cristalle, chanel

 


Cristalle est la première incarnation du « faisons comme les autres en mieux » de Chanel, un parfum un peu mal aimé parce qu’il copie de façon vraiment manifeste ce qui se faisait à l’époque et date d’une période ou plus rien allait vraiment rue Cambon : entre la mort de Mademoiselle et l’arrivée de Lagerfeld, ne restaient que quelques fidèles du tailleur en tweed, riches bourgeoises vieillissantes fidèles aux modes de leur jeunesse et femme politiques de droite. Et même elles commençaient à aller voir ailleurs pour se parfumer, délaissant les cher N°5 pour l’été au profit d’une de ces eaux chyprées, si jeunes, qui sentaient bon la fraîcheur et les vacances…




Cristalle s’inspire énormément de Diorella, on retrouve chez Chanel la structure chyprée du Dior, un départ d’agrumes lumineux, un cœur fleuri, très jacinthe verte, traversé d’une belle note de melon sur un fond de mousse et de vétiver. La recette est classique, presque connue mais Henri Robert a su enchaîner les notes avec précision, netteté, en les tirant vers la partie froide du spectre faisant de Cristalle un parfum plus que frais, presque psychorigide. Les fruits sont des sorbets, les fleurs givrées. Tout est aimable et lumineux, mais hautain.




Les versions qui se sont succédé avaient un peu affadi le propos. Cristalle à retrouver un peu de son lustre glacé grâce à Olivier Polge. Certes, même si je ne dirais pas que le parfum s’est réchauffé, il est aujourd’hui un peu plus flou, moins net, ce qui donne à sa froideur quelque chose de moins guindé, de moins cérébral et d’un peu plus sentimental. Mais enfin, on le reconnaît parfaitement. Il s’impose toujours avec autorité, même s’il se fait peut-être un peu plus discret, et reste un monument du genre eau chyprée, un de ceux qui ont réussi à traverser le temps en restant fidèles à eux-mêmes. Les puristes feront peut-être une légère moue en y découvrant quelques muscs blancs qui leur paraitront un compromis, mais on rêve malgré tout d’un monde où tout aurait aussi bien survécu que Cristalle.




Est-ce un indispensable ? Peut-être pas tant que ça, mais enfin, il est tellement parfait pour emmerder le monde avec la plus exquise des politesses que ce serait dommage de s’en priver, non ?


Cristalle, Henri Robert pour Chanel, 1974.


Commentaires