plaisir

Un plaisir délicieux m'avait envahi...

Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, du côté de chez Swann, 1913.

Régulièrement, les Cassandres parfumées se plaisent à annoncer que Jean-Claude Ellena est fini, qu’il ne commet que redites, que la création est tarie, que son temps chez Hermès est passé… Preuve s’il en est que l’homme a marqué son époque. Et tout aussi régulièrement, une nouvelle création nous enchante, nous ébloui, comme peu d’autre le font, sans crier gare, là où on ne s’y attendait pas. Qui aurait misé sur les deux nouvelles eaux l’an passé ? Pourtant, la poésie nous a saisi et nous a emportés, en faisant un vrai succès. Cette année, les Cassandres raillaient un nouveau flanker Hermès, trouvant qu’on tirait un peu trop sur la ficelle du succès…

Eau Très Fraîche. Une évidence. Dès qu’on le sent, un réflexe immédiat : je le veux ! Ce parfum présente le départ le plus jouissif de la parfumerie depuis bien longtemps, une irrésistible explosion d’agrumes, bigarade et orange amère qui fait presque saliver quand on la sent… Une note marine, transparente, discrète, perceptible parce qu’on a appris à la redouter depuis les années ’90, prolonge la fraîcheur sur la base cèdre de Terre. À sa place, maîtrisée, cette note marine se révèle étonnamment juste, apportant un bel équilibre.

Les esprits chagrins diront que certaines notes rappellent d’autres parfums, qu’Ellena recycle. Oui, c’est aussi et surtout une signature, ça, être reconnaissable. Ou ils se gausseront du jeune cadre dynamique de Terre qui part en vacances. Quand le seul reproche que certains puissent objectivement faire à un parfum est qu’il soit beaucoup (trop ?) porté, c’est probablement que le parfum est bon. Oui, Terre est un énorme succès, oui, il est l’étendard olfactif des cols blancs. Après les Jardins, il a définitivement remis Hermès, maison un peu assoupie sur ses classiques, dans la course. C’est surtout un incontestable classique, l’un des rares qui se soit détaché du lot, qui ai trouvé sa propre place dans le monde moderne sans être à la mode, ce qui lui évitera peut-être la démode.


Et les esprits pas chagrin, dont je fais, pour une fois, partie , ne réfléchiront pas, ils porteront l’Eau Très Fraîche et jouiront de chaque seconde, parce que le parfum est aussi du plaisir, du vrai, celui d’une bonne surprise, d’un coup de cœur, d’un moment de joie. Et le nouvel avatar de Terre procure tout cela. Alors, le reste, on s’en fiche un peu. En tous cas, moi, je savoure mon cocktail d’été. Parce que le parfum, ce n’est pas (pas que?) se prendre la tête, des idées, des concepts... Le parfum, c’est du PLAISIR !

Commentaires

  1. Invictus et autres sirops sont beaucoup ou plutôt massivement portés et ils ne sont pas très "bons" pour autant !!

    Il en va (presque) de même pour cette Eau Très Fraîche, qui l'est effectivement durant 20 à 30 minutes avant de sombrer dans une odeur statique sans vie allant decrescendo, plutôt de longue durée, tenace, coriace même, dont personnellement j'aime à me débarrasser. On passe en effet très vite du plaisir à de longs regrets.

    Car évidemment, je ne porte des parfums que pour mon PLAISIR, pas pour me faire chier ! Étrange d'ailleurs que la notion de plaisir soit souvent associée aux agrumes scintillants (puis ici à une soupe semi-synthétique statique qui pue l'huitre et la mer – avec "une base cèdre" qui pue un peu elle aussi).

    L'Eau d'Orange Verte (même maison...) m'apporte un plaisir autre ; je la trouve nettement plus fraîche d'ailleurs (en comparaison, Eau Très Fraiche est plutôt Moyennement à Pas Très Fraîche) ; elle disparait presque entièrement au bout d'une heure certes, mais cette heure-là a été un long voyage autrement plus passionnant, plus enivrant, plus "vivifiant", que j'aime à renouveler ou stopper. Tandis qu'avec l'Eau Pas Très Fraîche, il faut vraiment passer à la douche, et employer un bon produit récurant.

