ma vie de grand sensible

« Elle trouvait à M.  de Charlus des délicatesses, une sensibilité féminines. »

Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, à l’ombre des jeunes filles en fleurs, 1919.
Comme toutes les histoires, celle-ci commence en enfance. J’ai fait ma première réaction allergique à l’âge où on apprend à lire. Dieu sait où j’avais été mettre mes mains, ce que j’avais touché, avec quoi j’avais joué, mais elles se sont couvertes d’eczéma.  C’était atroce parce que ça démangeait, j’aurais pu me gratter jusqu’au sang. D’ailleurs, longtemps, la nuit, j’ai rêvé que je me grattais à m’en arracher la peau. C’était aussi et surtout très embarrassant socialement. Je suis devenu le lépreux, l’enfant auquel on ne voulait pas donner la main, celui qui devait marcher seul derrière les autres lorsqu’on formait les rangs pour sortir de l’école. (C’est maintenant que je peux le dire : si vous trouver que les blogs ayant pour thème la jolie peau sont une monstruosité frivole et futile, je vous emmerde. Ça, c’est dit, même si je dois bien avouer qu’à l’époque j’étais déjà fort peu porté  sur les contacts sociaux et que ça ne m’a pas dérangé outre mesure. Je m’amusais beaucoup plus avec les livres qu’avec les enfants de mon âge.  Il y a eu peu après le moment de la première communion et le cadeau traditionnel : la montre. La mode était aux bracelets en métal, il va de soi que je ne l’ai pas supporté et que j’ai fait une vilaine réaction. Pour les gens dans mon cas, Swatch s’est révélé une bénédiction avec ses bracelets et ses boîtiers en plastique. Même si c’est encore mieux maintenant que nous avons tous un téléphone intelligent qui nous donne l’heure. Sinon, au cas où ça vous intéresserait de me couvrir de cadeaux, je supporte très bien l’or et les diamants.

Le grand moment de la découverte de la peau, comme pour beaucoup, ce fut l’adolescence. Les problèmes poussent à s’intéresser à des choses auxquelles on n’avait jamais prêté attention parce qu’on les tenait pour acquises. C’est l’acné qui a déclenché ma passion pour les cosmétiques. 30 ans après, je peux déprimer en pensant aux sommes dépensées et me réjouir en me regardant dans le miroir et en me disant que tout ça n’a pas été en vain. (Peut-être que j’aurais exactement la même tête si je n’avais fait attention à rien, mais cette pensée est beaucoup trop mauvaise pour ma santé mentale !) Dans les années ’80, pour les boutons des adolescents, on pratiquait la cruauté en décapant au possible. Je ne sais pas trop ce qui se fait maintenant, j’espère que ça s’est un peu calmé mais je sais qu’on veut des résultats vite et ça pousse aux conneries. À l’époque, le conseil était plus ou moins qu’une peau grasse, acnéique, c’était une peau sale et qu’il fallait nettoyer mieux mieux, purifier, décaper.

Dans le luxe et la grande distribution, c’était pareil, de l’agression. Et quand la peau réagissait en s’emballant, on vous disait d’y aller plus fort, c’est que vous n’aviez pas purifié assez. « Nettoyez et gommez ! En dehors de ça, point de salut. » Les champions, c’était probablement la marque Clinique avec son abominable programme en trois étapes auquel il était recommandé un gommage. Le savon et la lotion était un excellent moyen de se flinguer la peau en l’agressant. Mais c’est le gommage 7 day scrub cream qui m’a fait réaliser que je faisais fausse route : il était recommandé pour une utilisation quotidienne et, même à 16 ans (et pourtant à cet âge on est con parce qu’on y connaît rien et qu’on est désespéré!), je me suis rendu compte que j’allais finir par avoir besoin d’une greffe de peau après un mois si j’utilisais vraiment ça tous les jours…

J’ai réalisé que ma peau était irritée, réactive et que je devais la soigner autrement. Je suis allé vers les lignes peaux sensibles. Curieusement, à l’époque, ça allait de pair avec sèches. Les peaux sensibles ne pouvaient que manquer de gras, les peaux normales ou grasses n’avaient pas à être réactives. C’était peut-être juste parce qu’on avait rien trouvé d’autre à l’époque pour les soigner. Je vous rappelle que c’était le temps où on commençait tout juste à faire pénétrer un peu les actifs en profondeur. (Dior et ses liposomes, vous vous souvenez, les anciens combattants?) Ça m’a permis de me rendre compte que ma peau aimait le gras. Oui, je brille, mais j’ai le teint plus frais et la peau plus confortable avec un produit un peu trop riche, par contre je n’ai pas de boutons où les pores dilatés, donc je fais avec.

