Après la mort de Mademoiselle, les parfums Chanel ont préservé le patrimoine et ont suivit les modes selon un schéma assez simple : faire ce que font les autres mais en mieux. Plus de richesses, de plus belles matières premières, des compositions plus raffinées marquées de l’élégante touche Chanel. Parfois la méthode donne des compositions pas laides mais ennuyeuses et sans intérêt comme Bleu ou Chance et parfois les étoiles sont alignées, le miracle se produit et cela donne Coco !
Né dans le sillage d’Opium, Coco est un floral-épicé-oriental ’80 de plus, mais probablement le plus réussi de la bande. La maison Chanel revenait sur le devant de la scène, faisait à nouveau rêver grâce à l’arrivée de Karl Lagerfeld. L’époque se prenait de passion pour le baroque, ses surcharges et ses dorures et Coco incarnait parfaitement cet engouement tout en s’inscrivant dans le patrimoine grâce à l’appartement de Mademoiselle moult fois photographiée devant ses paravents de Coromandel, au milieu de ses bois doré. Ce qui de l’air du temps ou de la belle Gabrielle a inspiré Jacques Polge, nous ne le saurons, mais l’inspiration était là et le parfum signé est un chef-d’œuvre dont j’ai envie de dire qu’il à d’emblée été un classique plus qu’il ne l’est devenu.
Coco, ce sont donc des aldéhydes fruités posé sur un bouquet de fleurs, surtout blanches, épicées et un fond ambré et résineux. C’est surtout une construction qui dessine une forme nette et reconnaissable alors même que le parfum est constamment changeant et évolutif. On pourrait isoler et décrire avec passion de brefs et merveilleux passages… Ce mimosa qui décore, illumine et réchauffe l’appartement un peu froid d’une parisienne sans cœur, le souvenir de pâtisseries de Noël qui revient de notre enfance, les notes liquoreuses d’un digestif goûté par un mondain fatigué dans un salon où la fête est terminée… Mais surtout, il faut dire la fluidité et la transparence de Coco qui échappe à la lourdeur à laquelle son orientalisme baroque aurait pu le condamner.
Coco, c’est une merveille d’équilibre et c’est cela qui selon moi en fait un parfum classique. Pas le moindre relent cocotte chez Coco. C’est la sœur bien mariée de la famille orientale, la plus policée, certes, mais qui n’a rien abdiqué, garde son fichu caractère sous son vernis sophistiqué. Evidemment ce n’est pas le parfum le plus facile à découvrir et à porter. Son extrême complexité peut perdre les débutants en leurs ôtant les repères faciles tête-cœur-fond bien marqués et notes connues et reconnues. Son équilibre, moins qu’il ne le date, le réserve à un public plus aguerri.
L’eau de parfum, plus fidèle à la version originale, est plus dense, plus compacte. Elle a quelque chose d’un peu dure dans la mesure ou elle ne laisse pas percer son apparence si brillante qu’elle en est un peu froide. L’eau de toilette sortie bien plus tard sait se faire plus aimable, plus maternelle. (Tout en restant facilement portable par un homme aujourd’hui tant son santal, qui n’étonne plus, peut rappeler celui d’Egoïste.) J’avoue volontiers que Coco n’est pas cool. Tenter le décalage d’un parfum si bijouté en le portant sur jeans et T-shirt blanc tout simple est perdu d’avance : il sent les dorures et les paillettes, brille et ne se fondra jamais dans cette masse qu’il prend volontiers de haut sous ses airs aimables. Un must-have pour les fans des parfums Chanel et les amoureux des orientaux.
Petit coup de cœur personnel pour le lait pour le corps, qui simplifie le parfum, certes, mais ne le trahit pas, qui s’accroche aux vêtements, tient des jours et des nuits dans les pièces où a vécu la belle Coco.
Coco, Jacques Polge pour Chanel, 1984.
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