arrêt d'autobus

"D’ailleurs les Verdurin, par le progrès fatal de l’esthétisme, qui finit par se manger la queue, disaient ne pas pouvoir supporter le modern style ni les appartements blancs et n’aimaient plus que les vieux meubles français dans un décor sombre."

Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, Albertine disparue, 1923.


Le flacon d’Empreinte était à la fois futuriste et très à la mode de son époque (1971), il s’est démodé assez rapidement faisant beaucoup trop années’70 pour la décennie suivante. Aujourd’hui, il est à peine rétro, il semble juste sobre et moderne. Si je commence par le flacon, c’est parce que le jus me fait le même effet… à la fois très moderne ’70, classique et actuel encore aujourd’hui.

C’est un chypre, on ne s’y trompe pas. Il a ce départ peu sympathique qui mêle aldéhydes, une note un peu pêche, et végétaux amers plus que vert sur un fond sombre et dur. On ferait presque la grimace. On, quand on est un peu averti, on soupire d’aise en se disant que cela va nous procurer bien du plaisir en évoluant. Le bouquet traditionnel est là, rose et jasmin,  mais discret, ce n’est à mon sens pas le genre de parfum qu’on porte parce qu’on aime les fleurs même si certains veulent y voir un chypre floral. C’est le fond qui est intéressant. Fond intéressant MAIS très changeant. Suivant les jours, les supports, j’ai eu des sensations passablement différentes .C’est avant tout un cuir, un cuir de sac à main chic, pas de besace hippie, chaud, enveloppant et confortable. (Un cuir IBQ moderne, pas un cuir de Russie à l’ancienne) Parfois, c’est un patchouli, raide. Parfois, de la mousse mordorée comme un pelage d’animal bien lustré. N’oublions pas l’indispensable, discrète, petite note un peu sale, un peu animale qui fait qu’il y a de la vie dans le parfum…

Le parfum ne m’a pas semblé vieilli ou démodé. En dépit de certains aspects chyprés passés de mode, le côté très cuir l’apparente à pas mal de sorties « mono matières » de niche récentes, il ne colle pas à l’époque, à ce qui se fait de nos jours pour vendre, mais on se l’approprie assez facilement, bien plus que d’autres parfums de la même catégorie plus connoté « bourgeoisie élégante. » Je ne vais pas aller jusqu’à dire qu’il fait Rock’ n Roll non plus. Mais si vous voulez vraiment savoir ce que j’ai ressenti en le portant, c’est assez simple, j’ai pensé à la dernière scène de Bus Stop. Marilyn a été passablement hystérique dans sa petite blouse en dentelle, elle est sortie dans le froid et la neige, Don Murray la rejoint, lui met son blouson en mouton retourné sur les épaules et il y a ce plan où Marilyn resserre la veste autour d’elle, où on lit sur son visage qu’elle se sent enfin bien, au chaud, en sécurité. Pour moi, Empreinte, c’est ce plan précis. Et ce genre de sensation, c’est intemporel.


Peut-être pas indispensable, mais fait rudement du bien.

Empreinte, Robert Gonnon pour Courrèges, 1971.

Commentaires

  1. Bonjour Dau,

    Il faut que je teste à nouveau après pas mal d'années, je suis très intéressée par ce fond très changeant mais enveloppant qui fait rudement du bien, je crois voir dans cette description le Chypre tel qu'il est avec un C majuscule, c'est à dire un départ dérangeant, peu sympathique, puis un bouquet et finalement la partie la plus intéressante le fond qui fait oublier le froid dehors et qui réchauffe.
    Au fur et à mesure que les ans se passent je reviens de plus en plus vers le Chypre, la mousse, le patchouli, le sous-bois.

    A très bientôt!
    Sara

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  2. Bonjours Sara!

    Pour le coup, oui, on a le départ typique du chypre un peu raide et antipathique. Dommage que la raideur ne dure pas d'ailleurs... J'ai fini par aimer ça!

    à bientôt

    Dau

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