disparition d'une rose

« Il avait montré dans cette aquarelle l’apparition des roses nouvelles que sans lui on n’eut connues jamais ; de sorte qu’on peut dire que c’était une variété nouvelle dont ce peintre, comme un ingénieux horticulteur, avait enrichi la familles des Roses. »

Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, Sodome et Gomorrhe, 1922.

perfumista, Anatole Lebreton
Le perfumista project d’Anatole Lebreton consistait à envoyer quelques matières premières entrant dans la composition d’un parfum à venir. C’était intéressant car cela permettait de tomber amoureux de certaines d’entre elle et surtout de réaliser que le parfum n’est pas qu’une addition de matières, mais un mariage qui changent radicalement chacun des partenaire pour lui faire raconter l’histoire qu’il n’aurait pu raconter seul. C’est pour ça que j’évite toujours de nommer des matières, ce qui fausse la donne et déçois ou enthousiasme souvent à tort, au profit de métaphores et de description d’ambiance. À mon humble avis le parfum est une matière littéraire et toute la technique du monde ne décrira jamais un parfum. Le parfum est aujourd’hui sorti et les participants ont pu le découvrir. Alors, perfumista, c’est quoi ?

Le parfum est une rose. Incontestablement. Mais pas juste un bouquet à côté duquel on passe, une roseraie. (Ce qui n’est pas pour le déplaire, le Red Roses de Jo Malone ou le Tea Rose de The perfumer’s workshop m’enchantent régulièrement, même si mon amour pour eux est moins durable que celui que je voue à Paris d’Yves Saint Laurent par exemple.) Il y a dans perfumista, tout un contexte, complexe, des références. La rose est ancienne, capiteuse, et rose. Il y a des impressions cosmétiques, un peu rouge à lèvres, un peu poudre, un peu savonnette. Le traitement est classique. Plutôt que classique, j’ai envie de dire rétro. Le bouquet se fait un peu plus complexe et prend des airs de grand parfum de jadis. Il y a là-dedans une petite note de fumée cireuse, de bougie qu’on vient d’éteindre, une petite noirceur qui n’est pas sans m’évoquer un court instant le N°5 de Chanel dans une version extrait.

Le contexte est plutôt romantique, un brin passéiste. Ce n’est pas le parfum éclatant du triomphe des roses, plutôt le souvenir des roses qui s’en vont en nous laissant des regrets. Peu à peu, c’est le décors qui apparaît, un décors de boiseries anciennes, poussiéreuses. Un appartement ancien, abandonné ou l’on cherche la dame en rose qui le traversa jadis. Une dame en rose que nous ne reconnaîtrions peut-être pas. Une dame en rose seulement entrevue il y a bien longtemps, dissimulée sous sa voilette.

Perfumista, Anatole Lebreton, 2019.

Commentaires