Il y a une magnifique exposition d’estampes japonaise Shin Hanga (du XXème siècle) aux musées royaux d’art et d’histoire du Cinquantenaire. Les photos ne rendent pas justice : impossible de rendre les jeux de lumières dus aux micas ou la subtilité du gaufrage pour rendre les textures par de délicats reliefs dans le papier. Les œuvres s’apprécient de loin et de près avec le recours aux lunettes de lecture montrant des univers lointains et familiers. Certes, c’est « le Japon » mais ces images de modernités nous montrent aussi des choses que nous connaissons déjà : les reflets des lumières électriques sur une route « moderne » mouillée par la pluie, bordée de buildings qui transfigure une la nuit en quelque chose d’un peu magique, par exemple. Où encore cette scène d’une armée en marche qui se découpe sur un ciel embrasé par le soleil qui se lève et qui fait irrésistiblement penser à des images d’Autant en emporte le vent…
Et puis bien sûr, des choses plus typiques, plus exotiques, des vues de temple, des scènes plus purement japonaises et/ou historiques, mais au-delà de l’aspect décoratif pittoresque, c’est le regard sur le monde qui crée une distance en nous apprenant à voir, à regarder « autrement » et qui fait que nous sortons d’une exposition réussie un peu changés, un peu différents, un peu plus riches.
Ne vous y trompez pas, le décorateur en moi se dit aussi « qu’est-ce qui serait joli sur mon mur ? qu’est-ce que je ramènerais chez moi ? » Mais si j’ai l’esprit décorateur et le goût du joli pour le joli, ça reste toute une philosophie, une façon de voir la vie assez détachée du rationnelle qui veut enchanter le quotidien, le transcender parce que j’ai besoin de ça pour rester en vie.
(à lire pour se placer dans l’ambiance : un amour insensé de Tanizaki qui nous plonge dans l’effervescence de la modernité des années folles et le tiraillement avec les traditions en nous racontant la passion d’un jeune homme pour une moga-garconne nippone. Je ne l’ai pas relu, mais j’aurais dû, je suis toujours dans le dit du Genji, autre salle, autre ambiance.)
Petite transcendance récurrente : le parfum. Très précisément, celui du mimosa qui m’obsède assez régulièrement dans le froid, un peu plus tôt cet hiver parce que le froid est un peu en avance. Le mimosa, c’est joyeux, lumineux et tout doux, tout enveloppant à la fois. C’est sans prétention, ça ne joue pas les fatales, ça n’écrit pas de roman, ce n’est pas cérébral, c’est de la sensation pure. (C’est tellement lumineux que j’ai envie de dire que c’est impressionniste même si pas impressionnant.)
Le petit arbuste australien dont on a oublié à quel point il est exotique n’est pas très élégant non plus, pourtant Olivier Cresp en donne une fort jolie version ville avec le Champs Elysées de Guerlain : un parfum très présent et assez « madame » par certains côtés, un peu maternel avec ses notes poudrées amandées, mais qui reste pourtant frais, un peu vert, jamais guindé ce qui lui donne beaucoup de charme sans en rajouter dans le genre bourgeois. Facile à vivre, il est très versatile et mérite vraiment plus de succès qu’il n’en a, peut-être parce qu’il sort du cliché habituel du Guerlain à la vanille ? Où parce qu’il semble un peu désinvolte face à ses ainés ?
Autre genre, le Rêve Lotus de la collection Kenzo Memori que j’aime de plus en plus. Quentin Bisch signe un parfum très Kenzo, qui n’emmène pas forcément dans mon esprit le parfum dans une maison de thé au Japon (C’est l’idée mais j’ai pas la ref.) mais crée une petite bulle de douceur cosmétique, un petit cocon de confort.
C’est un peu plus qu’un mimosa, bien sûr, plutôt une ambiance cotonneuse, crémeuse, une lumière tamisée (par des écrans en papier de riz ?), un parfum parfait pour rester chez soi, ne rien voir, nier le monde parce que c’est tellement meilleur de s’envelopper dans son plaid pour paresser, rêver pendant 100 ans en attendant que le prince charmant débarque après avoir tuer les dragons, apporter la paix dans le monde et… Oh, ben, je crois que ça prendra plus de 100 ans avant qu’on soit embrassés, les enfants ! (Pour l’accompagner, l’éloge de l’ombre de Tanizaki ? Non, quand même pas, c’est un parfum sans mystère, sans ombre.
Oui pour Champs Élysée, mais sans Sophie Marceau ! Bon dimanche ! Gabrielle Dlr.
RépondreSupprimerMoi, j'aime beaucoup Sophie Marceau! Cette campagne n'était pas une réussite, mais ce n'était vraiment pas la faute de Sophie.
SupprimerIl y a quelque temps, je suis allée voir une exposition au musée Guimet à Paris, "Fuji pays de neige " et certaines des estampes que vous avez photographiées s'y trouvaient. Il y avait également des vues du Mont Fuji d'Hokusai et d'Hiroshige. Je suis comme vous, les estampes japonaises me font le même effet. Je suis également fan de la littérature japonaise, j'ai lu Le dit de Genji, Éloge de l'ombre mais pas Un Amour insensé. Voilà une bonne idée cadeau pour Noël, Tanizaki dans la collection Quarto chez Gallimard... Quand au mimosa, j'ai porté, il y a fort longtemps "Une Fleur de Cassie" des Éditions de Parfum Frédéric Malle. Mais comme beaucoup de parfums, il a été reformulé...
RépondreSupprimerOh, oui, et ça me fait beaucoup rire la reformulation chez Fredéric Malle parce qu'il a commencé en disant que les gens venaient chez lui parce que les autres marques reformulaient à tour de bras en se présentant comme un pur. (Un pur prétentieux?) Mais la réalité des législations l'a rattrapé... Dommage pour ses parfums.
SupprimerTanizaki est également disponible en pléiade. Je dis, ça, je dis rien mais comme cadeau de Noël, un pléiade, c'est fort sympathique. Un amour insensé n'est pas son meilleur livre, c'est un des premiers, mais j'ai un bon souvenir parce que j'adore la période, une période de changement, de nouveauté, de modernité, pleine d'effervescence. Une période qui a mené à la catastrophe un peu partout dans le monde certes, mais... (Et les aldéhydes, on en parle? On en a déjà parlé avec une fleur de cassie, en vrai!) Le Tanizaki est quand même mieux que la garçonne de Victor Marguerite, très/trop vieilli.
Je crois que Frédéric Malle a été racheté, non? Donc les équipes marketing sont malheureusement lâchées comme les lions dans les arènes romaines!
SupprimerJe confirme: rachat par Estée Lauder.
RépondreSupprimerRendons cette justice à Estée Lauder, ils ont commencé à faire n'importe quoi avant le rachat. Ils faisaient tout pour être racheté, c'était un peu à la limite du racolage sur la voie publique...
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