apaisement

“C’était un pouvoir d’apaisement tel que je n’en avais pas éprouvé de pareil depuis les soirs lointains de Combray où ma mère, penchée sur mon lit, venait m’apporter le repos dans un baiser.”

Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, la prisonnière, 1923.

Trésor, eau de parfum, Lancôme.
Trésor est pour beaucoup un parfum qu’il n’est pas bon d’aimer. Trop synthétique. Trop facile. Trop porté. Pourtant, je n’arrive pas à résister à sa tendresse de rose abricotée, je l’ai aimé dès sa sortie et n’ai jamais vraiment changé d’avis. Il s’ouvre sur de belles notes d’abricot, de pêche, veloutées, qui révèlent sa rose, touchée de violette, poudrée par la vanille et l’iris. Tout est fait pour évoquer la douceur, la féminité poudrée et caressante, dans un grand nuage qui vous enveloppe immédiatement. Trésor a merveilleusement fait la transition entre les années ’80 et leur parfums puissants ou la gourmandise était déjà présente et les années ’90. Depuis, il a un peu changé, oui, mais rien de dramatique. Le fond est juste un peu moins enveloppant, il bascule un peu plus vers le cosmétique, mais ça ne lui va pas plus mal.

Lorsqu’il est sorti, j’avais quitté les jupes de ma mère, mais Trésor m’évoque quand même la maman. Il a quelque chose de moelleux, de doux, qui évoque l’épaule sur laquelle on s’appuie pour se consoler d’un gros chagrin. Qu’il soit synthétique, la belle affaire ! Qu’en ai-je à faire des roses du jardin et de leurs épines ? Sophia Grojsman a encore réussi une très belle rose : moins altière que Paris, moins élégante, mais ce n’était pas le but. Trésor n’est qu’émotions et douceurs. Étonnamment, pour une fois, tout l’univers bâti autour du parfum était juste : la beauté d’Isabella Rossellini, les images et le slogan, tout tournait autour de l’émotion, d’une féminité moins "sexuée," moins "victime de la mode," qui n’était pas pour autant dépourvue d’une sensualité charmeuse.

Il a vieilli ? Oui, peut-être, un peu. Pas qu’il ne puisse correspondre à notre époque, mais on se souvient de l’année de son succès. Qu’on l’aime ou non, je pense que c’est un classique, indémodable qui peut perdurer longtemps. Et si les années ’90 avaient besoin de réconfort, il me semble que tout ne va pas si bien aujourd’hui que l’on décide de se passer de l’apaisement que peut nous apporter un parfum. La douceur en flacon a donc encore de beaux jours devant elle.


Trésor, Sophia Grojsman pour Lancôme, 1990.

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