"...comme dans un beau style qui superpose des formes différentes et que fortifie une tradition cachée…"
Marcel
Proust, à la recherche du temps perdu, à l’ombre des jeunes filles en fleurs,
1919.
Vaporiser à
l’aveugle, on se croirait au 31 rue Cambon. Un nuage d’aldéhydes dessine l’ambiance
typiquement Chanel. Lorsqu’il décide de rendre hommage à la modernité, Jacques
Guerlain emprunte le vocabulaire de celle qui a su accompagner cette modernité mieux qu’aucun
autre en basant son style propre sur le rejet des formes anciennes. En parfum,
elle n’était pas la première à recourir à la chimie, mais certainement celle
qui osait franchement l’artificiel en le revendiquant tel. Grace à Chanel et à Ernest Beaux,
la synthèse traitait de puissance à puissance avec les fleurs les plus nobles
et ne se cachait plus…
Véga date
des années 30, une époque plus classique que les tapageuses années folles, il nous délivre son message sans violence : il y a donc les aldéhydes, les fleurs
blanche, le jasmin et l’ylang qui apporte son exotisme, un fond très doux de
santal, vanillé, ambré. Si la filiation avec le N°5 est là, elle passe par Bois
de Îles et son exotisme raffiné, mais Véga est incontestablement signé par un Guerlain,
tant ici, les matières sont fondues entre elles, soyeuses, crémeuse et
caressantes. Même en se voulant moderne, Jacques Guerlain reste lui-même et
nous a fait un parfum qui, loin d’être raide comme savent l’être les aldéhydés,
nous cajole, nous materne. Chez Chanel, on se tient droit, chez Guerlain, on
vient vous apporter un coussin moelleux pour que vous puissiez vous appuyer.
Forcément,
vous vous en doutez, j’adore Véga, cette sensation familière des aldéhydes,
cette élégance désuète, rétro. Chez Guerlain, on fait comme Odette, on s’adapte
au goût du jour, mais on conserve une trace des modes passées, de ce qui a fait
notre charme.
Véga,
Jacques Guerlain pour Guerlain, 1936.
C'est un parfum pour femme mûre, classée plutôt à droite, mais pas trop bourgeoise ; elle aurait pu être commerçante dans les années 60-70. Sur un homme, je ne supporte que Jicky, avec son côté pute des bas-fonds venant en ville. J'aime l'eau de toilette, mais elle ne tient plus à doses non torentielles ; l'eau de parfum 2013 tient un peu plus, mais hélas perd l'essentiel des aspects intéressants présents dans l'eau de toilette ! Ce n'est plus qu'un truc citronné/lavandé sans intérêt désormais.
RépondreSupprimerVega me rappelle tant Liu ! Liu, sorti en 1929, serait la première réponse de la Maison Guerlain aux aldéhydes signés Chanel.
RépondreSupprimerTrès Cordialement,
Sara
J'aime bien Liu (forcément), mais je le trouve un peu moins riche que Véga, peut-être parce qu'il est plus franchement aldéhydes? Peut-être un peu trop Chanel, justement?
SupprimerOui, je crois que c'est ça justement, c'était la première réponse donc moins Guerlain plus Chanel. Il y a un autre parfum Guerlain que j'aime énormément c'est "Sous le Vent", les notes de tête sont plus mystérieuses et plus vertes mais le fond rappelle beaucoup Mitsouko.
SupprimerCordialement,
Sara