"Au fond de
cela, il y avait chez M. de Charlus tout
son rêve de virilité…"
Marcel
Proust, à la recherche du temps perdu, le temps retrouvé, 1927.
Franco
Moschino a lancé sa marque dans les années ’80 en la plaçant d’emblée dans le
registre de l’ironie grinçante, de l’humour et de la dérision. C’était
provocant, choquant et drôle. Le genre de mode qui fait du bien dans un univers
qui se prend tellement au sérieux sans jamais réaliser à quel point, vu de
l’extérieur, il peut paraître ridicule.
Très vite les parfums ont pris le même chemin, jouant la provocation
dans les noms et les flacons bouteille de soda ou Instanet. (Les jus étaient
plus classiques, d‘assez bonnes factures.) Personnellement j’aime beaucoup
l’intitulé de la ligne bis Cheap and Chic.
Toy boy est
dans la continuité de la provocation (maintenue en couture par Jeremy
Scott) : des jeunes gens harnachés de cuir présentaient le flacon nounours
laqué de noir très bear BDSM. On pourrait multiplier les références arty, mais
pour tout dire, je pense surtout Tom of Finland, Carl Hardwick pour Colt
Studio, Glenn Hughes dans les Village People et char cuir de la gay pride. Le
ton est donné. Est-ce élégant et de bon goût ? Non. Mais ça nous rappelle
qu’à se cloisonner à l’élégance et au bon goût, on s’enferme et on boude son
plaisir. Au-delà du flacon qui ne fait pas l’ivresse, Toy Boy est une très
belle surprise. (Surprenamment élégante !) *
Le départ
est joliment agrumes fugaces et poivre rose. Ensuite le parfum poursuit sur des
notes épicées, muscade-girofle, assez propres, un peu savonneuses qui évoquent
un peu le plâtre frais plutôt que l’asepsie hygiéniste. (La référence ouvrier
de la construction Village People ?) Surtout le thème central se révèle,
une rose, épicée, veloutée, pas trop poudrée qui présente une très jolie
transparence qui rend le parfum facile à porter et pas du tout roseraie, une
rose couchée sur les bois, le vétiver. Bien sûr, il y a des notes de cuir qui
traversent le parfum, c’était inévitable. Dans le mainstream, il y a eu le
Déclaration d’un Soir dans le même genre « rose « masculine » ou le
Parfum Sacré de Caron dans le genre rose transparente épicée, mais on pense
surtout à la niche telle qu’on l’aime : originale et finement travaillée.
Certes, Toy
Boy ne parade pas dans ces « belles matières » dont on nous rebat les
oreilles. (Regardez le prix, vous comprendrez pourquoi, c’est un parfum
« bonne affaire ») Mais il a mieux que cela à offrir, sa très belle
construction, son évolution sans heurt que dévoile des facettes différentes
d’heures en heures. Le parfum est très évolutif, le genre de chose qu’on ne
voit plus beaucoup de nos jours, le genre de chose que j’apprécie. Il a un chic
certain, peut-être cheap, celui d’avoir du chien et d’avoir du goût plutôt que d’avoir de l’agent, ce
qui vaut mieux.
C’est une
bien belle surprise que ce parfum, à la fois original et élégant, beau et
facile à porter. Toute son évolution est assez sèche, transparente, totalement
sans lourdeur. (On l’aurait voulu riche que ça l’eut peut-être gâché.) Toute la
journée, c’est un plaisir de le sentir bouger, évoluer, changer. Il est
complexe, mais pas tarabiscoté, très moderne mais sans aucun des clichés de la
modernité. (L’inévitables faux chypre rose patchouli, la rose oud, l’abominable
bois qui pique…) C’est un bear très versatile qui s’accommode de toutes les
circonstances. (Et de toutes les météos.) J’ai vraiment énormément de plaisir à
le porter, notamment parce qu’il est « facile » à porter, moderne, chic
et sophistiqué, mais sans être trop pomponné, harnaché ; c’est un parfum
qui a un côté cool, qui n’en fait pas trop contrairement à ce que son flacon
pourrait laisser présager.
À découvrir assurément et à sortir du cliché du
flacon. (Oui, oui, il sera tout aussi joli sur une dame élégante qui joue au
bridge avec ses vieilles copines.) Dare the bear ! Et on aime cette ouverture d’esprit qui nous rappelle que les bears BDSM sont des gens comme les autres, peut-être même un peu plus charmants. Et qui aiment les roses!
Toy Boy,
Yann Vasnier pour Moschino, 2019.
*Dans le
même registre, on pourrait citer les parfums Etat Libre d’Orange qui flirtent
beaucoup avec la provocation. Flirtent ? Couchent avec plutôt. Il y a d’ailleurs
un très joli Tom of Finland chez eux mais je le trouve un peu moins intéressant…
Le jus est plus linéaire, joue sur un cuir très doux, un registre très sage qui
évoque plus le rayon Alcantara d’un magasin de canapés chic que la boutique
fétichiste. On est clairement dans quelque chose de plus figuratif dans un mood
parfum d’ambiance comme l’aime la niche depuis Comme des Garçons mais cela
reste un très joli parfum, très agréable à porter et à sentir sur d’autres.
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