rose angélique

« Madame de Marsantes était considérée dans le faubourg Saint-Germain comme une être supérieur, d’une bonté, d’une résignation angéliques. On me l’avait dit et je n’avais pas de raisons particulières pour en être surpris, ne sachant pas à ce moment-là qu’elle était la propre sœur du duc de Guermantes. »

Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, le côté de Guermantes, 1920.

La rose se prête à d’infinies variations. Certaines marques ne s’en privent pas, voire se construisent même là-dessus, quand d’autre tentent de nous faire le portrait hyperréaliste de la rose idéale, qui n’existe nulle part. Parfum d’Empire choisi de les rassembler toute et de nous offrir le bouquet. L’eau suave sent la rose, une multitude de roses, tour à tour fruitées, épicées, poudrées, un peu terreuses… dans toute les nuances qui vont de cuisse de nymphe émue au lie de vin. On échappe à la photographie détaillée aux couleurs un peu forcées et au flou impressionniste trop pastel.

L’eau suave, c’est un peu la discrète de la maison. À l’époque de sa sortie, lorsque je découvrais la maison, j’étais complètement passé à côté, plus remué (malmené ? violenté ?) par les senteurs plus affirmées, plus conquérantes de la marque. Le parfum est calme, posé, et pourrait servir d’antidote à l’énergie survoltée du yuzu de la même maison. Moins impérialiste, elle n’est pas de ces bouquets contre lesquels on vous écrase le nez en vous disant « sens-moi ça ! » (Ce que je trouve toujours personnellement très désagréable.) Le parfum se pose délicatement sur la peau et attire l’attention sans s’imposer. Qu’il se fasse oublier est intéressant car on ne percevrait pas les variations : très fluide, on pourrait le penser monolithique alors qu’il est changeant. Il surprend, fait partie de ceux dont on se demande… Avant de réaliser « Mais c’est moi ça ! » Réaliser que ce parfum qui m’enchante tout d’un coup émane de moi est l’une de mes petite joies de perfumista, le genre de surprise qui me ravit secrètement à chaque fois. (Secrètement, car j’ai le triomphe modeste, je ne suis pas du genre à me pavaner devant les grosses vanilles en faisant admirer ma subtilité. Du moins quand je réussi à me retenir.)

L’ambiance est rose et feutrée. Tout n’est que délicatesse et paresse, suavité aussi. Si le confinement vous a appris qu’il est beau et bon de se poser et de contempler les fleurs, vous allez aimer l’eau suave et vous régaler de ses nuances. Pour moi, c’est un parfum de canapé, de méridienne. De banquette à préliminaires ? Pourquoi pas ? Mais à condition de faire comme la duchesse de Langeais* et de jouer à l’ange. De jouer, car si cette eau suave est romantique, elle n’est certainement ni mièvre ni innocente. Hypocrite ? Non, vraiment pas, mais elle est capable de faire des concession à l’élégance. Quand la sensualité est aussi exquise, elle est forcément un peu éthérée, « Mais rapprochez-vous, jeune homme, plus près, vous sentirez mieux… »

L’eau suave, Marc Antoine Corticchiato pour Parfum d’Empire, 2005.


*Il n’y a pas que Proust dans la vie, j’ai aussi beaucoup lu et aimé Balzac.

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