« … l’apparition qu’il attendait autre et qui le laisse bouleversé, chaque fois, d’incarnations nouvelles. »
Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, la prisonnière, 1923.
En ce moment, je suis obsédé par l’Heure Bleue. C’est une obsession assez régulière chez moi et je ne la soigne pas du tout, je me contente de faire sagement du stock. Donc ne vous inquiétez pas pour moi, je suis sur le point de terminer un flacon d’eau de parfum, mais toute concentrations confondues, il me reste à peu près un demi-litre de l’heure bleue. Et c’est aussi l’occasion d’en reparler sur le blog. Je n’en ai plus parlé depuis 2018 alors que c’est l’un de mes parfums préférés et que le but de ce blog c’est aussi de parler des parfums dont on ne parle pas beaucoup ailleurs parce qu’on passe (je pourrais écrire « perds » en étant même pas de mauvaise foi) trop de temps à parler des nouveautés sans intérêt (souvent) ou de trucs pour lesquels les marques rincent… (Et je vous laisse imaginer le parfum Guerlain pour lequel LVMH pourrait lancer une campagne sur les blogs et réseaux sociaux.)
Le truc avec l’Heure Bleue, c’est que c’est un parfum complexe, ce qui explique qu’on ne s’en lasse pas et qu’on le redécouvre sans cesse : il y a mille et une façon d’entrer dans l’Heure Bleue, de le (re) découvrir, de se l’approprier, de l’aimer. Il est assez typique du travail de Jacques Guerlain, dans la mesure où il est très équilibré dans sa complexité. Son évolution est fluide, il donne de lui une image lisse, presque constante, mais nous fait passer d’une nuance à l’autre et se montre différent selon les saisons et les humeurs, tout en restant l’Heure Bleue.
Est-ce que l’Heure Bleue est un parfum facile à porter ? Oui et non. Je comprends parfaitement qu’il rebute ou désarçonne les jeunes. C’est typiquement un parfum classique, complexe et chargé qui ne renvoie à rien de précis. L’Heure Bleue sent le parfum et l’Heure Bleue on ne peut pas le relier a des choses connues, des notes qu’on trouverait dans la nature ou dans l’alimentation contrairement à un Insolence qui lui rend hommage, le sillage de l’eau de parfum rend la parenté évidente, mais évoque immédiatement les fruits rouges et la violette. (Violette discrètement présente dans l’Heure Bleue mais plus nette dans le magnifique Après l’Ondée.) Ce n’est pas très jeune, pas très moderne, mais c’est aussi le décalage avec notre époque qui le rend intéressant. Ou je trouve le parfum facile, c’est dans son équilibre qui lui permet de ne jamais être caricatural et d’adopter plusieurs visages auxquels on peu s’identifier facilement. Vous vous souvenez d’Odette dans la Recherche ? Elle est tour à tour la dame en rose, Miss Sacripant, la cocotte Odette de Crécy, la bourgeoise Madame Swann, la plus aristocratique comtesse de Forcheville, l’irrégulière du duc de Guermantes… Pareillement, l’Heure Bleue a plusieurs visages. C’est un parfum bourgeois qui sent la maison bien tenue où la cuisine est bonne, un parfum tendre et maternel, mais aussi un parfum sensuel qui peut intriguer.
Petite confidence, s’il est dans mon top 1 ?, 2 ?, 3 ?, mais pas plus des parfums que je garderais et que je pourrais envisager de façon monogame (avec un revolver sur la tempe et la menace de provoquer l’apocalypse nucléaire si je n’obtempère pas), c’est à peu près le seul que je vaporise parfois dans la maison en guise de parfum d’intérieur. Oui, j’ai le rideau chic et le coussin élégant. Mais si on veut mettre la question de l’élégance sur le tapis, non, pour moi, l’Heure Bleue n’est pas vraiment un parfum élégant, non. Il est riche, confortable, soyeux bourgeois, tout ce qu’on veut, mais aussi un peu cocotte et je trouve que ça l’exclut de la catégorie. Pour moi Guerlain n’a jamais été une maison ou se fournir pour acquérir de l’élégance. Mais ce n’est pas un problème. L’élégance, ce n’est pas une fin en soi et il y a bien d’autres critères pour sentir beau que celui-là. Cependant, l’Heure Bleue est très habillé, c’est vrai, on sent qu’il à pris plaisir à superposer les couches pour se déshabiller longuement jusqu’à cette délivrance finale du délaçage du corset.
