troubles

"Elles vous plaisent ? Dame, ça dépend. C’est tout à fait les petites oies blanches. Ça a peut-être son charme. Si vous aimez les petites oies blanches, vous êtes servi à souhait."


Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, à l’ombre des jeunes filles en fleurs, 1919.

Anaïs Anaïs, c'est l'éternelle jeune fille en fleurs faite parfum dans l'esprit de toute une génération. C'est aussi un coup marketing parfaitement réussi. Inspiré du système Charlie de Revlon, Anaïs Anaïs a proposé un univers, a usé des codes du luxe sans pour autant jouer les inaccessibles.

Cacharel existait en vendait des chemisiers en Liberty grâce aux photos de Sarah Moon aux jeunes filles éprises d'esprit rétro. Le parfum allait viser la même clientèle avec la même photographe, un flacon d'opaline à l'ancienne et une étiquette à fleurs imaginaires.

Le jus? Un départ vert qui laisse apparaître des lys soutenus par une base très vétiver. Une fausse fraîcheur qui allait tromper les aînés désireux d'offrir un premier parfum à leur petite chérie. Parce que les fleurs ont plus de caractère qu'on ne le croit au départ. Elles traînent longtemps sur la peau, se révèlent plus sensuelles qu'innocentes. Oubliée la fraîcheur verte des premières notes. Certes Anaïs Anaïs n'est pas un parfum de vamp mais ses tonalités chairs se montrent troublantes.

S'il est une jeune fille, ce parfum pourrait être Mademoiselle de Volange, l’oie blanche des liaisons dangereuses qui ne voit pas de mal à aimer Danceny et pas de vice à prendre des leçons d'amour avec Valmont. Le tout dans les dentelles et sous le regard d'une mère qui ne soupçonne rien, ne devine rien.

La version actuelle (l’originale, hum…) est liftée et pas en mieux, pour ne pas changer, mais je trouve que le sillage est encore reconnaissable. Ou peut-être que je vieillis et que je me dis qu’un parfum reconnaissable  dans une version encore jolie est tout à fait acceptable ? Je lui trouve toujours le même charme trompeur. Oui, il a des défauts, il fait un peu salle de bain, odeur fonctionnelle, il évoque les shampoings de cette époque qui l’a vu naître, mais c’est un petit charme en plus, une petite nostalgie qui lui va bien. Il est de toute façon beaucoup plus fin que ce qui est vendu de nos jours aux jeunes filles. Et aux moins jeunes. D’autant qu’Anaïs Anaïs avait le bon goût de s’inspirer du luxe mais d’être vendu à un tarif relativement démocratique. Je l’aime en parfum du soir. Il va si bien à l’oreiller blanc, aux rêves troublants. 

Anaïs Anaïs, Paul Léger, Raymond Chaillan, Robert Gonnon et Roger Pellegrino pour Cacharel, 1978.

Commentaires

  1. Bonjour Dau,
    Hier soir après avoir lu ce dossier j'ai testé Anaïs Anaïs à nouveau et je dois dire que je l'aime toujours même reformulé. Sur ma peau ce sont les notes florales vertes qui persistent heureusement. Je me rappelle qu'à l'époque les gens aimaient ou carrément détestaient ce que je trouve choquant encore aujourd'hui.
    D'une certaine façon il me rappelle Narciso le dernier Narciso Rodriguez mais je n'arrive pas à savoir pourquoi. Peut-être cette tendresse trompeuse, pas si jeune que ça, troublant dans une fausse ingénuité?
    Très cordialement,
    Sara

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    1. Ah, je suis content qu'il vous plaise encore. Je ne suis donc pas à côté du truc. Sur moi, il est très vert également, mais j'ai apparemment tendance à bien fixer les notes vertes. (à ma plus grande joie.) Je dois avoir de la chance, je n'ai jamais rencontré quelqu'un qui détestait Anaïs Anaïs. Ou qui ose me le dire en face. ;-)

      Je n'aurais pas pensé à Narciso, mais oui, je vois tout à fait: le même genre de sensualité trompeuse, troublante, très blanche colombe.

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    2. Si moi ! Dieu que j'ai détesté ce parfum, que toutes les filles de mon collège et lycée mettaient, qui se la jouaient "David Hamilton" nunuche évaporée mais suffisamment garces pour m'en faire voir de toutes les couleurs. Pour moi, il sentait le vert acide. Il faut dire que je débarquais au collège parfumée à Coriandre ou à Rive Gauche.... D'après ce que j'ai compris, la reformulation l'a fait viré en hygiéniste gel douche artificiel, tout ce que je déteste (avec l'overdose de glucose, les deux extrêmes). La seule chose que j'aimais dans Cacharel, ce sont les photos de Sarah Moon... Donc je pense que Narcisso ne va pas être ma tasse de thé....
      Bien à vous

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    3. On est bien dans le double jeu nunuche mais garce, donc? Oui, c'est un parfum qui trompe son monde, un peu menteur. et d'avoir été tellement porté, il peut être lié à toutes sortes de souvenirs. Dieu merci, les jeunes filles qui le portaient autour de moi n'était pas des garces. Je me souvient particulièrement d'une, assez garçonnière, sur laquelle il surprenait, en apportant quelque chose de si typiquement "girly" alors qu'on ne s'y attendait pas...
      Narciso, c'est vraiment autre chose au point de vue construction, mais effectivement, il peut paraître un peu hygièniste. Par contre zéro vert acide, c'est garanti!

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  2. Il faudrait que je le sente à nouveau parce que moi aussi il ne me plaisait guère dans ces moments de popularité. Pourtant, la pyramide contient plusieurs composantes que j'aime habituellement (jacinthe, lys, muguet, rose, jasmin, oeillet, iris...) mais reste à revoir l'ensemble. Ce n'était pas de la détestation, mais aucun Cacharel ne m'a touché. Je crois que Loulou me "tapait" davantage sur les nerfs, une amie en raffolait et je ne comprenais vraiment pas pourquoi. À cette période je portais Ivoire, ce n'était disons pas tout à fait le même genre.

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    1. Cacharel n'a jamais visé au grand art, plutôt au chouette truc à porter parce que c'est beau et bien fait, mais rien de plus. Honnêtement, si on n'a pas d'attache sentimentale à Anaïs, je ne pense pas que ça vaille la peine d'insister parce qu'il n'a objectivement rien de merveilleux qu'il faudrait chercher à comprendre... Je ne l'envisage pas comme une oeuvre à comprendre, il est du côté du produit plaisir, un peu facile. Pour moi, c'est un bon début parce qu'il est bien fait et qu'on entre facilement dans son univers qui à du charme, mais quand on est passé à quelque chose de plus complexe, on doit le trouver un peu creux, un peu hygiéniste. Je ne crois pas que je l'aimerais vraiment s'il n'était pas lié à des souvenirs, agréables, à des gens qui le portaient à l'époque de son succès. Mais peut-être le souvenir de l'amie qui en raffolait resurgira t'il?

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