lumière verdie

« Cette obscure fraîcheur de ma chambre était au plein soleil de la rue ce que l’ombre est au rayon, c’est-à-dire aussi lumineuse que lui et offrait à mon imagination le spectacle total de l’été dont mes sens, si j’avais été en promenade, n’auraient pu jouir que par morceaux… »

Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, du côté de chez Swann, 1913.

Il y a peu, je me plaignais de ne pas être une cible marketing et je réclamais des parfums faits en pensant à moi. Je crois que c’est fait. Je crois que l’Artisan Parfumeur a pensé à moi. Entre lui et moi, c’est une vieille histoire qui remonte à l’époque ou le nom de Jean Laporte figurait encore sur les flacons. J’aimais beaucoup cette ambiance très poétique de province française du XIXème siècle qui me faisait toujours penser aux romans de la comtesse de Ségur. J’imagine très bien la maman de Camille et Madeleine porter la haie fleurie du hameau… Les choses se sont un peu gâchées par la suite entre nous, je pouvais comprendre le cirque mais j’aimais moins l’exotisme qui s’est emparé de la marque et je n’ai plus rien compris à des horreurs comme les explosions d’émotions. (Je reconnais : je ne fais pas d’efforts.)

Cette année, nous avons droit à deux colognes (quand je vous dis qu’ils pensaient à moi !) qui me semblent renouer avec cet esprit poétique des débuts. Au bord de l’eau est fort jolie, mais c’est de «sur l’herbe» que je suis tombé amoureux. Les esprits chagrins m’objecteront qu’une cologne au néroli, ce n’est pas très original, qu’on en a déjà vu quelques-unes et qu’il n’y a pas de quoi se précipiter. Certes. Mais un parfum bien fait ce n’est pas si courant et si revival de la cologne il y a, je m’en réjouis et je soutiens en achetant (J’ai reçu une miniature et je me suis précipité pour acheter un flacon, je n’ai pas pu m’en empêcher) parce que le vote du portefeuille, c’est à peu près tout ce que je peux faire. (Ça et écrire un billet, mais je ne me fait pas d’illusion quant à mon influence…) À notre époque de sucreries et de vilains bois qui piquent, un néroli frais et joli reste une originalité. Promenez-vous dans la rue, sentez les sillages et venez me dire que j’ai tort si c’est le cas. (Je mentionne aussi en passant la nouvelle déco des boutique et l’esthétique nouvelle des flacons, luxueuses et élégantes, d'accord, mais dans un genre "pompes funèbres" qui n'est pas exactement ce que je recherche lorsque je vais acheter du parfum.) 

Fabrice Pellegrin a travaillé son néroli en jouant sur les facettes vertes, crissantes, très cologne, mais assez peu sympathiques pour beaucoup qui préfèrent que la fleur d’oranger dans sa version fraîche sente la lessive ou le bébé. Les premières notes me rappellent un peu le feu Néroli d’Annick Goutal qui avait ce même départ vert et herbeux. L’aspect lumineux de la cologne au néroli est assombri de notes plus terreuses, quant aux muscs blancs, bien présents, qui semblent devenu le nouveau standard de la cologne, ils sont maîtrisés et donne plus une sensation poudrée que l’habituel effet propre et lessiviel. Ne nous plaignons pas, ça donne une tenue d’honnête eau de toilette à cette cologne.

Pour moi, tout l’intérêt de la cologne est dans cette luminosité particulière qu’elle a. Comme la plupart des cologne au néroli, sur l’herbe nous montre un ciel bleu et un grand soleil, mais elle a l’originalité de monter depuis l’ombre procurée par les feuillages, une lumière filtrée, verdie, qui ne blesse pas les yeux. Moi qui passe volontiers mes étés à l’ombre, j’ai adopté cette eau à la première bouffée et je ne peux m’empêcher de revenir la humer constamment même sans la porter. Peut-être que je manque d’été, de lumière, de joie, mais elle m’apporte tout cela. Seul regret: j’aimerais un bon gros splash au lieu de la sage vaporisation.

(NB: plus pour les amateur de campagne et d'arrière-pays que pour ceux qui ne jure que par les heures à se dorer sur la plage.)

Sur l’herbe, Fabrice Pellegrin pour l’Artisan Parfumeur, 2017.

Commentaires

  1. Bonjour Dau,
    vous m'avez donné envie, avec cette senteur néroli vert, il faudra que je teste dès qu'il y aura des flacons à Madrid.
    A très bientôt!
    Sara

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    1. Bonjour Sara,
      Je pense que cette cologne devrait vous plaire...à la fois classique et originale, c'est un délice sans prétention!
      à Bientôt

      Dau

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  2. Bonjour Dau et Sara,

    Quelle belle description évocatrice... j'ai maintenant très envie d'aller me rouler dans l'herbe. Hélas chez nous, l'herbe verte et fraîche est encore loin... J'espère que ces nouvelles éditions se trouveront bientôt au Canada. Sinon, je devrai attendre un hypothétique voyage en France...

    Sophie

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    1. Bonjour Sophie,

      Se rouler dans l'herbe, on a pu il y a quelques semaines mais le gel est revenu la nuit. Oui, je suppose que ça devrait arriver assez vite, mais voila une bonne excuse pour voyager, non? Etr comme les excuses sont faites pour s'en servir... ;-)

      à bientôt

      Dau

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