Aramis est probablement le plus grand succès populaire des cuirs qui, d’habitude, sont plutôt l’apanage d’un public un peu difficile, sans doute parce qu’il est ironiquement très vite devenu un emblème américain de la virilité, toute l’ironie tenant au fait qu’il tire sont ADN de Cabochard que Bernard Chant a aussi réutilisé pour Azurée. (Le groupe Lauder a beaucoup reparti ses formules d’une marque à l’autre et d’un genre à l’autre, ce qui lui donnait une vraie identité et une véritable cohérence.) Si Cabochard, plus souple peut être envisagé comme plus féminin, j’ai toujours trouvé que la demi-sœur Azurée était celle qui portait la culotte dans la famille, bien plus que Mr Aramis.
Aramis, c’étaient des notes végétales, vertes, un peu amères, soutenues par des aldéhydes discrets mais qui donne un peu de brillant à la formule, qui lancent une belle senteur ronde de cuir, salement épicé sur un fond de muscs pas net du tout. Aramis sentait un peu le ceinturon de cuir porté sur un bas ventre en sueur et seule Lauder, qui avait réussi à imposer son Youth Dew grâce à une formule huile de bain, pouvait faire passer ça grâce à des coffrets cadeaux prestigieux et avantageux qui se vendait comme des petits pains avant Noël et qui ont fait entrer le parfum dans de nombreux foyer. Objectivement, ce parfum culotté mérite sa place dans l’histoire de la parfumerie et éclipsait bien des créations postérieures, qui se voulaient plus provocantes, transgressives, mais qui dans le fond étaient bien plus sage. Oui, Tom of Finland d’Etat Libre d’Orange, je pense à toi!
J’en parle au passé car Aramis a été revu à la baisse et n’est peut-être plus aussi provocant. J’aurais recommandé la version ancienne aux fétichistes, je ne suis pas certain de faire pareil avec la formule vendue actuellement. Elle fut d’abord une déception pour moi tant elle me semblait avoir perdu de sa splendeur. Mais le premier choc passé, un peu d’habitude m’a réconcilié avec cet Aramis, reconnaissable malgré tout, qui reste une fort jolie eau de cuir, plus facile à porter, indéniablement plus propre, plus sac élégant que selle de cheval. (Faut-il parfois cesser de s'accrocher au passé? Parfois, je crois que oui.) Cette version assouplie plus polie peut-être est toujours affirmée. Si vous avez fait votre deuil de l’ancien, pourquoi pas ? Et si vous ne connaissez pas Aramis et aimez la famille des chypres cuirés, n’hésitez pas à aller le sentir, il pourrait vous plaire (et reste meilleur que bien des nouveautés !)
Aramis, Bernard Chant pour Aramis, 1965.
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