« Mais j’étais incapable de voir ce dont le désir n’avait pas été éveillé chez moi par quelque lecture… »
Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, le temps retrouvé, 1927.
Le nom, Grimoire, évoque les pages d’un vieux livre, odeur caractéristique, familier si vous fréquentez les bibliothèques et les brocantes, agréable, liée à de bons souvenirs, mais pas nécessairement portable. Je persiste à penser que beaucoup d’odeurs, aussi agréables soient-elles, ne font pas de bons parfums. Il est vrai, bien que j’ai du mal à ne pas frissonné de dégoût à cette idée que je vis dans un monde ou certaines personnes trouvent chouette de sentir la barbapapa. Je ne juge pas (En fait, si, je désapprouve vivement!, il en faut probablement pour tous les goûts, y compris les pires. Mais Dieu merci, Anatole Lebreton n’envisage pas les choses de cette façon et fait un vrai parfum et nom un parfum d’ambiance.
Grimoire est tout d’abord un encens. Mais très vite les choses change, le parfum raconte une histoire, plus complexe qu’une simple variation autour de l’encens. Forcément, l’encens, c’est une ambiance d’église. Arrive assez vite le cumin, perturbant parce qu’il sent la chair chaude. Si le grimoire est celui d’un moine, ce moine n’a pas fait voeux de chasteté. Et puis nous sortons de l’église pour aller vers un registre plus agreste de fougère qui fleure bon la lavande, les mousses et les bois. L’effet décrit ainsi pourrait faire penser à celui d’Encens et Lavande de Lutens, mais là ou le Lutens, un peu statique nous fait contempler les champs de lavande depuis le porche d’une église, Grimoire nous emmène en balade, nous fait passer d’un lieu à l’autre en gardant sur nous la trace de cette église où nous avons commencé la balade.
Par moment, familière et lointaine, nous sentons l’odeur de vieux livre annoncée. Souvenir de lectures pour parfum littéraire? Assez vite, en tous cas, pour décrire ce parfum, une image s’est imposée à moi alors que je le portais, c’est celle de Madame Bovary visitant la cathédrale de Rouen en compagnie de Léon, celui qui n’est pas encore son amant, montant ensuite dans un fiacre et y consommant l’adultère, odeurs de peaux échauffées sous des vêtement où s’est accrochée l’odeur de l’encens, pendant que la promenade dans les jardins et la campagne environnante. Nous voilà soudain bien loin des bondieuseries et ce n’est pas moi qui m’en plaindrai.
C’est, en tous cas, toujours étrange et troublant de voir un souvenir, réel ou imaginaire, mis en flacon.
Grimoire, Anatole Lebreton, 2016.
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