DILF*

« J’eus pourtant les premières secondes quelque peine à capter son attention, car les papilles du nez frétillantes ; les narines dilatée, il faisait face de tous côtés… »
Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, Sodome et Gomorrhe, 1921.

un homme idéal à mes pieds
L’Homme Idéal est une créature marketing. Le concept assez fourre-tout pour être sans intérêt et prétentieux, autant que celui de la Petite Robe Noire, et l’humour déployé dans la com. ne suffit plus à masquer le besoin de faire un bestseller, les ficelles sont trop grosses, trop déjà vues.  Le brief peut aisément être imaginé : « faites-nous une compilation de ce qui marche, un mix entre Bleu (toujours copier Chanel, c’est toujours bien Chanel.), Invictus et One Million ! » Pauvres créatifs ! Et pauvres de nous.

De fait, le départ de cet Homme Idéal est une abomination : une fougère lavandée cheap qui sent la virilité à plein nez à mi-chemin entre le bogosse de banlieue défavorisée qui se gratte l’entre-jambe et le char cuir de la gay pride avec paquet exhibé plus que caché sous le jockstrap. Ce n’est même pas drôle.  Un peu pathétique. Mais le marketing, visiblement dépourvu de tout sens esthétique doit être content…

Et puis, miracle, les créatifs ont dû avoir un peu la paix. Après tout, pourquoi se soucier du reste puisque seules les notes de tête sont décisives pour l’achat ? Et L’homme Idéal peut enfin révéler  savraie nature de nounours, certes poilu, mais tout doux. C’est un DILF* qui vient d’enfiler son tablier sur son jeans et vous prépare un cake cerise confite-amande pour vous consoler de tous vos maux. (Et pourquoi pas ? Après tout, le vieux beau en Habit Rouge cachait bien des petits beurres sous sa veste d’équitation !) C’est confortable et dodu, on a envie de s’y lover, de s’y prélasser pour un long après-midi à se faire dorloter : l’Homme Idéal n’est pas mon genre, mais je ne déteste pas flirter avec de temps en temps.

Ça n’a l’air de rien, ça a l’air facile, juste une gourmandise de plus, bien dans l’air du temps, mais l’excès de glucose est évité, le dessert est parfaitement réussi. Ça fait plaisir de voir que le parfum n’est pas qu’une affaire de marketing et que les nez arrivent encore à faire passer des choses, quasiment entre les maille du filet. Ça doit leur demander du talent et de l’abnégation. Et ça se passe chez Guerlain, une maison qui a encore des créateurs attachés. Y a-t’ il de l’espoir pour les marques qui font appel à des mercenaires ? Peut-on encore prendre des risques aujourd’hui ou doit-on juste espérer que les compteurs de gros sous, les obsédés des chiffres, laissent de temps en temps passer quelque chose d’un peu joli ? Ne peut-on pas espérer mieux?

L’Homme Idéal, Thierry Wasser pour Guerlain, 2014.

*dad I'd like to fuck

Commentaires

  1. "L'homme Idéal" serait-il beau malgré le marketing? Ils ont bien fait chez Guerlain de contenter les chercheurs de sous avec des notes de tête vulgaires, le vrai jus se dégage après et c'est finalement celui qui compte.
    Très cordialement,
    Sara

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    1. Beau? Je ne sais pas, la tête est vraiment trop vilaine pour que je puisse le trouver beau. Mais un parfum confortable et plaisant, oui, certainement. À l'intérieur d'un carcan étroit, le parfum s'en sort plutôt bien et on a du plaisir à le porter et surtout à sentir son sillage que j'aime vraiment beaucoup. Le fond pourrait être un peu moins bois ambrés, mais il n'arrive que sur touche, bien longtemps après l'heure de la douche pour ce qui est un vrai porté su peau, donc je ne vais pas me plaindre de quelque chose que je n'aurai jamais l'occasion de sentir en vrai.
      Le souci, c'est que le parfum est un peu entre deux et qu'il ne plaira peut-être pas aux amateurs à cause de ces concessions. Ce serait bête. On ne peut pas demander à une marque de se tirer une balle dans le pied, il faut des concessions et celles-ci sont plutôt réussies, effectivement.

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