vieux roses

 


Dire ce qui me donne envie de tel ou tel parfum à un moment bien précis parce que, là, maintenant, tout de suite, c’est celui-ci et pas un autre est parfois l’un de ces mystères mystérieux que je range dans la catégorie « voies du seigneur impénétrables » sans chercher plus d’explications parce que ce serait trop épuisant et dans le fond pas si intéressant, voire casserait la poésie de la chose. Je dis je pour ne pas généraliser ce qui n’est peut-être que mon cas, mais peut-être sommes nous tous un peu pareil ?



Parfois cependant il m’arrive de savoir, de faire le lien. Parfois c’est une évidence, quelque chose qui s’impose, presqu’une volonté extérieure. (Je ne suis pas en train de vous dire « les voix dans ma tête m’ont dit que… » Je ne suis pas folle, vous savez! -pas à ce point.) 

Sur le chemin du retour du bureau, celui que je prends lorsque j’ai envie de voir des arbres et des fleurs le long des trottoirs parce que la ville est quand même plus jolie lorsque la brique est ainsi accompagnée, il y a en cette fin d’été beaucoup de nuances de vieux roses, mauves, pourpres qui se déclinent et elles m’ont donné envie de ces roses chyprée antiques que j’associent à ces nuances…


Perfumista d’Anatole Lebreton est une rose pot-pourri poussiéreuse à souhait. L’hommage à la parfumerie ancienne, démodée, dépassée rend le parfum un peu difficile à porter, ce n’est pas un parfum pour débutantes, plutôt un parfum d’aïeul dont le portrait orne une demeure provinciale, un portrait XIXème austère, plein d’ombres, de dignité, de respectabilité riche mais de bon ton qui ne parvient pas à masquer le bon sourire de l’ancêtre que personne ne craignait mais que tout le monde aimait. 


Chez parfum d’empire, l’eau suave joue sur le même registre mais les pétales de rose, un peu plus charnu, enveloppent et caressent. C’est tout aussi démodé mais plus boudoir, tout en douceur et réconfort poudré avec moult coussins soyeux, rideau de peluche, mousseline qui adoucit la lumière comme chez Mme d’Espard. Le parfum passé ne parvient pas totalement à faire oublier un passé de flirts, d’agaceries et de sensualités. Très confortable, tellement daté qu’il est intemporel, il semble avoir la pureté du repentir sincère qu’une grande passion pourrait embraser encore pour peu qu’elle soit sincère.

Reprocher à Perles de Lalique de Lalique d’être mainstream serait unsnobisme mal placé. Plus accessible dans tous les (bons) sens du terme que les précédent, il n’est pas vraiment plus moderne. Sa transparence le dépoussière mais son élégance est bien désuète. Le fond de chypre, très patchouli est plus perceptible chez Lalique, plus lisible, mais le parfum a aussi ce charme de tenue retrouvée au fond d’une malle qui semble être une costume historique, plutôt qu’un vêtement démodé. Très bijouté, il semble orné de perles, oui, mais de perles de jais qui s’assortissent bien à ce rose poudré, un peu plus pâle que celui de perfumista ou l’eau suave. Encore trouvable, mais de plus en plus difficilement, il se démarque vraiment de ses voisins de linéaire et cultive sa différence.


Je me rends bien compte qu'aucun des parfums cités n'a un gros potentiel commercial, ils ne plairont qu'à un petit nombre de gens qui semblent échappés d'un livre d'histoire(s) et qui auraient l'envie d'y retourner…




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