cabinet secret, avec Vol de nuit et Mitsouko. Mon arrière grand-mère portait Mitouko, sa fille, ma grand-mère paternelle, beaucoup moins "pétroleuse" et extravagante que sa mère, préférait Après l'Ondée qui correspondait plus à son caractère introverti, doux et contemplatif. J'ai toujours eu une immense tendresse pour ce parfum qui est pour moi de la poésie sous forme d'effluves. J'adore ce mélange de violette et d' iris, ce châle poudré que je me mets sur les épaules le soir après ma douche, ou les jours tranquilles où je reste chez moi. S'il n'est pas outrancier, tape à l'oeil, j'ai vu le terme "d'aquarelle" pour le définir, sa présence est réelle et dure longtemps sur moi. Un des rares parfums qui me console, me rassure et me rappelle cette grand-mère qui m'a donné le goût de la lecture.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour Cécile,

      Je serait curieux de connaître les deux autres parfums du top 5...
      Je suis content que vous soulignez ça tenue car je trouve aussi qu'il se comporte honorablement de ce point de vue, même si j'entends beaucoup dire qu'il ne tient pas. effectivement, ce n'est pas Shalimar ou Mitsouko, pas plus qu'un parfum moderne rempli de bois ambrés, mais enfin, il tient! Pas trois jour mais qui à besoin que son parfum tienne trois jours?

      Effectivement, ce n'est pas un parfum de pétrole use, c'est certain, mais il y a des jours où on se fatigue d'être une pétrole use et où on a besoin d'un peu de repos, je trouve. Et Après l'Ondée est très apaisant et reposant, à peu près autant qu'une promenade en forte après une séance de karting. ( Comparaison hasardeuse, je n'ai jamais tenté le karting, mais nous nous comprenons ;-)

      à bientôt

      Dau

      Supprimer
    2. Pour répondre à votre question, les 2 autres du top 5 sont Calandre et Diorella...
      Et pour répondre à votre billet précédent sur Saint-Laurent, je me souviens que lorsque j'avais 18 ans, je mettais tout le temps Rive Gauche, mais tout en étant couture, je le trouvais pétillant, un peu effronté même. Alors que maintenant, je ne sens plus ce côté impertinent. Dans le domaine aldéhydes métalliques, je lui préfère largement dorénavant Calandre. C'est étrange comme notre nez évolue en vieillissant!

      Supprimer
    3. Oh, j'adore!
      Je comprends parfaitement le passage de Rive Gauche à Calandre, plus cinglant et vert. C'est juste que Calandre est devenu bien difficile à trouver... Il s'est moins embourgeoisé que Rive Gauche qui s'est effectivement assagi, même si je le trouve encore assez cool. Mais cool, ce n'est pas impertinent non plus. ;-)

      (Et sinon, nous n'avons pas vieilli du tout. Nous sommes juste jeunes depuis un peu plus longtemps.)

      Supprimer
  2. Bonjour Dau,
    Pour Après l'Ondée je l'ai en trois version différentes ( des cadeaux)
    -Le plus ancien dans le flacon Marie Antoinette Le plus anisé irisé , mimosa, et violette des trois
    -Un vaporisateur rechargeable tous les ingrédients y sont mais en version très "éthérée"
    -Un flacon abeille vapo ( 2014) qui pour moi est juste "une évocation de ce que fut "Après l'Ondée
    c'est plus une "Eau " ( ni Cologne ni toilette) qui tient peu , bref on en remet ....
    Il m'arrive d'utiliser l'extrait (N°1) aux points de pulsation et de vaporiser le N°3 sur mes vêtements.

    Attention ne jamais oublier pour les flacons à bouchon émerisé de remettre une couche de film étirable pour éviter toute évaporation ( C'est efficace) Je crois que je l' avais déjà évoqué sur votre blog.)

    A bientôt...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Hélas,
      Mon flacon d'extrait est mort depuis bien longtemps...
      Mais enfin, je suis un peu réconcilié avec la version actuelle et je vais arrêter de me plaindre. (Faut plus que j'y pense, c'est trop triste.)

      Supprimer

Enregistrer un commentaire