parfums amers

"Certes, je n’étais nullement épris d’elle ; j’obéissais en la faisant venir ce soir à un désir tout sensuel, bien qu’on fût à cette époque torride de l’années où la sensualité libérée visite plus volontiers les organes du goût, recherche surtout la fraîcheur. Plus que du baiser d’une jeune fille elle a soif d’une orangeade, d’un bain, voire de contempler cette lune épluchée et juteuse qui désaltère le ciel."

Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, Sodome et Gomorrhe, 1921.

Eau de cologne Hermès, eau de Corse Oriza L. Legrand, yuzu fou Parfum d’Empire.

J’aime l’amertume pour sa fraîcheur désaltérante et sa maturité, c’est un goût acquis. Il y a une certaine élégance de l’amer, due à son léger retrait, son côté « pas facile, je ne me donne pas à tout le monde » sans snobisme et sans théâtralité.

L’eau d’orange verte d’Hermès que j’ai toujours du mal à ne pas appeler de son premier nom était fort courue dans ma jeunesse. Je ne dirais pas qu’elle était à la mode, mais elle était souvent le premier parfum que l’on offrait aux jeunes gens dans les familles BCBG. Oui, j’étais adolescent à l’époque ou le BCBG triomphait, ou il était excessivement désirable de s’afficher bourgeois, respectable et comme il faut. Mon enfance avait vu passer les punks et les hippies, mon adolescence allait rêver d’uniformes bien nets de pensionnaire en bleu marine. Et d’eau de cologne Hermès. Qui reste encore aujourd’hui un très joli choix avec sa note d’orange amère soutenue par la menthe qui rit sur la peau et s’assagit doucement. Certains régressent en vanille et barbapapa, d’autre en amertume. Et ce n’est pas l’amertume qui me fait faire cette grimace, plutôt le dégoût que m’inspire la vanille-barbapapa.

L’eau de Corse d’Oriza L. Legrand est une descendante naturelle des eaux chyprées chics des années 60-70 qui après un départ cologne très classique opte pour l’orange amère plutôt que pour les fleurs. L’effet est plus joyeux, plus innocent, moins adulte. Alors que l’eau chyprée me semble élégante en toute saison, l’eau de corse me semble un pur rafraîchissement d’été, un amour de vacances.

Porté il y a dix ans, redécouvert récemment, le yuzu fou de Parfum d’Empire est probablement le plus linéaire de la bande. (Ce n’est pas une critique, je salue l’exploit de faire « tenir » de la sorte cette note d’agrume amer.)  Le yuzu, certes bien soutenu, s’y exprime du début à la fin sans baisser le ton. C’est un parfum énergique, qui ne faiblit pas, une dose d’adrénaline qui s’installe dans la durée. Certes, on y détecte des notes aromatiques, florales, musquées qui le nuancent, il est bien plus complexe qu’il n’y paraît, mais à chaque bouffée, c’est l’agrume qui explose et vrille les narines. C’est un parfum nerveux, survolté, presqu’épuisant. Il est délicieux lorsqu’on veut conquérir le monde, mais parfaitement déplacé au cours de méditation. Mais c’est très bien pour moi, je suis beaucoup plus le genre tyran qui veut conquérir le monde (mais c’est pour votre bien, on est d’accord) que bouddha qui montre la voie…




Commentaires

  1. Idem : vanille barbe à papa, j'ai détesté dès le début, avec Lolita Lempicka si je me souviens bien ? Et tous ces écœurants mures et autres fruits synthétiques !
    J'avais quelques pochettes rafraichissantes de L’eau d’orange verte d’Hermès, je l'avais trouvée vraiment masculine. J'apprends qu'elle est devenue Cologne...
    Si je me souviens bien, les Hippies s'aspergeaient de musc et de patchouli, pas toujours de bonne qualité, j'en avais des haut le cœur :)mais je ne me souviens pas de ce que portaient les punks ?
    Bonne fin de semaine !

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    1. Les punks devait sentir la crasse...
      L'eau d'orange verte a d'abord été la cologne avant de devenir l'eau d'orange verte parce que... Il fallait faire toute une ligne de colognes et les différencier entre elles, je suppose

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  2. :D lol et dire qu'il y en a qui portent encore des Jeans déchirés...

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