"Une sadique comme elle est l’artiste du mal…"
Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, du côté de chez Swann,1913.
L’Eau du Soir est un parfum assez confidentiel, probablement à cause de son prix excessif dans le mainstream et d’un prestige moindre de la marque, aimée des amateurs de soins, mais peu connue du public. Sisley, c’est moins chic que Chanel ou Dior. C’est comme ça. A tort ou pas, peu importe. Il faut dire que, un quart de siècle après l’eau de campagne, senteur devenue culte pour beaucoup, la marque n’a pas choisi la facilité en lançant un chypre. C’est à la fois le dernier des classiques et on peut aussi apercevoir dans sa structure très patchouli le spectre des néo-chypres du XXIème siècle.
L’eau du soir est classique et l’était déjà au moment de sa sortie, mais c’est un classicisme années ’70. Il doit beaucoup à Aromatics Elixir dans sa structure et, dans l’esprit, aux parfums verts et froids, hautains et rigides, de la décennie. L’ouverture est fraîche : agrumes, notes vertes, herbeuses, et aldéhydes. La verdeur persiste et éclipse les fleurs du cœur. (À Croire que Sisley, même s’il positionnait son parfum comme féminin voulait aussi séduire la clientèle masculine traditionnelle.) Le fond est un chypre très patchouli, raide et sec, dont la dureté est à peine adoucis de quelques notes ambrées et poudrées. Ce patchouli rattache l'Eau du Soir aux patchoulis plus modernes en dépit de son aura très vintage.
C’est incontestablement un parfum luxueux qui justifie son prix en envahissant la pièce et en durant un temps infini. Je n’ai pas particulièrement envie de dire qu’il est « élégant et sensuel » comme dans une pub. Non, les mots qui me viennent sont plutôt « affirmé et couillu. » Je ne peux l’imaginer que dans un monde un peu louche, celui du film noir, par exemple, ou il serait porté par la garce qui flirt avec le détective dur à cuire et le chef de la pègre mais ne joue jamais que son propre jeu. Il me fait penser à un N°19 qui aurait découvert la sexualité des autres et s’en servirait comme d’une arme. Avec délectation.
A éviter sur les ingénues, forcément.
Eau du soir, Jeannine Mongin pour Sisley, 1990.
C'est très drôle parce que c'est le parfum de ma mère, définitivement plus bourgeoise prout-prout et carré Hermès à la sortie de la messe que femme fatale ou séductrice - ou alors, elle a une double vie sur laquelle tu viens de mettre le doigt ! (Qui sait ...)
RépondreSupprimerAh oui, qui sait? Peut-être qu'inconsciemment elle trompe son ennui bourgeois avec un parfum quelque peu subversif? Ou qu'elle n'en perçoit que les qualité de bel objet luxueux et bien fait? (Qui dure des jours...)
SupprimerPlaisanterie mise à part, je suis persuadée qu'elle s'est enfermée dans une petite vie bourgeoise et conformiste, qui est celle dont elle maîtrisait tous les codes mais qu'elle n'aime pas vraiment. C'est fou ce que notre parfum peut dire de nous !
SupprimerBonjour Dau, bonjour Carole,
RépondreSupprimerje m'étonne toujours quand je lis dans les blogs écrits en français que Sisley est une marque méconnue surtout au niveau des parfums. Je m'étonne car en Espagne l'Eau du Soir est une senteur extrêmement appréciée. Comme je l'avais écrit il y a longtemps c'est le parfum de la reine émérite Sophia alors que la reine Letizia se parfume de Soir de Lune. La promotion de l'Eau du Soir en Espagne a été superbe! En ce moment c'est sur Izia que l'on mise car l'Eau du Soir, Soir de Lune et évidemment l'Eau de Campagne ont des clients absolument fidèles qui ne se parfument que chez Sisley.
Petite question concernant le billet, on dit... que l'Eau du Soir est également le parfum des prostituées de luxe et des grandes demie-mondaines car les clients apprécient vraiment cette senteur ;)
En ce qui concerne le jus, je sens bien le patchouli mais je trouve que ces derniers temps il y a un tout petit peu moins de mousse de chêne dedans, qu'en pensez-vous?
En ce qui concerne Aromatics Elixir, je trouve que c'est surtout Soir de Lune qui lui doit beaucoup. Question peut-être de climat, je trouve Soir de Lune une variante plus raffinée de cet Aromatics qui lui possède la froideur et le feu des grands chypres (les deux en même temps, la froideur et la chaleur, époustouflant!).
Autres possibilités pour tous ceux qui aiment l'Eau du Soir, avec plus d'épices dans les notes de tête Paloma Picasso, ils s'apparentent vraiment. Avec plus d'agrumes et une évolution intéressante Aromatic Lime de Montale.
A très bientôt!
Sara
Bonjour Sara,
SupprimerDe ce côté des Pyrénées, Sisley est une marque de soin de luxe avant tout est ses parfums sont appréciés d'un cercle de fidèles mais ils ne sont pas "grand public" ce que ceux qui les portent apprécient sans doute, c'est un peu confidentiel, un peu club privé...
Pour vous répondre quand à la mousse de chêne, oui, elle me semble moins présente qu'avant, ce qui explique une certaine dureté autoritaire plus présente dans le parfum. Je boude Soir de Lune que je n'aime pas, je n'en dirai rien parce que je ne le connais pas bien du tout et Izia qui est une énorme déception: une rose joliette mais ridiculement chère. On peut en trouver de plus jolie pour la moitié du prix, je trouve cette sortie ridicule!
Pour ce qui est de Paloma Picasso, c'est le chainon manquant des années '80 entre le Clinique et le Sisley, je l'ai toujours vu comme ça et c'est peut-être mon préféré car s'il est très classique et présent, il a une belle transparence qui lui donne beaucoup de lumière. Effectivement, son départ est peut-être le plus facile des trois. Je me renseignerai à propos du Montage, une ligne que je connais vraiment très mal...
Un grand merci pour cette piste et vos réflexions
à bientôt
Dau
C'est mon parfum, celui vers lequel je reviens toujours et que je rachète pour ne pas qu'il me manque. Il me rend sûre de moi, l'enveloppe, me réchauffe, me réconforte...
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