de la soupe...

Par une erreur improbable de casting, j’ai reçu les échantillons des parfums de la marque Rose et Marius. Je parle d’erreur de casting car j’ai comme point commun avec Madame de Sévigné (si vous ne connaissez pas, c’est une blogueuse de l’époque de Louis XIV) un désamour certain pour la Provence. Et pourtant, à l’inverse de la célèbre épistolière, je ne peux me plaindre d’y avoir une fille en exil. Non, c’est juste cette nature abominablement desséchée et aride qui me désole, moi qui n’aime que le vert et adore la fertilité et la richesse normande. Si en plus vous me parler de lire Pagnol, je vous préviens que je risque de devenir désagréable. Rose et Marius est une marque toute entière tournée vers les charmes de la Provence… Elle nous cause même d’art de vivre en Provence. D’emblée, j’ai envie de passer.

Mais en bon perfumista (Heu, non, pas vraiment, je suis un perfumista paresseux, très), je ne peux pas ne pas sentir des échantillons, ne pas m’intéresser à du sent-bon. À priori, ce n’est pas bien passionnant. Une figue, un encens… Les classiques de la niche, vus et revus. L’encens (Une flânerie sous l’oratoire) est même fort joli, pas exceptionnellement rare, on en a un peu souper des variations sur l’encens la figue et compagnie, mais enfin, je comprends la démarche : vous avez une boutique, vous y vendez des parfums et pour attirer le public il faut lui donner ce qu’il aime. Un fan d’encens qui serait passé, blasé, devant des parfums d’une marque inconnue de lui, va s’arrêter, sentir, peut-être aimer, probablement sentir le reste. Ok, je veux bien.

Plus intéressant, il y a un parfum baptisé « un déjeuner sous la tonelle » qui a le mérite de l’originalité avec des senteurs plus typiques comme le fenouil, un peu de basilic, quelques agrumes, pour un résultat assez culinaire, alimentaire qui évoque un peu la soupe de légumes fraîche qu’on cuisine pas loin tandis qu’on prend l’apéritif dehors. (Mais à l’abri du soleil et avec un indice 50, s’il vous plaît.) L’ambiance est plaisante, même si c’est un peu brouillon, et ça fait un sympathique parfum couleur local à porter en vacances. Comme le reste d la gamme finalement, qui sans rien révolutionner est plutôt plaisante.

Sauf que.

STOP, IL FAUT QU’ON CAUSE.

(Je suis désolé pour Rose et Marius, c’est sur eux que ça tombe, ce n’est pas de chance, mon énervement est bien plus général et ne les vise pas en particulier.)

Ce n’est pas bientôt fini ce foutage de gueule ?  Parce que lancer une petite gamme de parfum sympas dans un monde où il y a plein de choses monstrueusement laides, on pourrait presqu’avoir envie de soutenir. Mais se la jouer marque de niche, luxe et exclusive (dans ce cas 120€ le flacon, c’est loin d’être les pires) Il y a un moment où ça va, c’est bon, on vous voit venir, il faut arrêter de nous prendre pour des abrutis. Sans déconner, pour moins cher, on peut s’offrir un grand classique, ciselé, bien fait, élégant. Certes un peu connu et dont la créativité nous émerveille un peu moins aujourd’hui mais qui a eu le mérite d’être créatif un jour. Alors pourquoi s’emmerder (oui, je suis vulgaire mais c’est le mot qui convient) avec de la niche mal fichue et forcément déjà vue à force de se copier elle-même jusqu’à la caricature ? Parce qu’on est snob ? Non, vraiment désolé, mais pas à ce point. Pas moi du moins. Et j’espère que mes lecteurs ne le sont pas non plus. J’espère que, comme moi (oui, c’est l’instant prétention, j’assume) ils ont un minimum de culture olfactive. Le genre de culture qui lui permet de préférer l’eau de toilette N°19 de Chanel au Bas de Soie de Serge Lutens à 190€ les 75 ml… Parce que la niche, au fond, ça revient souvent à sentir comme tout le monde.

