aldéhydes

On ne va pas se mentir, même si on aime se raconter des histoire, le grand aldéhydé floral est un genre agonisant, s’il n’est pas déjà mort. Tous les perfumista s’attendent à recevoir le faire-part incessamment sous peu. Pour les adorateur du genre, c’est un peu la désespérance totale.

Longtemps, la reine mère incontestable de la famille fut le N°5 de Chanel. Hélas, il ne se vend plus aussi bien, au point que, malgré les stars embauchées pour faire la promo, les flankers qui se multiplient, Chanel a lancé un flacon collector rouge dans l’espoir de doper les ventes de Noël. En même temps, le N°5 est un peu moribond à cause de Chanel qui l’a un peu trop reformulé. Lorsque je l’ai connu, c’était bien autre chose. Oui, les aldéhydes sont encore au rendez-vous mais on n’a plus trop l’impression de sentir les aldéhydes et de sentir « Chanel. » L’extrait est un magnifique jasmin, l’eau de parfum est surtout chargée en muscs muscs qui deviennent la nouvelle signature maison, c’est joli et chic, très bien fait, mais ce n’est plus très N°5. L’Eau Première finit par tant ressembler à l’eau de parfum qu’on ne fait plus bien la différence entre les deux, quant à l’eau, c’est une soupe de muscs très générique, élégante, bien faite, certes, mais sans personnalité, un sillage qui n’affirme plus rien.

Alors vers qui se tourner ?


Sophia Grojsman a signé pour Estée Lauder White Linen qui descend en droite ligne du N°22.  Comme lui il est blanc, lumineux, il sent bon le propre, avec une certaine raideur WASP. Moins lifté, plus fidèle à l’esprit aldéhyde, c’est un must have absolu pour les amateurs d’aldéhydes qui ne supporte pas les faux plis et aiment avoir le chignon bien en plage grâce à Elnett. Ne vous y trompez pas, c’est fort aimable, souriant, dans le genre de mère parfaite que les copains vous envient.

Signé Jean-Claude Ellena, le premier parfum de Van Cleef & Arpels était déjà un merveilleux rappel de ce qu’avait été le règne des aldéhydes au moment de sa sortie. Un peu aminci, très orné, il est magnifique de richesse autoritaire, très chic madame, avec un fort joli jasmin. Le bourgeons de cassis qui lui donne une jolie envolée verte et l’hédione qui l’aère en font un parfum qui, aujourd’hui, n’est pas étouffant tout en étant bien présent. C’est aussi un piège à compliments. Chaque fois que je le porte, il y a au moins une ou deux personnes qui m’en parlent. Pourtant, j’ai beau l’adorer, il ne fait pas très jeune, ni à la mode, mais je pense que ça fait partie de son charme, c’est vraiment un parfum qui renvoie en arrière, qui transporte tout une époque avec lui dans une atmosphère très luxueuse. On a perpétuellement l’impression de porter une tiare en diamant lorsqu’on est en First. Croyez-moi, il y a plus désagréable comme sensation.

Il est à la limite de la niche tellement il est peu connu de nos jour et une bonne affaire parce qu’on peut le trouver à vil prix et ça n’est pas pour me déplaire : Jean-Louis Scherrer est une merveille. Ce n’est pas le parfum le plus inspiré du monde, il est juste parfaitement équilibré. C’est vraiment un parfum-tailleur de haute-couture, conventionnel, élégant et, surtout, tout tombe bien, tout est juste tout est à sa place, ça semble lisse et 'est pourtant très complexe. C’est une chypre vert, très vert, très raide qui reste, durant toute son évolution, du côté de la froideur. (Pas fraîcheur, froideur, vraiment.) C’est cérébral, frigide, hautain et fort peu aimable. C’est quelques mots suffisent-ils à vous faire comprendre à quel point je l’aime ?

Petite mention spéciale à Rive Gauche. Sa rose métallique, très savonneuse et poudrée est bien moins sale aujourd’hui que jadis, comme le N°5, Rive Gauche a fait le choix des muscs blancs en fond. Je suis probablement injuste, mais je trouve que ça va plutôt mieux au Saint Laurent qu’au Chanel, probablement parce qu’il a toujours été extrêmement savonneux. Je porte toujours Rive Gauche avec énormément de plaisir, en partie parce que c’est un peu le nonchalant de la bande, celui qui s’en fout un peu, qui rigole sans qu’on sache jamais s’il vient de tout gagner ou de tout perdre…


NB : rayon tentation, il y a La fille de Berlin de Serge Lutens, une tentative moderne dans la genre classique avec une belle rose sanguine, très métallique, brillante dont on ne sait pas si elle saigne ou fait saigner…


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