« …et le soleil menacé par un nuage mais dardant encore de toute sa force sur la place et dans la sacristie, donnait une carnation de géranium aux tapis rouges qu’on y avait étendus par terre pour la solennité, et sur lesquels s’avançait en souriant Mme de Guermantes, et ajoutait à leur lainage un velouté rose, un épiderme de lumière, cette sorte de tendresse de sérieuse douceur dans la pompe et dans la joie qui caractérise certaine page de Lohengrin, certaines peinture de Carpaccio, et qui font comprendre que Baudelaire ait pu appliquer au son de la trompette l’épithète de délicieux. »
Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, du côté de chez Swann, 1913.
Étrangement, alors que je peux tout-à-fait craquer pour du skincare juste à cause du packaging (J’essaye d’en rester aux baumes à lèvres mais c’est dur, heureusement que je sais que je suis allergique, sinon, j’irais DIRECTEMENT acheter les même cushions Sulwhasoo que Bonnie, allez voir ça sur beauty alley et revenez me dire que c’est pas des merveilles si vous osez !)et je l’assume parfaitement. D’autant mieux que je ne suis absolument pas dupe et que je sais bien que ça ne veut rien dire quant à la qualité du produit que ça ajoutera quand même au plaisir d’utilisation et ce n’est pas si mal. Mais pour le parfum, je suis très hermétique au packaging. Vraiment, je peux m’en foutre et me contenter d’un vulgaire flacon moche. Tant pis si ça la fout mal sur Instagram et si ce n’est pas super joli sur le blog. Cependant je dois quand même dire que ça fait partie du plaisir quand on reçoit un colis Oriza Legrand. Les boîtes, les rubans, les glands et les fanfreluches comblent la greluche 1900 en moi. Pas de quoi motiver un achat, mais je ne vais pas bouder mon plaisir. Et je me dois de vous le signaler si c’est quelque chose qui compte pour vous : ce sont vraiment les rois du packaging. Point final.
Mais parlons de Rêves d’Ossian, mon dernier craquage. Dernier craquage mais pas dernier coup de cœur, car je l’ai longtemps convoité. À vrai dire, j’avais hésité entre lui et Relique d’Amour, puis, ayant cédé aux charmes de Relique d’Amour qui est totalement mon genre, je m’étais dit que je pouvais peut-être me passer de ce Rêve d’Ossian qui me ressemble assez peu. Les deux sur papier sont assez proche : des odeurs d’encens, d’églises, de pin. Mais me dire que je n’ai pas besoin de deux encens ne fonctionne pas : certes, les deux parfums ont des notes communes, certes, ils tournent tous les deux autour de l’encens et du pin, mais pour moi ils n’ont rien de commun dans ce qu’ils me font ressentir, dans ce qu’ils m’évoquent. Si Relique est tout entier, mélancolie et tristesse romantique (façon écrivain 1930 pas Barbara Cartland en 1960), Ossian est fort différent.
De même je vais vous épargner les listes de notes trompeuses comme je le fais d’habitudes parce qu’elles induisent trop souvent en erreur. Ce Rêve en est un très bon exemple : je pourrais parler d’aldéhydes. Ils sont présents et je dois même avouer que j’ai repéré un très joli passage, très lumineux, au départ qui me plaît vraiment beaucoup. Mais ce serait un peu vous mentir. Ceux qui n’aiment pas les aldéhydes et pensent immédiatement au N°5 vont fuir, ceux qui aiment vont se précipiter pour acheter. Les premiers seront très déçus parce que les aldéhydes ne sont absolument pas le thème du parfum et les seconds passeront peut-être à côté d’un très joli parfum qui serait totalement leur genre…
Rêve d’Ossian m’évoque les stavkirkes, les églises en bois debout norvégiennes. Il y a l’odeur du bois, la résine de pin, très nette, celle de l’encens également, mais tout est dans un registre plus chaud que celui de Relique d’Amour. Il y a la foule qui se presse, la fumée de braseros, la senteur des vieux missels à reliure de cuir, et surtout les épices de la fête qui réchauffent et qui renvoient aussi à l’enfance, aux repas de Noël en famille et qui font que contrairement à d’autre je ne trouve pas le parfum particulièrement mystique. Certes, c’est un parfum qui évoque l’Orient d’une façon qui n’a rien de sensuel, ce qui peut perturber les gens qui aiment le parfum « sexy » (smiley qui fait la moue) et le place en dehors de la facilité habituelle. Mais ça belle complexité est très réconfortante pour peu qu’on apprécie l’atmosphère nostalgique des compositions de la maison Legrand.
C’est un parfum que je vais adorer porter en novembre. (En novembre, j’adore toujours l’encens. Et l’iris, mais c’est une autre histoire.) Ai-je cédé à ses charmes parce que mai ressemblait beaucoup à novembre cette année ? Peut-être. Cependant, je soupçonne que sa sécheresse, ses baumes et ses résines enfumés et débarrassés de tout aspect sirupeux, ses épices dépourvues de toute connotation pâtissière le prédestinent à la versatilité. Il est peut-être moins indispensable que Relique d’Amour, moins unique, mais reste un parfum rare qui mérite pleinement d’être appelé « de niche » ce qui est si galvaudé de nos jours. Je ne suis pas snob, j’aime beaucoup le mainstream, mais enfin, il y a quelques maisons qui méritent d’exister à côté, qui manqueraient, et Oriza en fait très certainement partie. (Alors que la place est occupée par tant d’autres qui n’apportent strictement rien. Voilà, je suis tout heureux d’un parfum mais je ne peux pas m’empêcher de râler… Soyez les bienvenus sur mon blog si vous le découvrez, c’est souvent comme ça.)
Rêve d’Ossian, Oriza L. Legrand, 2012.
Ah oui, les cushions Sulwhasoo, c'est la perfection! Mais les flacons de parfums inspiration Art Nouveau, c'est très dur de résister aussi 😍😍😍
RépondreSupprimerHeureusement que j'ai un mari avec un nez bionique qui n'aime que les eaux de cologne 70, hein, sinon je ne résisterais pas (😑🙄).
Oh mais je pense que tu as BESOIN d'un grand flacon abeille de cologne Guerlain, parce que le style Napoléon III avec dorures, c'est un peu indispensable, non?
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