Longtemps, je fus
une victime très consentante de la mode, n’hésitant pas à expérimenter, à
innover, aimant aussi le pointu et le conceptuel. Quand on parle de parfum, une
erreur porte moins à conséquence, elle est vite oubliée ; mais quand il
est question de vêtement, le ridicule laisse des traces plus durables à travers
les photographies qui se propagent aujourd’hui bien vite sur le net et ou au
fin fond de l’Australie quelqu’un peut voir la moindre de vos erreurs de look
et là commenter d’un court mais bref « ça, tu n’aurais vraiment pas dû ! »
Heureusement pour moi, la plupart de mes erreurs ont été commises au XXème
siècle, avant la numérisation à tout va, l’ère du portable qui vous immortalise
plus vite que vous ne le voudriez. Cette époque reculée ne figeait qu’aux
moments importants et j’ai toujours eu la sagesse de me dérober…
Tout a commencé pour
moi dès l’enfance : ma mère a adoré les années ’70, mêlant joyeusement la
robe indienne, le motif Paisley, etc., et j’ai donc porté à l’époque où je ne choisissais
pas mes vêtements la panoplie complète. Outre le petit col roulé en nylon de
couleur vive qui m’a à tout jamais dégoutté du synthétique, j’ai arboré le
vrais jeans pattes d’éléphant, non le modèle courant simplement évasé, le gilet
de mouton retourné, le caftan, etc. Il m’en est resté une très forte aversion
pour toute cette période et un grand dégoût pour tout ce qui peut s’apparenter
au mouvement hippie, au flower power. Olfactivement, je n’ai qu’un seul
souvenir : l’unique flacon d’Ô de Lancôme qui trainait sur la coiffeuse
maternelle et qui lui a fait toute la décennie.
Peut-être me suis-je construit
en réaction et cela explique-t-il que je me sois jeté dans les années ’80 avec
joie et enthousiasme. New Wave, Néo Romantisme et surtout le BCBGisme qui
constituait le parfait contre-pied de mon enfance. J’imagine bien volontiers
que je fus insupportable de prétention même si j’ai toujours échappé à l’écueil
do logo… Et dans le fond, ce fut assez positif puisque cette mode, c’en était
bel et bien une, aussi idiote que toute les autres, m’a quand même permis de me
cultiver en m’intéressants aux « pièces iconique » expression déjà
fashion à l’époque qui désignait tout simplement un bon vieux classique !
S’étonnera-t-on que je sois tombé le nez dans un flacon d’Eau Sauvage et que j’aie
fait mes classes parfumées chez Dior ? Les années ’90 m’ont désolé et c’est
à partir de ce moment que j’ai le plus expérimenté, allant voir du côté,
dangereux, des créateurs japonais, de l’avant-garde…
Dans un sens, je n’ai
pas de regret même si j’ai parfois eu l’air d’un clown. (En disant clown, je
pense très précisément à ce pantalon en tartan géant rouge vif signé Gaultier
qui était magnifique, que je ne renie pas, mais qui saisissait dans une époque
beaucoup plus minimaliste.)
Aujourd’hui, je suis calmé, je n’expérimente plus.
Au le fond, je suis peut-être bien devenu paresseux, voir vieux, mais je
reste assez fidèle au style Ralph Lauren, le styliste dont on a dit que ses
ventes (faramineuses) étaient inversement proportionnelles à sa créativité. Je
trouve le commentaire un peu injuste : il y a une véritable inspiration,
simplement, elle ne relève pas de l’orthodoxie excentrique, plutôt du classicisme
de bon goût, mais je trouve qu’il réussit chaque année le pari de vêtement dans
l’air du temps avec un air d’éternité en puisant dans le vestiaire élégant mais
intemporel du passé. Ses création pour Annie Hall et Gatsby le magnifique, tous
deux des années ’70, absolument pas démodées suffisent à démontrer la valeur de
ce style bourgeois, classique et intemporel. J’avoue y être venu peu à peu,
constatant que les pièces de Lauren que je possédais étaient celles que je portais
le plus souvent et le plus longtemps. Même quand elles m’ont couté des sommes
exorbitantes, je ne les ai jamais regrettées, pouvant citer en exemple ce petit
cardigan de cachemire crème que je porte en toutes saisons parce que le crème,
c’est joyeux en hiver et joli en été, qui n’a jamais fait la moindre peluche
alors que je passe mon temps à le laver en machine.
Ma démarche avec les
parfums est exactement la même et aujourd’hui, j’aime surtout les choses
classiques, dans leurs versions d’origine quand je peux, ou celle qui ont un
sérieux air de classique. Certes, c’est à priori convenu et ennuyeux de
rechercher d’abord la qualité d’une chose bien faite et en dehors du temps
plutôt que le choc de l’innovation, c’est peut-être la manifestation d’un repli
frileux qui manque de curiosité, le syndrome du temps de crise… Mais la course
au jamais vu me semble bien vaine, d’autant que ce qui se présente comme neuf n’est
souvent que variation d’un quart de ton ou poudre aux yeux qui s’effondre à l’usage.
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