"Être grande dame, c'est jouer à la grande dame, c'est à dire, pour une part, jouer à la simplicité"
Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, le côté de Guermantes, 1921.
Infusion d'Iris, Prada, 2007 |
La mode de
Miuccia Prada m’a toujours semblée un peu subversive dans sa façon de jouer des
codes du luxe et de l’élégance bourgeoise en instaurant un léger décalage, une
mise à distance subtile, quasi imperceptible, une ironie qui consiste à placer
entre guillemets pour entretenir un doute sur ces femmes juste un peu trop
élégantes. On sent la convention, le rôle. Le mystère est entretenu, troublant
parce que quand c’est trop beau pour être vrai, ça ne l’est probablement pas.
Qu’est-ce qui se cache derrière ces héroïnes hitchcockiennes ? C’est
d’autant plus troublant que la mécanique cachée ne semble pas être d’ordre sexuel,
pour une fois. Il y a là, plutôt, un léger parfum de jeu de pouvoir, de jeu
d’intelligence.
Le parfum,
justement, parlons-en: Infusion d’Iris est mon grand chéri dans la ligne, celui
de beaucoup d’ailleurs. Infusion semble jouer le même e jeu que la mode en
s’appropriant des codes passés et en les projetant dans la modernité après les
avoir légèrement subvertis. Le départ est très cologne, mandarine et néroli,
puis s’installe un bel iris blanc, un peu vert, poudreux, savonneux, sur un
fond boisé, un peu fumé qui l’assombri un peu. C’est extrêmement classique. On
pense au N°19. Pourtant, il me semble surtout reprendre les codes des floraux
aldéhydés en misant sur cette netteté poudrée, ce bon chic savonneux et cette ambiance "laque et cosmétiques" que le
N°5 avait imposée. Classique, jusque dans son fond qui a sa part d’ombre,
exactement comme au XXème siècle. Mais neuf. Avec une transparence et une
légèreté qui le projette dans le XXIème siècle. Il sent peut-être "la dame"
mais n’a rien de vieux ou de daté. Au contraire, il semble avoir visé
immédiatement l’intemporel et avoir réussi son coup. C’est un vrai classique
moderne.
Subversif ?
Oui, à sa façon, la création de Daniela Roche-Andrier l’est. Par son
comportement. Infusion d’Iris déçoit lorsqu’on l’essaye, il semble tenir à peu
près une demi-heure. C’est un parfum qui semble avoir pour but de se faire
oublier, un léger voile de propreté supplémentaire après la douche, un truc
moderne pour le bureau qui ne se sent pas. Porté, vraiment porté, il devient
une toute autre histoire : il se laisse oublier pour mieux se rappeler à
nous, d’une façon totalement aléatoire, il resurgit, enveloppant, séduisant
charmant, au cours de la journée. Alors qu’on pense s’être parfumé en toute
discrétion, les compliments pleuvent. Lorsqu’on rentre dans une pièce, on est
surpris de retrouver ce parfum qu’on y a laissé en y passant des heures plus
tôt.
En fait,
Infusion d’Iris est un séducteur. Un des pires qui soit. Parce qu’il séduit
sans avoir l’air d’y toucher. Suffisamment fort que pour pouvoir se passer
d’une démonstration de force. Un must have, un basique, un classique.
Infusion d'Iris, Daniela Roche-Andrier pour Prada, 2007.
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