C’est aussi à cette époque aussi que j’ai découvert que je ne supportais pas les filtres solaires minéraux. Exactement comme je ne supporte pas le métal contre ma peau. Pourtant, on dit que ce n’est pas allergisant, puisque ça ne pénètre pas. Je l’ai découvert en utilisant des produits solaires de marques orientée « peaux allergiques et sensibles. » Sauf que l’allergie peut se faire à n’importe quelle molécule et qu’aucune marque ne peut se vanter d’être vraiment antiallergique, d’être complètement sûre. La seule chose à faire, c’est de lire les étiquettes et de chercher les points communs entre les produits qui ont provoqué des réactions. Remarquez qu’on prend vite le pli et qu’on finit par savoir aussi ce qui nous fait vraiment du bien. C’est encore mieux qu’éviter ce qui nous fait du mal. Les marques spécialisées, c’est plus simple parce qu’en général les listes d’ingrédients sont plus courtes (Sinon, ce sont surtout les débuts de formules qu’il faut regarder et comparer.) et il n’y a pas de parfum. Sauf que je supporte très bien les produits parfumés, ce n’est jamais ça qui m’a causé des réactions. Mais en parfumerie, on continuera à vous dire que le parfum dans les crèmes, c’est la principale cause d’allergie, et on vous orientera vers Clinique. (Pire marque ever pour moi, mais ça les vendeuses n’en ont rien à foutre, il est écrit sur la boîte que c’est hypoallergénique, que je ne vienne pas les embêter avec mes problèmes…) 

J’ai commencé à faire très attention quand les problèmes sont arrivés avec les solaires. J’ai recherché la douceur et me suis limité à des gestes de bases : nettoyer (démaquiller surtout) en DOUCEUR et hydrater beaucoup beaucoup. Il parait que certains ont des problèmes de peau trop hydratée, voilà quelque chose qui ne m’a jamais concerné. J’ai essayé d’être un peu constant aussi. Pas de ne pas changer, de ne pas essayer, mais jamais plus d’une nouveauté à la fois. Depuis des années, j’essaye de regarder, d’écouter ma peau. Parce qu’elle ne rentre pas dans le cadre qu’on veut lui imposer. Oui, elle est normale-mixte, mais elle préfère souvent ce qui est pour peau sèche. Elle est heureuse quand elle brille et je n’essaye pas de la contrarier et tant pis pour les marques et les conseillères qui m’assurent que, si, si... Le sommet du pire restant celle qui m’assure que le gommage, super doux… "Madame, c’est NON ! Même sur le corps, oui, c’est non."

Dans le fond, être bien dans sa peau, c'est facile, ça ne demande qu'un peu de temps et d'attention. Et l'égoïsme de n'écouter que soi. Ni les marques, ni les conseillères, ni les blogueurs. Ni même un dermato. D'ailleurs, si c'est gens-là font bien leur boulot, ils vous écoutent. Est-ce que vous vous écoutez? (Oui, cette question est culpabilisante parce qu'on nous a toujours appris que s'écouter, c'était mal. Sauf que non. Pour trouver des solutions, il faut s'écouter. Et agir.)



Commentaires

  1. Bonjour Dau. Merci pour ce partage de ''vécu''. Nous sommes nombreux comme vous à nous battre contre l'hypersensibilité de notre peau depuis toujours et votre témoignage et réconfortant (on se sent si seuls parfois devant son miroir). Je déteste également la marque Clinique. Son packaging est laid en plus! Cet hiver, j'ai découvert un nouveau produit mis sur pied par une petite start up américaine : http://aobiome.com
    Il s'agit d'un petit vaporisateur de 100 ml contenant des bactéries vivantes qui vont coloniser la peau de ''bonnes bactéries". Tout le contraire des gommages horribles qui tuent ces bonnes bactéries. C'est très simple et d'une relative efficacité. Un coup d'oeil au site ne va pas nécessairement convaincre et je n'oserais pas dire que c'est révolutionnaires, mais la peau finit par s'améliorer avec le temps. J'ai trouvé une nette différence dans les premières semaines (effet placébo), mais avec le temps les progrès se ''stabilisent". Mais je crois que je n'utilisais pas le produit tout à fait comme recommandé. Par contre, si on parcoure le Web on recueille des témoignages convaincants... À suivre donc!

    Bonne soirée!

    Sophie

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