Vous me direz que je vous répète sans cesse la même histoire
et sans doute n’aurez-vous pas tort, mais vraiment, ce parfum ne semblait pas
fait pour moi. Lorsque Serge Lutens a lancé un collection « matin »
vous m’aviez demandé si je n’avais pas abusé du botox tant mon j’étais resté d’une
impassibilité marmoréenne, la sortie de ce bleu qui pétille vous avait rassuré
sur ce point puisque j’avais haussé un sourcil méprisant à l’idée d’une sortie
marine, berk, berk, berk. Certes j’avais aimé le sea salt and wood sage de Jo
Malone et sa jolie odeur de plage atlantique hivernale totalement dépourvue de
vie, mais enfin, j’étais incapable de le porter, n’appréciant finalement que la
version bougie pour ce qui était avant tout un parfum d’ambiance. (C’est le
gros reproche que je fais à la famille des océaniques et autres marinades.)
Pas de calone à l’horizon, mais après l’attaque (la
pétillance ?) d’aldéhydes un peu métallique, une odeur d’algues qui évoque
effectivement l’eau, une eau dont je ne sois pas si certain qu’elle soit
véritablement salée, mais une eau qui semble pleine de vies. Il y a dans cette
eau des algues, des animalcules, des protozoaires, tout un bouillon de culture
qui m’évoque un vert glauque plutôt qu’un bleu méditerranéen qu’on laisse
volontiers à Dolce et Gabbana. C’est une eau fraîche, une eau des profondeurs,
une eau où l’on devine des ombres.
Car le véritable trait de génie c’est de lui avoir donné une âme. L’encens qui est très présent ne se contente pas d’un rôle de fixateur déjà vu, d’un soupçon de mystère. Il incarne. Le parfum me fait irrésistiblement penser à quelque créature mythologique, l’une des nombreuses océanides fille d’Océan et de Thétis. Vous avez deviné, bien sûr, que c’est l’encens qui m’a séduit. Très présent, sans être complètement mystique, il semble ramener à une époque où l’homme craignait une nature qu’il a dû diviniser pour s’attirer ses faveurs. En cela, plus encore que par la fraîcheur de ces notes, ce parfum évoque une certaine pureté, un peu naïve mais non dénuée de grandeur et de dignité. C’est effectivement le matin du monde, l’éveil et l’émerveillement de la conscience qui découvre. (Mais je vois tout cela de l'œil d'un petit marquis du XVIIIème, parce que…)
J’aime le porter chez moi, méditativement, en dégustant une tasse de thé vert japonais et peut-être en relisant ce conte cruel qui fut l’un des préférés de mon enfance, la petite sirène, conte douloureux ou l’amoureuse fille de la mer devient une fille de l’air avec l’espoir d’avoir elle aussi, un jour, une âme… En tous cas, c'est sous la bannière Serge Lutens, encore un parfum qui émerveille, peut-être moins parce qu'il est une grande œuvre, je ne le rangerais pas dans cette catégorie qui n'est d'ailleurs pas la plus aimable, que parce qu'il procure au porter un plaisir inouï et qu'il fait rêver.
Dans le bleu qui pétille, Serge Lutens, 2022.
Vos descriptions sont toujours magiques à lire. Les marins, un seul a réussi à trouver grâce à mes yeux et surtout à mon nez même si je ne suis pas experte comme vous. Un marin qui ne sent pas les embruns n’en est pas un pour moi….je les retrouve dans Anori du Couvent. J’aime le porter au printemps quand le soleil commence à chauffer. Belette.
RépondreSupprimerIl faut que j'essaie celui-ci car j'avoue que j'ai une infinie répulsion pour tous les "marins", "algues", "embruns" etc... Pour moi la fraîcheur c'est les agrumes, le galbanum, la verveine, la menthe, etc... pas le "salé"...
RépondreSupprimerMagnifique description pour un bien joli parfum. De la finesse et du goût ici, comme toujours.
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