découvertes et favoris (suite)

Amérique, mid-century


Lectures et films ont tourné autour du milieu du XXème siècle aux USA... ça s’est fait par hasard et ça n’avait rien d’une démarche volontaire, simplement, mes coups de foudre m’ont conduit là.

Tout a commencé avec Une époque exquise de Dawn Powell que j’avais repéré en librairie mais dont je craignais qu’il ne soit un peu (trop) à l’eau de rose à mon goût. Finalement, je me suis décidé à l’acheter et je ne le regrette pas. L’histoire se passe à New York, pendant la guerre et se concentre sur quelques femmes, totalement inconscientes de ce qu’est la guerre, tout au plus, un moyen de faire carrière dans le journalisme et quelques inconvénients mineurs, dont une auteure, qu’on devine médiocre, à succès et sa «bonne œuvre» une provinciale venue à New York oublier une histoire d’amour qui s’est mal terminée La bonne œuvre n’est là que pour servir de paravent qui masquera une liaison adultère de notre auteure qui n’a, évidemment, pas le moindre cœur et la moindre compassion, si ce n’est pour elle-même et sa carrière.  Le ton est grinçant, ironique, acerbe. J’ai ri de bon cœur et cela m’a un peu rappelé le Women de Cukor dans l’esprit C’est drôle parce que c’est finement observé et juste.  Et malheureusement, puisqu’on parle d’observer le manque de cœur, ce n’est absolument pas vieilli.

Autre lecture, autre genre : Peyton Place de Grace Metalious, un classique oublié, dont ont été tirés film et série qui lui ont filé un coup de vieux en lissant l’histoire De la fin des années à la fin des années, on regarde la vie d’une petite ville de la Nouvelle Angleterre, principalement à travers les femmes qui l’habitent. L’heure est à la respectabilité bourgeoise et au sens des convenances, tout semble idyllique à Peyton Place, pourtant l’auteure va nous monter tout ce qu’on ne peut et ne veut voir : la pauvreté dans la banlieue, les squelettes dans les placards, l’alcoolisme, l’absence de démocratie, etc.  Ce qui est surtout montré, c’est la façon dont les personnages féminins sont oppressés par le carcan de la morale qui les empêche de s’épanouir, par l’hypocrisie ambiante, qui les place dans des positions de victimes ou de menteuses, qui les frustres à tous points de vue.  Bien sûr, c’est surtout l’aspect de la sexualité qui va être exploré, une sexualité refoulée qui génère de la culpabilité et de la souffrance. C’est particulièrement bien rendu, la tension est palpable.  En 1956, le livre était hautement choquant. Il parlait ouvertement de viol, d’inceste, d’avortement, d’adultère, dans le cadre idyllique d’une petite ville qui se présentait comme morale. Choquant, ça ne l’est probablement plus, plus autant, mais on prend toujours du plaisir à livre le livre, parce qu’il est bien écrit, parce que les personnages sont bien construits, parce que sans être crues et sordides, les situations ne sont pas édulcorées. Et puis, si le milieu du XXème siècle érigeait le refoulement en mode de vie, on ne peut pas dire que tout cela soit vraiment dépassé. 

Pour ce qui est du cinéma, j’ai adoré Tout ce que le ciel permet de Douglas Sirk. (1955) Jane Wyman (tailleurs et colliers de perles) est une veuve bourgeoise, aisée et respectable, qui tombe amoureuse de son jardinier, Rock Hudson (chemises à carreaux), qui ne fréquente pas la bonne société, mais des marginaux qui préfèrent vivre de peu, simplement, en se concentrant sur les vrais bonheurs de l’existence. (Un peu plus tard, ils eussent été hippies! Maintenant, ils serait adeptes de la décroissance.) Bien sûr, la société et les enfants, particulièrement odieux, de Jane veulent les séparer, etc. Les images sont belles, on s’attache aux personnages, surtout à Rock Hudson et à ses amis, quoique j’aie un faible pour la meilleure amie de Jane jouée par Agnes Moorehead et on meurt d’envie d’envoyer aussi au diable la bonne société et les enfants. (Dit-il avant d’aller se remettre une goutte de Madame Rochas derrière chaque oreille parce que ça va tellement bien avec le vison et le rang de perles.)

Ne manque au tableau de cette époque que la ségrégation raciale. Mais ça enfermerait peut-être les livres et le film dans un contexte trop précis. Tout ne s’est pas arrangé de ce côté, mais ça resterait peut-être trop ancré dans une époque et un lieu, alors que Peyton Place et Tout ce que le ciel permet ont réussi à ne pas trop vieillir et à ne pas faire de la distance qui nous sépare d’eux un barrage qui nous empêcherait de rentrer dans l’histoire. En même temps, pour trouver les thématiques abordée universelle, il vaut toujours mieux être blanc et faire partie d’une société riche, ne nous leurons pas. Mais voilà qui fait en tous cas un excellent contrepoids à la nostalgie des années ’50 que j’avais évoquée précédemment (ICI) et qui me dérangeait un peu. Je comprends qu’on regrette l’esthétique de cette époque, encore que l’esthétique soit aussi révélatrice des mentalités, mais moins l’ambiance. Tout était facile, certes, lorsque vous étiez né à la bonne place et que vous faisiez tout ce qu’on vous disait…

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