en coulisses...

"Mais tout d’un coup, dans l’écartement du rideau rouge du sanctuaire, comme dans un cadre, une femme parut…"

Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, du côté de chez Swann, 1913. 

Une nouvelle sortie d’un parfum Anatole Lebreton, c’est toujours, pour moi, un peu spécial, un petit événement qui me tient à cœur, plus que les grands tralalas de certaines marques étables et passablement sans intérêt à mes yeux. Le créateur est charmant et, surtout, nous avons des goûts forts proche, dont une passions pour les  "vieilleries", les choses anciennes, tous ces merveilleux parfums anciens qui sentent "la vieille." Bref, il connaît ses classique et cela se sent dans son travail, alors qu’on a parfois l’impression que pour certains, l’histoire de la parfumerie commence en 2005. (Ou c’est moi qui cherche une excuse charitable au manque d’intérêt de certaines créations qui croit tout inventer alors qu’elles se vautrent dans la plus infâme banalité ?)



J'avoue que l'univers d'Anatole Lebreton m'est assez naturel,  je m'y glisse facilement. Aimer les atmosphères anciennes, les boudoirs de cocotte, les triples rangs de perles et les étoles de vison peut aider à comprendre le parfum. Surtout ce petit dernier qui a délibérément des airs un peu poule de luxe façon cinéma d'avant le code Hays, il faut le dire. Parce que, vous savez, it's good to be bad...


Incarnata est inspiré par la féminité la plus classique, le cliché, l’image, du rouge à lèvre et du fard. Ce n’est pas la première fois que le thème est traité, c’est même devenu un classique du parfum figuratif. Ce qui fait la différence ? La sensation ancienne, rétro, presque tactile du "gras" du fard crème qu’on a presque l’impression de goûter sur le bout de nos lèvres. Et puis, surtout, le fait que le parfum ne se borne pas à évoquer l’usine de rouge à lèvres ou la salle de bain de coquette, mais dresse le portrait d’un univers entier, vu par le petit bout de la lorgnette, mais bien présent. Incarnata raconte une histoire…

À mon nez, c’est une histoire de théâtre, de coulisses de théâtre, avant la pièce. Nous sommes dans la loge de la diva, lipstick et poudre de riz, une boucle d’oreille en diamant égarée dans une perruque, le texte annoté, protégé par une reliure de cuir, un sac de ville en dam qui traîne, quelques bouquets de fleurs envoyés par des admirateurs. Dans le couloir, devant la loge, des danseurs s’échauffent pour le ballet, peau nue, léger voile de sueur ; l’odeur des corps se mêle à la poussière d’un théâtre ancien. Quelque chose se passe dans la fébrilité, une transformation, le passage d’un être réel à un autre, fictif et pourtant plus vrai parce que ramener à son essence par le texte. Incarnata maquille pour révéler quelque chose, pas pour déguiser. Incarnata prépare à vivre des histoires.

Incarnata, Anatole Lebreton, 2015.

Commentaires

  1. Bonsoir Dau,

    Je ne connais pas encore Anatole Lebreton
    ......Quelle chance .Une rencontre olfactive nouvelle !!!
    Incarnata vous en parlez à ravir. Belle mise en scène... L' effet couleur incarnat à double sens me tire déjà par la manche.
    Ah ces "vieilleries" ces choses anciennes tant dédaignées par certains ...j'ose (Les.. pisse vinaigre Ooopsss trop tard )
    Tant chéries , par d'autres...M'en fiche "C´est dans les p´tits détails comme ça,
    Que l´on est snob ou pas..." ( Les chansons de Boris me font rire..)

    Ces Perles Rares, en parfumerie qui nous arrivent miraculeusement en 2015
    Qui l'eut cru ?
    Je bats déjà des mains.
    Comme je suis--- Vous l'avez déjà compris--- "Excesssssive" -- Je ne vais pas résister longtemps
    et faire coup double, sinon triple. ( c'est pareil pour la lecture etc...)

    L'eau Scandaleuse....Galbanum ,Cassie Tonka Mousse... ... j'y suis déjà ,narines palpitantes
    Je sais que je vais aimer, Je trépigne...J'en ai déjà l'eau à la bouche ....


    Merci pour ce délicieux billet.





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  2. Désolée, Dau

    j'ai interverti les matières premières

    Pour L'eau Scandaleuse =>Tubéreuse, Ylang Ylang, Cuir
    Castoréum, .... Mousse de Chêne.
    &
    L’'eau de Merzhin .=>Galbanum ,Cassie Tonka Mousse.

    Tous ces jus encore fantasmés m'ont troublé les sens

    Je subodore que je vais y "plier" mon budget !!!

    ...........J'y cours !

    Bon week-end.

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    1. Craquez, craquez, je ne peux envisager qu'on ai des regrets d'avoir céder. C'est vraiment une parfumerie pour amateur de vieillerie, originale et rare. J'avoue être ravi que ça se vende et se distribue un peu (fort peu pour l'instant, mais, on y croit) même si c'est un peu moins rare. Mais si les rues sentent un peu plus beau, le rare, on peu s'en passer. (Si seulement, c'est la laideur qui pouvait devenir rare...)

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