Œillet Louis XV, Oriza Legrand.

 


Au XXème siècle, l’œillet, ce n’était pas si difficile grâce à l’eugénol. On le retrouvait dans de nombreux succès de la parfumerie, de l’Heure Bleue à Opium. Ce qui était compliqué, c’était d’éviter l’effet « visite chez le dentiste » dû à ce même eugénol. L’Air du Temps, chef d’œuvre sur le thème de l’œillet y avait parfaitement réussi dans le genre très jeune dame joliment coiffée et laquée. Et puis il y a eu les restrictions et faire un œillet est devenu très compliqué. Et tout le monde s’y est mis avec plus ou moins de succès. Le vitriol d’œillet de Serge Lutens était la caricature de la recette : beaucoup de poivre, trop, qui donne envie d’éternuer, posé sur une savonnette vieillotte à la rose, les deux ne se mariant jamais vraiment.


La version d’Oriza est un peu plus subtile est beaucoup plus fluide. Beaucoup plus belle est réussie ? Indubitablement. L’œillet Louis XV fait partie de ces parfums qui m’ont intrigué, plu, autour desquels j’ai longtemps tourné avant de les adopter pour mon plus grand bonheur.

Les épices du début sont bien présentes, un poivre léger, transparent, rafraichi en sourdine par des agrumes avant de laisser place à une jolie note florale rosée mêlée de girofle qui restitue bien l’œillet mais en le posant dans une ambiance poudrée d’iris, très propre et blanche, qui évoque le sillage de la cour du bien-aimé, poudre de riz comprise avec ce petit quelque chose en plus qui est la signature maison, cette note musquée, boisée, un peu poussiéreuse, à l’effet rétro-vintage. Le parfum n’est pas sans rappeler certains passages de l’Heure Bleue, mais en plus sec, en moins cocotte. En plus abbé de cour ? En beaucoup plus facile à porter aussi, même si le parfum reste difficile d’accès. Certes l’œillet Louis XV est plus moderne que l’Heure Bleue, mais il reste terriblement classique et pas nécessairement très jeune. Assez changeant aussi ; je le trouve bien plus blanc et poudré dans la chaleur par exemple.

Soyons de bonne foi : allons-nous vraiment chez Oriza pour être à la page ? Non, certainement pas. C’est ce qui coupe la maison d’une partie du public, mais c’est aussi ce qui lui fidélise une clientèle en attente d’autre chose. Et l’œillet a cet autre chose, cette petite touche de poésie qu’on adore. Ils nous emmène ailleurs. Ailleurs ou autrefois.

Oui, oui, c’est bien le parfum parfait pour se pavaner, joliment perruqué, en justaucorps ou en robe à panier au milieu de nos pastels et de nos grisailles. Oui, oui, c’est exactement tout ce que j’aime et tant pis pour les sans-culottes auxquels je laisse bien volontiers les bois kipiks : APRES MOI LE DELUGE !


Œillet Louis XV, Oriza L. Legrand, 2012.


Commentaires

  1. Leurs parfums ont vraiment de la personnalité. Que ce soit une personnalité du passé on s'en fiche, ou plutôt on adore. Et les emballages (je ne dis pas packaging volontairement) ont une classe folle (oui, les faux lingots d'or qui contiennent des bois collants me dégoûtent)...

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    1. On ADORE! Parce que c'est tellement nous. Et quand aux emballages, les gros rubans, qui peut résister? (Des minimalistes chiant qui ont fait vœu de pauvreté? Ok, merci de ne pas vouloir nous imposer ça, on aime la richesse, nous!)

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