« Ce genre d’existence impose l’obligation et finit par donner le goût d’un luxe secret, c’est-à-dire bien près d’être désintéressé. »
Marcel
Proust, à la recherche du temps perdu, à l’ombre des jeunes filles en fleurs,
1919.
Est-ce que
le confinement a changé notre manière de nous parfumer ?
Je ne fais
pas de journal de confinement (qui n’intéresserait personne, même pas moi) et
je n’en parle pas parce que je fais partie des très privilégiés qui le vivent
bien. Je pouvais déjà faire trois jours de télétravail par semaine, donc je ne
dois pas revoir mon organisation, je ne suis pas la personne la plus sociable
du monde donc ce n’est pas un problème pour moi de rester à l’intérieur. Mais,
oui, comme tout le monde, il y a des choses qui me manquent, me gênent.
Je me
parfume comme avant. Tous les jours.
Certes, parce que j’ai du stock. (Les éléments ont démontré que j’avais
raison !) Mais aussi parce que je le fais pour moi et pas pour les autres.
Ce n’est pas une « finition » après m’être habillé ou quelque chose
du genre, mais un vrai plaisir esthétique et personnel. Je ne critique pas les
gens qui se parfument juste quand ils sortent et voient des gens, c’est
simplement un rapport différent au parfum.
(Remarquez que je m’habille, mais pas exactement pareil non plus, il y a
un peu plus de confort. Est-ce qu’on aura des mesures transitoires pour
reprendre le travail comme avant ? Du genre : casual wear autorisé et
sieste permise ?)
Comme avant ?
Pas tout à fait. Je donne plus libre court à mes goûts de luxe. J’aime beaucoup mon Gloria Vanderbilt et je
prends toujours du plaisir à le sentir. Mais pour conjurer la crise, je porte
des choses un peu plus chères. C’est l’effet Joy, le parfum le plus cher au
monde. Mais je n’ai pas vraiment porter Joy. Plutôt le N°5. Je me suis aperçu
que je le portais systématiquement pour aller dormir. Oui, je me parfume pour
aller dormir. Comme Marilyn. (Mais avec un Pyjama qui n’a rien de sexy.)
Et je me
rends compte que pour moi, c’est exactement ça le N°5 actuel : un objet de
luxe. Un parfum joliment façonné dans un très beau flacon qu’on prends plaisir
à poser sur sa coiffeuse/à exhiber sur son compte Instagram. Un parfum qui a
bien changé, qui n’est plus le parfum crâneur et plein de personnalité d’une
femme qui faisait la mode, mais un parfum produit par une marque de luxe
élégante et intemporelle, comme ses tailleurs et ses sacs. (Enfin, intemporel…
Soyons honnêtes, un 2.55 ça vous fiche dix ans dans la gueule facile. Voire 15
ou 20.) L’eau de toilette à encore un jolie départ aldéhydé, lumineux et très
beau. Mais il faut jouir vite, parce que
ça ne traîne pas. (Le Polge actuellement derrière les parfums Chanel est-il un éjaculateur précoce? On demande l'avis de ceux qui ont testé!) L’extrait est un fort beau jasmin, mais je trouve bien
décevant de nous vendre un parterre de jasmin quand je pense que Gabrielle
disait que les femmes ne voulaient pas sentir le parterre de rose. L’eau de
parfum est d’une certaine façon la version la plus satisfaisante.
Elle n’a
aucune personnalité, mais est un parfait sigle Chanel. Reconnaissable avec ses
aldéhydes, ses fleurs sur les muscs qui sont la nouvelle signature maison,
diffusante, tenace, élégante. On sent la qualité. On ne sent que ça. Ne
dirait-on pas l’une de ces statues de la Grèce classique, au corp parfait, dont
le visage impénétrablement beau est anonymisé à force d’être idéalisé ? Je
peux trouver ça agréable, cet anonymat, cet disparition sous un uniforme chic,
cet enrôlement dans une armée froidement élégante. C’était depuis longtemps un
symbole bourgeois, qu’il fallait s’approprier, conquérir pour ne pas disparaître
derrière lui. Il est devenu le parfum statut social par excellence. Un pied de
nez à la crise qui dit que rien ne change même s’il a beaucoup changé.
Vivement
que l’opulence revienne, c’est plus amusant de jouer les souillons ou les traînées. Dans le fond, je dois être un romantique.
Et vous? ça se passe comment?
Et vous? ça se passe comment?
Bonjour, je suis comme toi j'aime me parfumer pour moi et je suis frustrée lorsque je ne sens plus le parfum que je porte. J'ai tenté le changement pour voir. Pour le confinement je télétravaille et j'ai de l'espace et un grand jardin donc pas trop de soucis.
RépondreSupprimerJ'ai,sur tes conseils avisés, commandé Arpège et des échantillons chez Delacourt (orange) et Maison Gantier ( musc) alors je teste. Mais j'attends surtout cet été pour aller à Lyon et m'offrir un SMN opoponax ou la maréchale qui est sublimement résineuse. Merci pour les textes pleins d'esprit et de sincérité. Bonne fin de semaine.
Merci à toi!
SupprimerOui, ne plus se sentir, c'est une catastrophe. Parfois il suffit de changer de concentration (passer à moins fort est efficace, plus que passer à plus fort, contrairement à ce qu'on pourrait croire.) ou âsser à quelque chose de très différent. (Une cologne! C'est toujours bien une cologne, on a toujours besoin d'une cologne.)
à bientôt
La bourgeoisie existe-t-elle encore ? La bourgeoisie n'est plus ce qu'elle était. Et sommes-nous nous même ce que nous avons été ? Où ce que les autres voulaient que l'ont soit, selon leurs critères de jugement. Justement, je ne veux plus être jugée, je ne porterai plus ces beaux parfums qui étaient plutôt des armures au temps où je devais exister en société, moi la sauvage.
RépondreSupprimerJ'aime aujourd'hui cette période de liberté et je me suis adonnée à d'autres parfums, et j'ai comme vous une petite réserve jamais goutée. Aujourd'hui, après une douche en fin d'après-midi, je me jetterai quelques pschitt de Miss Dior Original, pour la soirée et la nuit, mes heures préférées...
Je n'ai pas trouvé votre compte Instagram, sous quel nom vous cachez-vous ? Que je puisse rêver devant vos belles photos... Merci.
Techniquement, il n'y a plus vraiment de bourgeoise, non. Plus de femmes qui vivent à travers le statut social d'un époux, statut dont elles seraient l'éclatante incarnation. Est-ce qu'il faut le regretter? C'était certes une époque plus élégante, mais plus contraignante.
SupprimerPersonnellement, c'est amusant, je les vois moins comme des armures que comme des piédestaux. Mais c'est bon de descendre de son piédestal. C'est sympa d'être adoré et adorable, mais ...
Pour Instagram: https://www.instagram.com/atrecherche/
Merci pour la réponse, et pour le lien. Bonne analyse de l'époque, mais c'est dommage que les nouvelles femmes, libérées, aient laissé avec leurs "chaines" leur élégance et leur féminité. Moi qui n'ait jamais dépendu que de moi-même, je me suis régalée de fringues bijoux et parfums, notre époque nous ayant offert le "confort ménager", nous avons du temps à consacrer à la toilette. Les mentalités ont-elles évoluées aussi ? Parfois je n'en ai pas l’impression, et la société nous juge toujours sur l’habit. Alors tant pis, faisons de la résistance !
SupprimerJe vous souhaite d'être aimé autant qu'adoré ! Bonne semaine !