pois de senteur, caron

 


Porter un Caron classique, c’est s’offrir un retour en arrière, à l’époque glorieuse du luxe français et redécouvrir un certain monde, que dis-je, le monde, le grand monde, celui des duchesses et des princesses, du faubourg Saint-Germain le plus aristocratiquement chic, un monde qui remet celui de Guerlain à sa place en rappelant que la maison parfume surtout des bourgeoises salonardes, des épouses de politique et des cocottes… Bref, le demi-monde. Pois de Senteur est merveilleux dans sa version actuelle qui ne trahit pas l’antique de la marque dont on se demande toujours un peu si les clientes sont toujours en vie ou n’ont tout simplement pas réalisé leur décès tant cela aujourd’hui sent la douairière comme il n’en existe plus en dehors des romans et de quelques séries « en costumes. »




Ce n’est pas le plus chic des parfums Caron, la petite duchesse lancée qui dicte la mode préférant En Avion ou Narcisse Noir, plutôt celui de l’une de ses dames qui font partie de cet univers, en sont indélogeables, par la naissance. Chez Marcel Proust, ce serait la marquise de Villeparisis qui reçoit en tablier, au milieu des fleurs qu’elle peint, ou l’excellente Marie-Aynard de Marsantes qui s’inquiète des fréquentations d’un fils tant adoré. En dépit de son nom, Pois de Senteur est un parfum de salon qui enrobe son bouquet champêtre dans la base crémeuse et poudrée des Caron de la grande époque et dont la base sent définitivement la poudre et le cosmétique.




Des grandes dames, il a ce snobisme de conserver quelque chose d’un peu rustique.  Son français roule un peu les r comme à la campagne à la quelle son nom le rattache, il affiche une simplicité dont il sait qu’elle met en valeur sa sophistication, feint d’ignorer la modernité et tente de dissimuler les refus les plus farouche derrière une apparence d’ignorance. Mais surtout, Pois de Senteur a énormément de charme. Il semble avoir mis l’été en flacon. Intensément floral et blanc, plus que le bouquet épicé posé sur une console Louis XVI, il évoque l’air d’une campagne estivale, saturée de pollens, cet air chargé de pollens si fatal aux asthmatiques, si délicieux aux nerveux et ce sont souvent les mêmes. Des nuances de miel sont présentes pour souligner que les fleurs sont l’organe sexuel de la plante, que le tableau n’est pas si pur et que la grande dame a peut-être une liaison, voire un passé scandaleux.




Alors, oui, je vous le concède volontiers, ce n’est probablement pas le plus facile à porter de mes parfums. Pourtant, au-delà d’être une escapade dans le temps, la principale qualité de Pois de Senteur est de sentir le bonheur. Ce n’est pas un parfum d’éclat de rire ou de légèreté, plutôt celui d’une plénitude sereine. Et puisqu’il sent si merveilleusement l’été, oui, c’est un parfum que j’ai grand plaisir à porter en hiver.





Pois de senteur, Ernest Daltroff, revu par Jean Jacque pour Caron, 1927, 2021.


NB: Je trouve la version actuelle, très belle, très satisfaisante et je ne pense vraiment pas à chercher des versions anciennes avec les risques que cela comporte te les inévitables altérations que cela entrainerait. Certes, le flacon est moche et le parfum fort cher, mais je dirais qu'il s'est aligné sur la niche et qu'il a au moins le mérite d'être qualitatif, ce qu'est beaucoup moins la niche moderne.


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Commentaires

  1. Est ce que hurler OUIIIIIIIIIIIIIIII, OUIIIIIIIIIIII, OUIIIIIIIIII est adapté ? Je crois que... oui !

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