cynique

Karen Richards: “The cynicism you refer to, I acquired the day I discovered I was different from little boys!”

All about Eve, Joseph L. Mankiewicz, 1950.

C’est l’un des parfums que je croise le plus souvent lorsque je me ballade en ville. Enfin, certes moins que La vie est belle ou autre succès du moment, bien sûr, mais régulièrement et depuis tellement longtemps et à chaque fois, je m’étonne de sentir ce classique, je m’étonne de sa popularité. À la Base, Aromatics Elixir n’est pas un blockbuster : pas de campagne de pub, ou si peu, à peine une image du flacon sur fond blanc de temps en temps dans les magazines, une marque de soin austère, un flacon ultra sobre et un parfum qui n’était pas forcément à la mode. Le bouche à oreille a tout fait. On essaye Aromatics et on l’adopte ou on le rejette violemment.

Camomille et sauge pour le lancer et appuyer le discours « ce parfum fait du bien » de la marque mais surtout des fleurs, de la rose, beaucoup de rose, sombre, et un fond chypré, terriblement patchouli. Rose et patchouli, ça peut faire moderne, aujourd’hui, ce n’était pas le cas dans les années ’70. C’était classique. Déjà ancien. Même s’il y a une démarcation par rapport aux chypres classiques. C’est le chypre, mais revu par le groupe Lauder (propriétaire de Clinique) et signé Bernard Chant, donc inspiré par Youth Dew, terriblement rentre-dedans et affirmé. Loin, très loin de la sobriété et du bon ton.

J’adore le porter depuis le premier jour où je l’ai découvert. C’est un parfum qui donne du pouvoir, il correspond à ce moment où on sort les griffes, laquées de Jungle Red, bien sûr. Le connard en face n’a pas encore la face lacérée, ça n’arrivera peut-être pas, mais la menace est là. Le tout assaisonné d’une haute dose de séduction, parce que « la haine est un sentiment très excitant » dirait Gilda. Alors qu’il n’a pas misé sur un discours de séduction et d’élégance comme 95% des lancements parfum, Clinique atteint la cible et déjoue tous les clichés, car très tôt, c’est l’un de ces parfums qui a été porté par les hommes alors qu’il avait vraisemblablement été conçu comme féminin et respectait tous les canons de l’époque. Comme quoi, le marketing trop ciblé, parfois, ça ferme des portes… 

Dans le fond, Aromatics Elixir, c’est presque un parfum de niche, un truc d’initié. Un parfum qui doit son succès à l’addiction qu’il crée : il ne se lâche pas, on y revient toujours. Il a vieilli et ceux qui le portent avec lui, mais il n’a jamais été jeune en fait : la fraîcheur, l’innocence, la candeur, ce n’est tellement pas lui, il est beaucoup trop intelligent pour ça. Et cynique. 

C’est parfois si bon d’être entre adultes.

Aromatics Elixir, Bernard Chant pour Clinique, 1971.

Commentaires

  1. Bonjour Dau,
    Encore un parfum que j'ai adoré... Je l'ai porté souvent dans les années 80. Son côté complètement original et innovant a fini par m'emporter. Je dis bien qui a fini, car au début j'ai eu du mal. Mais je ne sais pas pourquoi, j'ai persisté avec celui-là. Ce qui me rendait complètement addict, c'est son départ très "médicinal" de camomille : vraiment très étrange ! Ce n'était pas très courant à l'époque, ça l'est encore moins maintenant... A ma grande surprise, ma Maman m'en a ramené un flacon, acheté il y a quelque années dans un duty-free au cours d'un de ses voyages. Elle m'a dit : "j'ai tout de suite reconnu la bouteille, je me souvenais que tu le portais et que je l'aimais beaucoup". J'ai été touchée qu'elle s'en souvienne. Et c'est vrai que dès que je l'ai remis, les compliments de mon entourage se sont mis à fuser à nouveau. Las, je parle de ce parfum au passé car d'après ce que j'ai vu, les fidèles admirateurs-trices d'Aromatics Elixir sont en colère : ils ne reconnaisent plus leur parfum, il serait devenu "pâlot" et ne tiendrait plus, alors que c'était justement aussi une de ses forces...
    Bien à vous

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  2. Bonjour Ambre Rouge,
    Je suis complètement d'accord avec vous le parfum tient moins ces temps-ci (même l'Eau de Parfum que j'ai testée avec l'eau de toilette il y a tout juste une semaine) Je pense que les notes de têtes si particulières ont été disons "adoucies". Qu'en pensez-vous?
    Très cordialement,
    Sara
    P.S.: il y a un nouveau Aromatics In White, c'est autre chose comme un écho du jus d'origine mais qui marie la rose au patchouly.

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    1. Bonsoir Sara
      Effectivement, le départ d'Aromatics Elixir, qui était si particulier et qui avait fini par m'emporter, a été édulcoré; enfin de toute façon presque tout a été limé dans ce parfum : les griffes laquées de Jungle Red dont parle Dau ont été coupées à ras !
      Je ne connais pas le nouveau Aromatics In White, j'ai vu aussi que Clinique a sorti un nouveau opus autour de la rose "Beyond Rose" : j'essaierai de les tester lors de ma prochaine sortie buissonnière dans Paris...
      Amitiés
      Cécile

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    2. Pour le jus original, je triche (quoique) puisque je le marie au baume assorti. ça ne lui rend pas son départ si étrange (et séduisant) mais pour la tenue, c'est parfait. Peut-être pas à la hauteur de l'ancien, mais je ne demande pas à mon parfum de tenir plus d'une journée. (Pour cause de douche, ça ne me sert à rien que mon parfum tienne deux ou trois jours) En plus, c'est une vraie crème de soin contrairement à beaucoup de laits que je trouve joliment parfumé mais pas du tout confortables!

      La version In White, je l'ai d'abord trouvée décevante par rapport à l'original. Mais en lui donnant sa chance, c'est un joli parfum qui change un peu de ce qui se fait actuellement. Dans la lignée de la panthère de Cartier et du Narciso, il renoue avec les anciens en les mettant à la page, mais sans les trahir. Il entoure joliment sa rose patchouli et ça le rend bien plus intéressants que les habituels rose-patchouli qu'on nous sort ses temps-ci, avec ce côté bouquet abstrait qui me plait tant dans les parfums old school. Effectivement plus léger et plus facile qu'Aromatics, il pourrait séduire un public plus jeune, moins aguérri ou aux fans qui auraient envie d'autre chose pour l'été mais sans pouvoir se résoudre à porter un parfum trop différent de leur fétiche. Franchement, dans les flankers, il fait partie de ceux qui s'en sortent bien.

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