« Nous guidant à tâtons sous la voûte obscure et puissamment nervurée comme la membrane d’une immense chauve-souris de pierre, Théodore et sa sœur nous éclairaient d’une bougie le tombeau de la petite fille de Sigebert… »
Marcel
Proust, à la recherche du temps perdu, du côté de chez Swann, 1913.
Le parfum « ambianced’église » est un classique, presqu’un passage obligé, de la parfumerie de
niche. La thématique s’intègre parfaitement à l’univers suranné de la maison
Oriza Legrand. Relique d’amour est un parfum éminemment littéraire qui se
rattache au romantisme, du gothique au symbolisme décadent, qui coche les cases "parfum de niche" tout en restant dans les codes d'Oriza L. Legrand. Il leur apporte juste un nouveau souffle.
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crypte de l'église Saint-Eutrope, Saintes, France. |
Le départ
surprend : épicé, poivré, la première salve ne correspond pas forcément à
ce que nous espérions. Elle est semblable aux neuf coups qui annonce le début de
la représentation sans présager de la suite. D’abord, il y a le lys.
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Élisabeth de Riquet de Caraman-Chimay comtesse Greffulheportrait par Nadar |
La branche
de lys blanc, dans un vase qui luit d’ans l’obscurité en répandant sont parfum
suave. Tout le parfum semble être un travelling arrière qui révélerait peu à
peu le décors environnant. Relique sent la crypte, les pierres humides et les
boiseries cirées, un décors imprégné d’un encens qui brûla jadis et ne laisse plus
que des traces froides. Il y a aussi, dehors, tout autour, la foret. Une forêt
qui est aussi le royaume de l’ombre, de la nuit. Le nez revient sans cesse au
lys, mais on guette sans cesse les variations du décor.
Ce parfum
est résolument plus moderne que les autres senteurs de la marque que j’ai déjà évoquées
par son utilisations des muscs. On les sent fort peu, ils ne sont présents que
pour assurer la tenue du parfum en lui permettant de ne pas se réchauffer. L’ambiance
conserve jusqu’au bout sa froideur minéral. C’est intéressant parce que ça
permet à la maison de rester fidèle à son inspiration tout en étant, quand même,
« moderne. » (Oui, j’ai un peu l’impression d’avoir dit un gros mot,
je vous jure bien que dans ce cas précis, il n’y a rien de péjoratif !)
Si la nostalgie
et le souvenir des jours heureux ne sont pas rares en parfumerie, ici, c’est
autre chose. Plus que le regret, c’est le deuil, le renoncement. Mais ce n’est
pas le moment du désespoir, du déchirement et de l’arrachement. Plutôt la
contemplation de ce qui a été avec une part de tristesse, mais surtout un
renoncement à ce qui a été, mêlé de gratitude, parce que ça a été. Et surtout,
il y a cet élan, mystique, gothique, qui fait que rien ne s’arrête vraiment,
que les liens ne sont pas complètement rompus, cette certitude d’un après,
ailleurs… Et le lys est annonciation, symbole d’espoir, de renouveau.
Assez
discret, le parfum est facile à porter. Travaillé finement, il est élégant et n’en
fait pas trop. Il apporte une touche sombre, grave sans sombrer dans un excès
morbide. Son sillage discret en fait un parfum qu’on laisse respirer à ceux que
nous voulons bien laisser approcher, auxquels nous voulons bien faire partager
un peu de nos profondeurs. Personnellement, c’est un parfum que je trouve
extrêmement serein, peut-être parce que je n’envisage pas la sérénité sans un
certain renoncement, parce que je ne la conçois pas sans le deuil de certaines
passions…
Relique d’amour,
Hugo Lambert pour Oriza L. Legrand, 2012.
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