L’heure bleue, Guerlain, 1912.
Bonjour.
RépondreSupprimerMerci pour ce billet qui décrit si bien ce parfum que j'adore aussi .
Je réalise que je n'ai pas assez de stock d'ailleurs.
Peut être que je vais chercher une EDP d'ailleurs ...
Bon weekend
On n'a jamais assez d'heure bleue, JAMAIS et il faut avoir toutes les versions parce que... Elles sont toutes jolies!
SupprimerBonjour,
RépondreSupprimerMerci pour ce texte si beau, à la hauteur de cette heure bleue.Ma fille en le sentant sur moi, a dit " c'est un parfum de vieille, tu le portes depuis que je suis petite". Et moi de lui rétorquer que non , j'ai par période , porté n°5, champs d'arômes et aromatics elixir et puis de toute je suis une vieille dehors .... mais pas dedans. Serais-je capable de reconnaitre le sillage je ne sais pas, il est peu porté par chez moi.
Comme Fabrice, j'ai envie de stocker, et en plus je dois me retenir pour laisser se bonifier mon nouveau flacon ouvert.
Bon week-end sous un soleil radieux.
Les enfants sont des monstres d'ingratitude. Vieux, c'est pas si mal, ça veut dire qu'on a vécu longtemps, comme l'heure bleue, et qu'on compte tenir encore longtemps. Contrairement au dernier jus pour nymphette qui sera discontinuer l'an prochain... ET TOC!
SupprimerOui, il faut se retenir. Je préconise d'ailleurs d'acheter un nouveau flacon et de l'amorcer pour qu'il soit prêt quand l'actuel sera terminé. Perfumista, c'est toute une organisation...
[...]De toute façon...
RépondreSupprimerVos photos sont magnifiques et mettent divinement en valeur vos beaux flacons.
Oh merciiii L'heure bleue, c'est facile, le flacon est vraiment très beau, il n'a pas besoin d'être mis en scène.
SupprimerUn bel article pour un bien beau parfum, même si je n'ai jamais pu m'y faire, allez savoir pourquoi ? Serge Gainsbourg gardait chez lui un parfum de l'Heure bleue, le parfum d'une femme aimée, sans la citer. Bonne fin de semaine ! Gabrielle Dlr
RépondreSupprimerOn sait que c'était celui de Catherine Deneuve qui avait joliment dit dans un vieux ELLE qu'elle était une femme Guerlain habillée en Saint Laurent. Bon, ce n'était pas son seul parfum, mais... C'est tellement parfait comme image que je vais garder celle-là. Est-ce que c'est un indice?
SupprimerÇa peut être elle, mais ça peut-être aussi Brigitte Bardot, qui aimait aussi l'Heure Bleue, mais à qui Guerlain avait dédié Chamade. Quoiqu'il en soit, il a aimé les deux...
SupprimerGabrielle Dlr
J'essaye d'oublier Bardot, je la nie. Vraiment, tant de bêtise d'extrême droite, ça ne passe pas pour moi. Elle fut une belle conne, elle n'est plus qu'une conne. Je ne peux pas passer par-dessus.
SupprimerElle ne porte rien d'autre qu'un peu
RépondreSupprimerD'essence de Guerlain dans les cheveux...
Comme vous y allez ! Extrême droite ? Droite dans ses bottes ! Elle est courageuse, c'est rare...
"La vieillesse est un naufrage " et certaines personnes coulent avant.
RépondreSupprimerEt G. Brassens avait bien raison.
"Le temps ne fait rien à l'affaire,
Quand on est con, on est con.
Qu'on ait vingt ans, qu'on soit grand-père"
JE ne suis pas fan de Brassens, mais il n'avait pas tort!
Supprimer