vert

 


Toute mon enfance, grâce aux hauts sièges en velours vert de la société nationale des chemins de fer, les gens ont crus que je souffrais du mal des transport tant cette teinte me donnait un teint de cadavre passablement défraichi, alors que je me portais comme un charme et n’ai jamais eu le moindre haut le cœur en train, avion ou bateau. Particulièrement ingrat, le vert ne me va pas alors que c’est une couleur que j’affectionne et trouve très chic. Je me contente d’une touche en accessoire loin du visage, une paire de chaussures d’un beau vert vif et franc ou un joli sac à main relevant joliment n’importe quelle tenue. Et, Dieu merci, je peux abuser du parfum sans aucun problème de mauvaise mine ou de taille…

 



A tout seigneur tout honneur, il me faut commencer par parler du merveilleux Vent Vert de Balmain tel qu’il a été conçu par Germaine Cellier (donc avant la désastreuse reformulation de la fin des années ’80), un parfum intensément vert et froid qui saute au visage de celui qui le sent comme la gifle de l’aquilon, faisant oublier dans ses feuillages et son intense galbanum qu’il est aussi abondamment pourvu de ces fleurs du printemps que nous aimons temps revoir après la morsure de l’hiver. C’est un sacré caractère dont certains pourraient dire qu’il sent la vieille bique asociale et têtue en dépit de son goût prononcé pour la jeunesse (Oui, je sais, on dirait que je parle de moi et je ne vous cache pas qu’à chaque fois que je prends en photo le flacon de Vent Vert, j’ai l’étrange sensation de réalisé un autoportrait aka selfie pour les jeunes générations), ce dont nous ne leur tiendrons pas rigueur compte tenu de la réputation de Germaine. Je dirai juste que la même formule, à peine retouchée, ressortirait aujourd’hui dans une maison de niche pourrait être le dernier succès du jour si le marketing modernisait la réputation de vieille bique asociale en employant à la place les mots d’hypersensibilité autistique. Et voilà, le tour serait joué…

 



Autre vert de printemps, bien plus posé, il y a l’héritier du N°19, le bas de soie de Serge Lutens dont on a envie de dire qu’il fait baisser la température de deux degrés quand il entre dans la pièce tant il tient tellement peu chaud avec son vert anguleux bleuté par la jacinthe sur fond d’iris plus givré que poudré. Déformé, stylisé, il semble étonnamment moderne (et profondément hautain dans sa façon de toiser les vanilles qui l’entourent en retenant une moue méprisante qu’on devine tellement…)

 



Si vous cherchez de l’amabilité, vous la trouverez dans l’Eau de Merzhin d’Anatole Lebreton qui rappelle la Bretagne natale du créateur. Le vert est bien là, un joli vert tendre et frais, un vert de petit cocon confortable et doux, marié à l’odeur un peu foin du narcisse, beaucoup de narcisse -les amateurs de luxe discret savent pourquoi- dans une fraîcheur humide et pastelle qui évoque les contes de l’enfance option bonnes fées plutôt que terribles marâtres. Il invite à sortir, s’étendre pour se reposer le long d’un ruisseau et s’endormir pour le plaisir d’être réveillé par le chaste baiser d’un prince égaré ou d’une nymphe qui hésite à vous garder dans ses bois en vous préservant à jamais de la souillure du monde des humains.

 



Mon dernier achat, pour ceux que ça intriguait, c’est une recharge de mon tant adoré Mal Aimé de Parfum d’Empire dont le nom est si mal choisi. Cet intense mélange d’herbes me ravit lorsque les beaux jours reviennent et que le seigneur soleil ordonne au ciel de revêtir sa parure la plus bleue, à la température de s’adoucir et je sais que je le porterai jusqu’à la fin de l’été. (Et après l’été ? Je danserai !) Ce bouquet de mauvaises herbes est surprenant tant il est à la fois sauvage, paysager, et sophistiqué, oscillant entre nature et culture non pas sans choisir mais en choisissant de réconcilier les deux. Oui, j’avoue le petit fond, pas si discret, de beurre d’iris n’est probablement pas pour rien dans mon affection pour ce parfum, pas banal, rieur et lumineux qui sent l’école buissonnière de luxe que n’aurait pas désapprouvé la Claudine à l’école de Colette, croqueuse de bourgeons et passionnée de papeterie. (Mais qu’on ne peut soupçonner d’être corse, il est vrai.) Fond d’iris qui permet au parfum d’être beau même au cœur de l’été, saison ou le vert n’est pourtant pas au mieux de sa forme.

 



Mais nous ne nous entêterons pas et irons sagement vers les fleurs blanches, n’est-ce pas ? Pas sagement ? Oh, vous savez, ça me va aussi…

 

 

Commentaires

  1. Quel joli article parfumé. Belette.

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  2. Très bel article, nous éclairant sur les parfums vert, et quel humour, je ris avec vos articles souvent!
    C'est le parfum Mal- Aimé qui m' attire le plus d'après votre description.
    Merci DAU.

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