    Basiquement, sinon, je crois que chacun trouve son PLAISIR là où il peut. Celui-ci est naturellement construit par un déterminisme social fort et des contraintes économiques non moins puissantes (Invictus sera ainsi porté "avec plaisir" par nombre de personnes).

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    1. Tout d'abord je me dis qu'il faut quand même vous répondre, au minimum recadrer le propos...et puis en fait, es que ça en vaut la peine? Ici ou sur Auparfum c'est toujours les mêmes digressions bileuses sans intérêts que vous régurgitez. Au moins on vous reconnait, vous devriez ouvrir votre propre blog ("Migraine") et promis juré je n'y passerai jamais pour écrire des commentaires pseudo-analytiques et sans logiques...jamais...tout court.

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  2. Effectivement, Invictus et autres ne sont pas bons, mais que viennent-ils faire dans l'histoire? Je souligne juste que Terre est un succès et je m'en réjouis car c'est un beau parfum, je n'insinue pas du tout qu'il est beau parce qu'il a du succès ou quoi que ce soit du genre... Et personellement, j'aime le fond de Terre. Synthétique? Oui, peut-être, mais nous n'arriveront probablement jamais à nous mettre d'accord sur la notion de naturel tant elle diffère de l'un à l'autre. Pour moi, un parfum tombe juste (comme on le dirait d'un vêtement bien coupé) et c'est ça qui en fait le naturel. La note marine, je ne la perçoit que fort peu. Elle pue, l’huître et la mer? Bah, oui, peut-être, mais la puanteur de l'un n'est pas celle de l'autre. L'évocation marine ne me déplait pas, elle m'a lassé, je la trouve surtout trop sentie et utilisée de façon peu intéressante et subtile, mais je ne la déteste pas en soi.

    Sur moi, la fraîcheur de l'Eau Très Fraîche tient bien plus d'une demi-heure, figurez-vous. Question de peau probablement, j'ai remarqué que les agrumes et le vert avait une tenue meilleure sur moi que sur d'autres, ce qui me réjouit car ce sont des notes que j'apprécie.

    Le plaisir n'est pas systématiquement associé aux agrumes, non, mais ce départ vif, c'est une bouffée directe qui ne laisse pas de place à autre chose qu'à la pure sensation, pas le temps d'analyser, de tomber dans la poésie, juste une sensation très physique et très immédiate, euphorisante immédiatement. Certes, il y a des plaisirs autres et des parfums autres. Mais souvent les parfums sans agrume et sans vert sont moins immédiats.

    Je peux comprendre que vous préfériez la cologne, ce serait mon cas si je devais choisir probablement, parce que j'ai une plus longue histoire avec elle, mais il se trouve que je ne dois pas choisir. Je peux faire cohabiter les deux dans mon armoire, les deux sont différents et répondent à des finalités, des envies différentes...

    Pour ce qui est du déterminisme social, je n'y crois que moyennement en terme de plaisir... L'inné a sa part, sa grande part. On sait que les enfants et les bébés préfèrent le sucre, ce n'est pas un acquis. De même beaucoup aimeront mieux caresser le velours que la rappe à fromage. Le plaisir de porter Invictus fait partie des acquis, plaisir de coller à un modèle, d'être conforme, intégré, mais ce n'est pas un plaisir lié à l'odeur en soi.

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    1. Pour la première phrase et le "lien" avec Invictus et autres, je réagissais juste à la phrase de votre post où vous écriviez : "Quand le seul reproche que certains puissent objectivement faire à un parfum est qu’il soit beaucoup (trop ?) porté, c’est probablement que le parfum est bon".

      Je suis bien d'accord : Terre Eau Très Fraîche tient énormément plus qu'une demi-heure, sur ma peau aussi (c'est ce que je dis plus haut). Il tient très longtemps.

