"Oui, si le souvenir, grâce à l’oubli, n’a pu contracter aucun lien, jeter aucun chaînon entre lui et la minute présente, s’il est resté à sa place, à sa date, s’il a gardé ses distances, son isolement dans le creux d’une vallée ou à la pointe d’un sommet ; il nous fait tout à coup respirer un air nouveau, précisément parce que c’est un air qu’on a respiré autrefois, cet air plus pur que les poètes ont vainement essayé de faire régner dans le Paradis…"
Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, le temps retrouvé, 1927.
Certains parfums de ma collection ne sont pas nécessairement des chefs-d’œuvre impérissables. Je ne leur dénie pas une vraie beauté, mais je les remets à leur juste place en évitant des emballements esthétiques injustifiés. Climat de Lancôme fait partie de ces parfums anciens que j’aime porter dans des versions anciennes, qui me donnent du plaisir et sont fort joli, sans pour autant que je songe à décréter que c’est une merveille que chacun devrait avoir sentie, un joyau qui manquerait à votre collection.
L’ouverture est aldéhydée, un peu verte, adoucie d’une note douce note fruitée de pèche et se poursuit sur un cœur floral abstrait posée sur un fond boisé très doux. Il peut rappeler sur papier le Y de Saint Laurent, dont il s’inspire sans doute un peu, mais il est plus proche de Madame Rochas. Ils partagent ensemble ce même rôle de parfum bourgeois et sage dont l’aura poudrée murmure « bonne épouse » à ceux qui croise son sillage. Sa différence, c’est d’être tardif et un peu plus léger que les parfums du début des années ’60. Sans aller vers la modernité d’un Calandre ou d’un Rive Gauche, il propose de jolies transparences poudrées.
Qu’il n’ait pas été correctement reformulé me désole un peu. Je n’aime pas que l’on fasse d’un honnête parfum bien fait une petite chose bâclée, mais sa disparition n’est pas vraiment une désolation, une désespérance comme celle de certains autres., mais je confesse être bien heureux d’en avoir quelques flacons, parce qu’il reflète encore, et plutôt bien, une époque aimée qui m'émeut encore peut-être parce qu'elle n'est définitivement plus, une époque où c’était mieux.
Climat, Gerard Goupy pour Lancôme, 1967.
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