La soi-disant parfumerie d’auteur invente quoi ? Il y a un moment, à force de sortir à la pelle pour faire parler d’elle, plus grand-chose. Elle prétend être exclusive ? Parfois, j’ai envie de dire « qu’elle le reste ! »



Un déjeuner sous la tonelle, Rose et Marius.

Conseil du jour: si vous voulez sentir la figue, allez chez Hermès, le jardin en Méditerrané est mieux construit, plus intéressant et moins cher. Et si vous aimez l'encens, aller voir du côté de Comme des Garçon. Pareil, c'est mieux et moins cher... Moi, je dis ça, histoire de vous rendre service, parce que je sais que vous n'êtes pas des dindons.

Commentaires

  1. Hello
    Malheureusement il va être difficile de te contredire ...
    Pour ce qui est de tes lecteurs je suis de ceux qui ont le temps aujourd'hui de construire leur culture olfactive !.... Tu es un excellent professeur (tentateur) pour découvrir les belles choses .. J'en redemande ;)

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    1. Mais qui a dit qu'ici on pouvait me contredire? ;-)

      Oui, j'assume d'être un tentateur, mais c'est aussi parce que je suis souvent tenté...

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  2. Bon après-midi Dau et Fabricebx,
    De la niche à 190 euros, c'est non en principe à moins que ce soit quelque chose de vraiment novateur et qui me plaise, et encore à 190 euros… non, je vais passer mon chemin, c'est vraiment trop cher.
    Je préfère chercher sur INTERNET et dénicher de petites choses oubliés, ces petites merveilles qui semblent ne plus intéresser personne, sentir à nouveau certains classiques et tomber amoureuse de tant de belles choses que j'avais déjà aimé jadis, pourquoi pas?
    J'ai découvert beaucoup de choses en lisant ces billets, par exemple une petite merveille du nom Coriandre que je trouve à un prix très réduit (moins de 20 euros), j'ai revisité la beauté de Gloria Vanderbilt éponyme, qui se vend à deux sous, j'ai finalement appris à humer Cristalle, cette jacinthe si verte, si humide,
    En tant qu’amateur de parfums j’ai beaucoup de choses à faire, je n’ai vraiment pas besoin qu’on me vende toujours les mêmes choses mais toujours plus chères.
    Comme Fabrice, merci de ce billet. Je lis toujours ces compte-rendu avec beaucoup d’intérêt même si ces derniers temps je ne réponds pas très souvent.
    A très bientôt !
    Sara

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    1. Bonjour Sara,

      Merci de me lire et de commenter. Bien sûr qu'on n'est pas follement malheureux et qu'il reste des pépite à trois fois rien (ou à prix raisonnable) avec lesquelles on peu se faire plaisir! C'est ça qui est ridicule: voir des choses à des prix délirant et se rendre compte qu'on est plus heureux en dépensant beaucoup moins...

      Ce ne fut pas un billet facile à sortir. Parce que je n'aime pas vraiment être négatif. Et puis parce que je vais probablement me mettre mal avec pas mal de gens à force de râler et de dire les choses comme elle me viennent. Mais j'assume et je publie. Parce que, finalement, c'est quand même bien pour m'exprimer que j'ai un blog...

      à Bientôt

      Dau

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  3. Cher Dau,
    Je suis on ne peut plus d'accord avec toi. Je reste tranquillement avec Infusion d'Iris et Habanita edt vintage (mon très gros stock n'est pas fini, ce n'est donc même pas snob). Et en niche ? Que du vieux, de l'époque où ça rimait avec virtuosité et créativité : Ninfeo Mio, Bois des Iles, Passage d'enfer...

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    1. Bonjour,

      Merci, ça fait toujours du bien de savoir qu'on n'est pas seul: on se dit qu'on ne se trompe peut-être pas. Et puis on peut râler et geindre en groupe. Et franchement, geindre en compagnie de gens qui sente l'Infusion ou Habanita, c'est très trsè chic, je trouve!

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