octobre 2024
R.F. Kuang, Babel.
Un bon scénario qui se passe (surtout, même si tout commence en Chine) dans
l’Angleterre universitaire du XIXème siècle et revisite par un bain magique
l’histoire de l’industrialisation et du colonialisme à travers l’histoire de
quatre étudiants de l’institut de traduction d’Oxford. Sous couvert de
fantastique, c’est très politique et l’histoire est vraiment bonne et
originale, elle ferait une excellente série. Mais j’avoue que je n’ai pas adoré
: j’ai trouvé ça mal écrit. (Et, non, ce n’est pas à cause de la traduction apparemment.)
ça manque de corps, de chair. Les ambiances n’y sont pas, les décors ne sont
montrés que s’ils présentent un intérêt pour faire avancer l’histoire et il en
va de même pour les personnages. En dehors de l’action, on dirait qu’ils n’ont
pas de psychologie, pas de vie, pas d’existence et même pas de corps. Les
descriptions physiques par exemple se limitent à mettre en avant les traits
ethniques qui vont montrer le racisme, c’est à peu près tout. J’ai eu
l’impression de voir évoluer des incarnations d’idées au service d’une thèse
pas du tout des héros dans un roman ce qui m’a rendu incapable de m’attacher
aux personnages et au livre. Un mauvais livre mais dont il y a moyen de tirer
quelque chose de bien.
Virginie Grimaldi, le parfum du bonheur est plus fort sous la pluie.
Histoire légère d’une rupture, du refus de la séparation, de l’acceptation des
non-dits, pas ce que j’ai besoin de lire, mais il y a une maison de vacances à
Arcachon. Feel good facile sur les petits bonheurs de la vie dans les grands
malheurs. Vite lu, probablement plus vite écrit encore et tout aussi vite
oublié, tant ce genre de philosophie relève plus du lieu commun dissimulé sous
le gros bon sens, ce qui fait quand même beaucoup de page pour pas grand chose.
Laure Murat, relire, enquête sur une passion littéraire.
Un livre qui donne envie de relire, c’est déjà une très bonne chose.
Enfin, si l’on considère que c’est bien de vivre de ses obsessions et qu’il
faut donc les nourrir. Mais je me sens moins seul. (Les interviews me laissent
quelque peu de marbre.) Est-ce qu’un livre qui donne envie de lire est un bon livre
? J’avoue que j’ai tendance à dire que oui.
Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, du côté de chez Swann.
« Souvent mais peu à la fois comme le pauvre père Swann. » (I, 15)
J’entre dedans beaucoup plus rapidement que jamais et je suis surtout sensible
à l’humour… Est-ce la connaissance de la suite qui fait taire l’impatience ou
la reconnaissance de tout ce qui est à venir et déjà contenu ? À moins que ce
ne soit mon âge qui me rende plus sage et plus attentif ? Mais je me régale, il
me semble bien, pour la première fois des premières pages. Bien sûr, cette
lecture va être bien lente et compliquée puisqu’elle me donne déjà après 20
pages envie d’aller voir ailleurs, de relire Mme de Sevigné et par association
Mme de Lafayette.
Les relectures sont plus agréables, parce que plus fluide, on peut se passer
des notes, on entre plus vite dans le romantisme et, dans le même temps, on
découvre des choses que l’on n’avait jamais remarquée avant. La relecture,
n’est pas juste une relecture, c’est vraiment une nouvelle lecture. Je me
demande si les seuls qui apprécient vraiment Marcel Proust sont ceux qui l’ont
lu deux fois.
« Mais quand mes angoisses étaient calmées, je ne les comprenais plus ;
puis demain soir était encore loin ; je me disais que j’aurais le temps
d’aviser, bien que ce temps-là ne pût m’apporter aucun pouvoir de plus,
puisqu’il s’agissait de choses qui ne dépendaient pas de ma volonté et que seul
me faisait paraître plus évitable l’intervalle qui les séparait encore de
moi. » (I, 41)
Est-ce que lire la recherche en étant malade donne plus d’empathie, de
sympathie pour tante Léonie. Que j’ai toujours bien aimée par ailleurs, recluse
dans son lit, regardant par la fenêtre, c’est une vie privée de tout et une vie
parfaite en même temps. Qu’aurait fait Léonie à l’heure d’internet ? Les
réseaux sociaux auraient été sa fenêtre, elle aurait eu beaucoup plus, beaucoup
trop à regarder (je n’envisage même pas qu’elle ne puisse avoir 5 ou 6 comptes
différents sur chaque plateforme pour pouvoir observer discrètement, commenter
publiquement et putasser par messages privés), ce qui aurait beaucoup nuit à
son état nerveux.