      Par déterminisme social, je n'entends pas une distinction entre les processus innés versus d'acquisition (cela relève plus de le théorie de l'évolution en quelque sorte). Quand vous dites "Le plaisir de porter Invictus fait partie des acquis" : très clairement, porter "Invictus" ne relève pas de l'inné, en effet !! En revanche, il est plus intéressant de voir comment et par quels moyens se construisent et s'orientent ces acquis, c'est précisément ce qu'on entend par (des processus du) "déterminisme social" au sens large.

      Bien entendu, je conçois que des gens puissent tout à fait apprécier "Terre Eau Très Fraîche", comme je conçois d'ailleurs qu'Invictus puisse être porté avec plaisir par d'autres. Je ne dis pas le contraire plus haut. Je réagissais juste là-aussi à la phrase "Le parfum, c'est du PLAISIR" qui établit en conclusion de votre post une sorte d'équivalence entre le plaisir et cette "Terre Eau Très Fraîche" – alors que précisément, je prends du plaisir dans d'autres parfums – aux "agrumes" ou non –, mais pas dans cette "Terre Eau Très Fraîche". Puisque donc, au bout de 20 minutes à peine, certes agréables, je ne la trouve pas fraîche, mais davantage poisseuse au sens marin, tenace, piscinesque, monotone, sans vie, lassante, anti-enivrante, synthétique, pénible, plutôt avariée que "Très Fraîche", etc.

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    2. Je reprécise que sur moi, le départ, la note fraîche, tient sur moi bien plus d'une demi-heure, l'amertume est très présente longtemps. La phrase le parfum, c'est du plaisir ne faisait pas d'équivalence Eau Fraîche-plaisir, mais ne pas réfléchir trop sur le parfum-se faire plaisir. (en l'occurence avec cette Eau)

      Et quand j'écris à propos de Terre et non de son flanker qui a des défaut, qu'on ne lui reproche quasi rien si ce n'est d'être associé à une catégorie socio-professionnelle qui le porte beaucoup (la caricature du cadre) c'est qu'il ne doit pas avoir d'autre défaut, et que ceux qui le trouve beau n'ont probablement pas tort puisqu'on ne leur opposent pas d'argument. Le paralèle avec Invictus n'est pas très pertinent car la plupart des personnes qui démolissent Invictus, parfum que je connais finalement mal pour l'avoir peu senti après l'avoir immédiatement rejeté, je l'avoue, le font sur base d'une argumentation beaucoup plus construite qui va au delà du simple, j'aime/j'aime pas ou du banal et trop porté grâce à la pub. On parle bien plus de construction du parfum, d'assemblage des matières et de parti pris artistique. (Ou non-artistique?) Dans le cas d'Invictus, je crois qu'on ne peut tout simplement pas parler du plaisir de porter ce parfum; juste d'être parfumé (mais les odeurs sont interchangeables dans ce cas, il suffit qu'elles soient "odeurs.") et de s'assimiler à un univers.

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    3. Je ne fais pas de parallèle entre Invictus et Terre Eau Très Fraîche, deux choses distinctes ; ce n'est pas ce que j'écris plus haut. Je le citais juste comme contre-exemple à la phrase : "Quand le seul reproche que certains puissent objectivement faire à un parfum est qu’il soit beaucoup (trop ?) porté, c’est probablement que le parfum est bon".

      Je pense au contraire qu'Invictus apporte du "PLAISIR" à ceux qui le portent (sinon, quel intérêt ?), puisque, encore une fois, chacun trouve le plaisir qu'il peut, en fonction de constructions diverses (cf. mon premier puis mon second post). Vous dites vous-même, plus haut, et à juste titre, que porter Invictus relève de l'acquis !

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    4. Mais justement, on ne reproche pas (pas seulement) à Invictus d'être trop porté ou d'être porté tout court... la lever de bouclier à commencé avant même sa sortie dès les présentation presse quand personne encore ne le portait.

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