original musk, kiehl's

 

« Peut-être avait-elle obscurément senti que mon jeu avait un autre objet que celui que j’avais avoué, mais n’avait-elle pas su remarquer que je l’avais atteint. »

Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, du côté de chez Swann, 1913.

En postant mon parfum du jour sur Instagram, j’ai été choqué de voir combien peu de gens connaissais le Musk de Kiehl’s, y compris parmi les utilisateurs des soins de la marque. C’est pourtant un classique dans son genre, un parfum culte pour beaucoup et depuis longtemps et certainement un parfum à découvrir. Je dis ça assez rarement, mais, là, vraiment, faites-moi confiance et allez le sentir, je vous jure que ça vaut la peine.

Kiehl’s partage avec Clinique, le privilège d’être une marque de soin aseptisée, nette et efficace, qui a réchauffé en son sein, un parfum capiteux, tenace et présent. Comme Aromatics Elixir, Original Musk n’est pas ce qu’on attend d’une marque pharmaceutique, dermatologique, hospitalière et blanche. Comme le parfum de Clinique, celui de Kiehl’s est sale, comme s’il envoyait le message que la vraie vie est ailleurs que dans les officines aseptisées.

L’histoire parle d’une ancienne huile retrouvée dans les caves, d’une love potion, etc… On oublie et on se concentre sur l’odeur absolument géniale. Le parfum joue sur les facettes sales des muscs animaux et la propreté lessivielle des muscs blancs en les équilibrant parfaitement. Le départ est légèrement scintillant et installe directement l’ambiance musquée. C’est sombre et dense, ça sent un peu le fauve et c’est doux et propret en même temps. Est-ce un t-shirt déjà porté sur une peau qui sort de la douche ou un t-shirt propre enfilé en vitesse après le sport ? (Je dis le sport, mais c’est peut-être après l’amour ?) Tout tient dans ce paradoxe, dans cette tension, cet équilibre. On détecte aussi la présence caressante de quelques fleurs dans ce parfum qui paraît si simple mais qui l’est peut-être un peu moins que ça.

Car ce qui rend ce Musk si attachant, c’est d’aller plus loin que la simple odeur, finalement. Il rend franchement hommage à certains grands parfums anciens qu’il rappelle à sa façon, comme une trace légère qui flotterait dans l’air longtemps après leurs passages. C’est peut-être un peu du fond du N°5 qu’une élégante aurait laissé sur la peau d’un homme aimé le temps d’une étreinte ? Original Musk se prête en tous cas à plusieurs lectures. Pour certain, il sera un doudou olfactif dans lequel se blottir pour se réconforter un peu lorsque le monde est trop dur, pour d’autre ce sera une arme de séduction, un parfum chaud et animal destiné à aguicher. Parmi ses fans, il y a des fidèles, ceux qui le portent constamment, parce qu’il est devenu leur signature et qui n’envisage pas d’en changer, et ceux qui le portent à l’occasion.

 

Je suis trop volage et trop frivole que pour envisager un seul parfum mais je comprends tout à fait ceux qui s’y adonnent sans réserve. Il a ce côté jouissif des parfums capiteux qui vous font vous sentir un tout petit peu plus sexy avec que sans, tout en étant facile à porter. Certains diront peut-être « non merci pas pour moi » mais j’ai du mal à concevoir qu’on puisse détester le sentir sur quelqu’un d’autre. (D’autant que son excellente tenue -des jours sur les étoffes- s’accompagne d’un sillage modéré, perceptible, mais pas envahissant.) 

Original Musk, Kiehl’s, 1963.

 

Petite recommandation personnelle : que vous ayez envie de le porter ou que vous aimiez juste le sentir à l’occasion, ne boudez pas le gel douche et le lait pour le corps, plaisir garanti. Et le parfum est suffisamment « odeur » que pour être marié avec d’autres parfums…