L’avantage de la relecture, c’est d’unifier les personnages. Alors qu’ils
semblent différents, étranger à eux-mêmes s d’une incarnation à l’autre à
travers l’œuvre à la première lecture, avec la familiarité je m’attache à ces
petites choses qu’ils font qu’ils sont bien eux-mêmes à différentes époques et
non des personnages totalement différents, méconnaissables. * Odette reste la
plus fascinante parce que totalement increvable. Toujours présente, toujours
séduisante, de plus en plus alors qu’elle avance en âge, un âge qui doit
pourtant être canonique lorsque le temps est retrouvé. Je ne peux pas
m’empêcher de penser que le livre est dur avec "cette femme dont la
réputation de beauté, d’inconduite et d’élégance était universelle" qui
n’est vue qu’à travers le regard des hommes, Swann étant particulièrement
odieux avec elle. C’est vraiment une relation malsaine qu’il a avec elle,
pleine de mépris pour elle. Et qui la fait passer pour une abominable cocotte
aux yeux du lecteur. Oui, je ne suis pas objectif, j’aime beaucoup trop cette Madame Swann dont le
parfum déborde de l’appartement pour envahir la cage d’escalier.
« Comme les idées sur lesquelles j’embranchais maintenant son nom
étaient différentes des idées dans le réseau desquelles il était autrefois
compris et que je n’utilisais plus jamais quand j’avais à penser à lui, il
était devenu un personnage nouveau » faisons nous tous la même opération
de transmutation sans nous en rendre compte? C’est fort possible et
expliquerait certaines relations passant alternativement de l’affection à la
détestation et vice et versa qui n’ont pas de réelles explications. (Pas
rationnelles du moins.) Mais comme nous n’écrivons pas le livre de notre vie et
que ceux qui tiennent un journal le relisent rarement, peut-être ne nous
posons-nous pas assez de questions. (Ou alors juste moi ?) Heureusement que
notre cher Marcel est la.
Question : est-ce qu’en 2024 Mme Verdurin serait une influenceuse ?
Ogawa Ito, la papeterie Tsubaki.
Un livre qui se lit très vite, mais il est vrai que sorti des petits caractères
serrés d’un pléiade, l’impressions de tourner les pages très, trop?, vite est
immanquablement au rendez-vous. C’est feel good, joli et délicat. Forcément,
cela parle à l’amateur de papier maniaque en moi, fils d’imprimeur qui a
toujours vécu au milieu des rames de papier et se montre un peu difficile sur
la qualité. Je suis incapable de lire certains magazines à cause de la mauvaise
qualité de papier employée…
Cela parle du métier d’écrivain public, c’est une façon d’entrer dans
l’intimité des gens, de les aider, de régler presque magiquement leurs
problèmes. Magiquement, c’est bien le mot, car je reproche au roman de
surévaluer le pouvoir des mots couchés sur le papier. Je ne suis probablement
pas in the mood, pas en sortant du salon de la Verdurin. Lu à un autre moment,
j’eusse probablement trouvé le roman enchanteur même si je ne suis pas la
public cible, le feel good n’étant vraiment pas fait pour moi. Au contraire, je
trouve ce genre de livre un peu déprimant dans la façon qu’ils ont de souligner
que nous passons à côté de quelque chose et que ce serait peut-être bien notre
faute.
Il y a quand même de jolis moments et je ne regrette absolument pas ma lecture,
mais disons qu’elle ne me laissera pas un souvenir impérissable et que je ne
relirai pas.
Mes lectures du moments ne me laisseront pas non plus un souvenir impérissable… il y a des mois comme ça!!
RépondreSupprimerHeureusement qu'on a nos auteurs préférés pour venir à la rescousse! (Merci Marcel.)
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