clandestine

"Rien ne lasse moins que cette transposition en saveur, de la couleur d’un fruit, lequel cuit semble rétrograder vers la saison des fleurs."

Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, le côté de Guermantes, 1921.
Le plaisir d’un vintage, en dehors de la beauté intrinsèque du parfum, réside aussi dans le décalage qu’il instaure entre nous et notre époque. Mais il arrive parfois que ce plaisir manque à l’appel. Je me suis procuré un flacon de Clandestine de Guy Laroche par pure nostalgie. Je me souviens de sa sortie, je me souviens l’avoir aimé. L'époque ne m'a pas forcément laissé de bon souvenir, mais le parfum ou!

Clandestine reprend un schéma classique des années ’80 : des notes fruitées, des fleurs blanches, un fond ambré. Le départ fruité est liquoreux, il évoque un alcool à la griotte, passablement sucré, une douceur pour dame plus très jeune, potelée, qui picole l’après-midi avec ses copines en jouant au bridge. Les fleurs blanches forment le bouquet classique, très saturé de l’époque ; une, saturation un peu gourmande qui fait penser au nectar et au miel plutôt qu’aux pétales délicats.  Si en plus je dis que le tout se pose sur un fond ambré vanillé, vous comprendrez peut-être pourquoi j’ai assez peu de dépaysement : c’est encore très actuel, très portable. Là ou des parfums mieux travaillés, plus catégoriques, semblent démodé, Clandestine qui pouvait faire figure d’épouvantail dans les années ’90, ne choque plus de nos jour. 

Certes, le parfum et ses rondeur évoque plus la grand-mère que la jeunesse, cela reste très classique, trop, mais c’est une grand –mère très jeune, très à la page, qui encanaille sa petite-fille en petite robe noire, dans un grand éclat de rire. A-t’elle eut un passé de vamp, celui que son nom semble faire miroiter, plein de mystère ? Peut-être. Disons qu’elle a eu un passé et qu’elle a su s’amuser. C’est peut-être ça qui manque à sa petite fille. ?

Clandestine, Daniel Moliere pour Guy Laroche, 1986.

(En dépit de la couleur du jus qui a foncé, le parfum n'est pas particulièrement abîmé et reste fidèle à mon souvenir, simplement plus dense et plus fermé, les notes semblent plus soudées. Mais le parfum était déjà relativement compact à l'origine, Poison avait appris à faire aimer les monolithes.)

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